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Place au débat

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A Hors-Série, je reçois habituellement des invités dont je partage les convictions. Aujourd’hui, j’ai souhaité inaugurer un nouveau format, plus conflictuel qu’à l’accoutumée. Marcel Gauchet est historien et philosophe. L’aura dont il jouit auprès de ses lecteurs ne doit pas faire oublier les polémiques qui l’opposent à ses détracteurs. Marcel Gauchet défend-il un projet progressiste, comme il le dit lui-même, ou un retour à l’ordre moral traditionnel, comme il en est accusé ? Pour que chacun se fasse son avis, je l’ai invité à discuter de son ouvrage Comprendre le malheur français (Stock, 2016). Nous avons débattu de sujets aussi brûlants que le mariage pour tous, l’Islam, la montée du FN, l’émancipation des femmes, le néolibéralisme, les « bobos », le statut des fonctionnaires, mai 68, etc.
Pourquoi avoir convié à Hors-Série un intellectuel qui n’appartient pas à notre famille politique ? N’est-ce pas lui faire de la publicité ? Soyons modeste, bien que vous soyez de plus en plus nombreux à suivre Hors-Série, nous restons un petit média au regard des grands organes de presse dans lesquels Marcel Gauchet est régulièrement invité. Qui plus est, accueillir un hôte ne veut pas dire lui dérouler le tapis rouge. L’objectif était au contraire d’insister sur les points de désaccord.
Trois raisons supplémentaires m’ont poussé à faire cette émission. D’abord, Marcel Gauchet se revendique d’une gauche modérée, réformatrice et républicaine, qui n’est pas la gauche radicale, anticapitaliste et émancipatrice dans laquelle je me reconnais. Discuter avec lui est donc une occasion idoine de clarifier les clivages qui traversent la gauche française. Ensuite, Marcel Gauchet n’a ni la vulgarité d’un Zemmour, ni la légèreté d’un Finkielkraut. Il est l’auteur d’un travail historique et philosophique considérable, qui se matérialise dans de nombreux ouvrages consacrés à l’avènement de la démocratie moderne et à la sécularisation de la civilisation occidentale. Quelles que soient mes réserves relatives à ce travail, je considère qu’il est suffisamment sérieux pour mériter qu’on le discute.
Enfin, Marcel Gauchet ne se prive pas de bousculer autrui : les intellectuels critiques deviennent, sous sa plume, des « énergumènes » qui « se donnent des postures avantageuses sur la scène publique » mais dont le « radical-chic » est en réalité « inoffensif » (p. 342). Une telle affirmation appelait une réponse, que j’ai souhaité apporter par le biais de cette émission.
Manuel Cervera-Marzal
6 réponses à “Place au débat”
Entretien intéressant. Suffisamment « proche » pour qu’un dialogue soit possible. Mais aussi suffisamment « éloigné » pour que ça chatouille un petit peu.
J’écris ce commentaire avant même d’avoir visionné l’entretien, pour applaudir l’initiative.
La gauche radicale meurt d’entre-soi, se dessèche à force de s’ausculter le nombril, tétanisée par la peur que le contact avec l’extérieur ne menace sa pureté.
Hors-série, dont j’apprécie beaucoup le travail, me semble parfois tourner un peu en rond…
Merci donc pour cette escapade hors des sentiers battus. Quel qu’en soit le résultat.Bravo Manuel. C’est beaucoup mieux d’avoir un débat avec quelqu’un avec qui on n’est pas d’accord ! Ça évite l’entre-soi… et le copinage
Bonne continuation
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Gabriel Lacroix
Bonjour à tout le monde, et en particulier à Manuel Cervera-Marzal, que je remercie pour cette émission.
Je le remercie parce qu’il est toujours intéressant d’entendre des gens qui ne pensent pas comme nous. Cela peut même être très stimulant intellectuellement. J’avoue cependant que je n’ai pas eu la patience d’aller jusqu’au bout. J’ai entendu à peu près la moitié de l’entretien, mais j’ai fini par m’arrêter parce que j’avais l’impression que M. Gauchet disait trop de bêtises, ce qui rendait la discussion peu instructive.
Au début de l’entretien, pourtant, il a dit une chose assez juste, à savoir qu’il importe de connaître la réalité telle qu’elle est, même si cette connaissance contredit notre idéologie. C’est seulement une fois qu’on a pu établir quelques faits qu’on peut les interpréter en fonction de ses valeurs politiques. Le problème, c’est que les « faits » dont parle M. Gauchet sont souvent des hypothèses hautement contestables, voire des contrevérités. Dire, par exemple, que la France a une croyance très singulière en la politique qui lui fait préférer la loi au contrat, l’intervention publique au marché, c’est laisser entendre que les autres pays ont parfaitement intégré dans leur culture l’idée libérale que le domaine économique a son autonomie par rapport au domaine politique. Or, cette croyance est sans arrêt démentie par les faits, et ceux qui subissent de plein fouet les contreréformes « libérales » le savent bien. En réalité, le libéralisme a toujours été imposé d’une manière autoritaire par les pouvoirs publics. Le libéralisme, y compris sous sa forme économique, est un fait politique. Cela est très bien montré par Karl Polanyi pour le libéralisme du 19ème siècle dans La grande transformation. Serge Halimi dit à peu près la même chose pour le néolibéralisme du 20ème siècle dans Le grand bond en arrière. Naomi Klein l’explique aussi, sous une autre forme, dans La stratégie du choc. Partout – au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Pologne, en Allemagne, etc. – des gouvernements ont pris l’initiative de déréguler les marchés financiers, d’affaiblir les syndicats, de diminuer la protection sociale, etc. Dans ce cas précis, Marcel Gauchet nous présente une vision déformée de la réalité. Son idéologie n’est pas seulement présente dans les hypothèses qu’il formule sur les faits : elle est déjà là dans la manière dont il présente les faits.
Deuxième exemple : M. Gauchet dit que la société n’a jamais été aussi intégrée que maintenant. J’aimerais qu’on me dise comment c’est possible. Les inégalités de richesse (et de culture) ne font que s’accroître, ce qui ne peut que renforcer la coupure entre la petite minorité dominante et le reste de la population. Par ailleurs, le chômage de masse (comme le sous-emploi chronique, qu’on peut constater en Allemagne ou aux États-Unis) ne peut qu’exacerber la concurrence entre les individus : entre les chômeurs (prétendument « assistés ») et ceux qui ont un emploi, entre les étrangers et les nationaux, entre les hommes et les femmes, entre les jeunes et les vieux, entre les travailleurs très précaires et ceux qui le sont moins, etc. Le fameux individualisme dont souffre notre société est moins le fruit d’une révolution culturelle libertaire que d’une sévère concurrence économique qui est imposée aux gens, quelle que soit la tradition culturelle de leur pays. Il suffit d’ailleurs de voir la montée des partis xénophobes (y compris en Allemagne) pour comprendre que nos sociétés sont de moins en moins unifiées, pacifiées, « intégrées »….
Un dernier exemple : d’après Marcel Gauchet, il n’y aurait pas besoin de mouvements féministes pour diminuer les écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Pourquoi ? Parce qu’il y aurait chez tout le monde – homme ou femme – une certaine idée de la justice qui implique le dicton « à travail égal, salaire égal ». Quelle naïveté, chez un homme qui se prétend si réaliste, un homme qui reconnaît lui-même que le mouvement ouvrier a si longtemps négligé les revendications des femmes !
J’en ai regretté l’entre soi comme vous dites…
M.G. fait bien pâle figure face à vos autres invités de grande qualité, aux idées claires bien que complexes. A la fin d’un entretien avec Friot, Laurent ou Renault, au moins on a appris quelque chose et la matière grise s’active. Ici à part de l’abattement, rien.Bravo Manuel pour ton courage, d’avoir résisté au vide béant face à toi, et toujours avec le sourire, chapeau. Mais que ce fut long et douloureux. Aucune base factuelle (genre les bobos, les féministes,…), pure pensée réactionnaire, maltraitance de l’argumentation et concepts aussi vides que troubles.
Aller, on retourne entre soi et on avance ^^?
Passionnant. Merci d’avoir franchi le pas.
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