Pour un suicide des intellectuels

avec Manuel CERVERA-MARZAL
publiée le
animée par Maja NESKOVIC

Je ne sais pas s’il vous est déjà arrivé, lorsque vous étiez lycéen(ne) et désespéré(e), de pousser la porte du conseiller d’orientation, à la recherche d’une idée pour éclairer le trou noir que semblait être votre avenir professionnel. J’imagine que si c’est le cas, il est peu probable que vous soyez ressortis du bureau de M.Lamotte ou de Mme Givron avec l’idée de devenir intellectuel. Et c’est bien dommage. Auriez vous été informé du succès de la filière et de tous les avantages dont bénéficiaient les membres de cette profession, vous auriez signé des deux mains!

« Intellectuel » est une profession qui consiste, pour le dire vite, à être payé pour « produire des idées ». Son rôle, sa fonction, sa légitimité et son utilité sociale ont été les thèmes de nombreux ouvrages et l’occasion d’encore plus nombreux débats et polémiques, plus ou moins productifs ou intéressants. Sans vouloir dénigrer les protagonistes des  débats les plus récents, on pourrait, sans exagérer, être amené à penser qu’ils occupent un peu trop d’espace dans ce qu’on appelle le « débat public » (avec toutes les réserves dues à ce terme).

Manuel Cervera-Marzal publie Pour un suicide des Intellectuels dans un contexte, disons, de trop plein « d’intellectuels » ou plus précisément d’egos d’intellectuels. Sa proposition peut donc paraître tout à fait séduisante. L’idée d’un monde où l’on aurait moins de temps de cerveau occupé par les tweets des intellectuels a quelque chose de réjouissant. Il n’est sans doute pas inutile de la considérer.

Il précise (assez tôt) dans le texte qu’il ne demande pas la disparition physique des intellectuels mais leur élimination en tant que catégorie à part, jouissant de privilèges sociaux, politiques et économiques qui les séparent du reste du monde.  Il s’agit pour lui de faire une critique de ces privilèges et de permettre, en démocratisant radicalement l’accès à cette profession, d’aboutir à une multiplication du nombre d’intellectuels utopiques et une redistribution radicale des tâches de réflexion et d’exécution. Il serait sans doute intéressant de voir quel effet produirait cette redistribution des tâches sur certains de nos plus brillants esprits.

Manuel Cervera-Marzal  Pour un suicide des intellectuels Textuel 2016

Maja NESKOVIC

Durée 58 min.
  • Commentaires

5 réponses à “Pour un suicide des intellectuels”

  1. SirDeck

    Au sujet de l’obsolescence programmée, il me semble qu’il est préférable de rester prudent. Là où certains voient de la malveillance, il y a généralement un calcul économique plus trivial. Un produit conçu pour durer 5 ans ne coûte pas le même prix à produire (et donc pour le client) qu’un produit conçu pour durer 10 ans. L’exemple de l’ampoule à incandescence est souvent cité comme symbole du complot de l’obsolescence programmée. Il semblerait en fait que les entreprises du secteur se soient accordées pour qu’à une puissance en Watt corresponde un éclairement en Lumen ce qui permet au consommateur de s’y retrouver. Comme il semble qu’il y ait un lien physique entre éclairement, consommation et durée de vie, en augmentant l’éclairement de certaines ampoules pour les rendre homogènes avec les autres ampoules de même puissance, on a fait nécessairement baisser leur durée de vie. Il existe bien des ampoules increvables. C’est juste qu’elles n’éclairent pas grand-chose.

    Maintenant, produire des objets plus robustes qui durent plus longtemps et qui sont donc plus chers est sans doute la voie à suivre (pas seulement pour travailler moins, mais pour consommer moins, bref pour être globalement plus efficient). Mais cela passe par une inflexion du désir de nouveautés (voir le déclin de la Ford T, véhicule incassable qui s’est fait complètement dépasser par des véhicules moins chers, bien moins robustes, mais sans cesse renouvelés).

  2. Maunoir Charbonnel

    lumineux!quel espace de respiration cet entretien. Enfin une parole noyée par le discours conformiste qui sort la tête de l’eau; merci Hors séries » émission que la raison devrait programmer sur une grande chaine publique à 20h30.
    Une frustration, comment le communiquer à des gens (mes amis) qui sont pré-ouverts à cette radicalisation non-excessive (peut-être des futurs hors sérinautes?)

  3. KleeMz

    Je le pense à chaque émission de HS visualisée et là je l’écris : MERCI!

    Et hop j’offre un abonnement à mon beauf (façon de partager déjà testée).

  4. Jerome CHEVALIER

    Bonjour,
    juste un petit grincement de dents quand vous avez comparé ébéniste et tourneur fraiseur au bénéfice du premier.
    Ça mis à part je n’ai que des compliments pour l’ensemble des contenus de votre site, c’en est désespérant.
    Encore merci pour les versions audio supères ( je réforme l’orthographe si je veux ! ) pratiques pour les longues journées d’usine et l’écossage des petits pois.
    Jérôme.

  5. Alain Godet

    Je vais peut-être m’exprimer un peu vulgairement mais c’est comme cela que mon impression sur cet entretien est née dans mon esprit : ça pisse quand même pas bien loin…

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