A History of violence

avec Jean-François RAUGER
publiée le
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animée par Murielle JOUDET

Devant A History of violence, je me suis dit que très peu de films récents m’avaient donné l’impression de ne pas savoir où j’étais, de ne pas savoir ce que je regardais: la réalité filmée, a priori banale et insignifiante, recouvrait une énigme. Le film nous faisait cadeau de cette énigme, on repartait avec sans chercher forcément à la percer tout à fait. On a sans doute compris où voulait en venir Cronenberg mais quelque chose résistait à l’analyse.

Ce quelque chose, c’est ce qui permet au film de s’adresser directement, et dans notre dos, à notre imaginaire et à toutes les images génériques qui s’y trouvent depuis qu’on regarde des films américains. La petite famille tranquille, le lycéen un peu complexé qui mange ses céréales en racontant sa journée à son père, le dîner, la femme qui se déguise en cheerleader pour pimenter la vie sexuelle de son couple.

Et puis d’un coup tout bascule : le rêve s’infiltre dans les nervures du quotidien. D’ailleurs le film est l’illustration littérale de l’expression allemande pour dire « l’inquiétante étrangeté » : unheimlich, dont la définition renvoie au foyer, à ce qui est familier mais aussi au secret et à ce qui est caché. Le secret enfoui au coeur du plus familier, au coeur de la maison, c’est là une définition parfaite du film.

Un peu comme l’analyse qu’avait faite ici même Hervé Aubron de Mulholland Drive de David Lynch, Cronenberg semble nous expliquer ce qu’il en coûte parfois de produire une image d’une paisible innocence : des torrents de violence. Ces images ont une histoire et un inconscient, et c’est ce que retrace A History of violence. A « history » et non pas « story ». Derrière la clarté de ce titre se cachent plusieurs significations qui renvoient aux multiples facettes du film: l’expression « to have a history of violence » signifie  » avoir un passé violent », et il suffit de mettre le H en majuscule pour que le titre renvoie à la grande Histoire américaine.

Le film est comme son titre: derrière sa netteté descriptive se cache une fable, une métaphore, un commentaire politique qui échappe à la littéralité pour être aussi un grand film onirique. Une nouvelle fois, on a voulu vous trouver l’objet qui se prêterait le mieux à l’analyse et avec l’aide de notre précieux Jean-François Rauger, toutes les scènes les plus insignifiantes du film révèleront leur véritable signification. Car il en est de A History of violence comme d’un rêve: il faut y regarder à deux fois et tout se met à signifier.

Murielle JOUDET

Durée 95 min.

2 réponses à “A History of violence”

  1. damien Astier

    J’ai découvert la profondeur de Cronenberg et son message sur la violence intrinseque, naturelle et necessaire de l’homme, qui m’avait échappé (j’etais jeune lors de mes premiers visionnages). Cette revelation de la violence, à la fois fondatrice et destructrice, présentée comme endormie en chacun par la la raison, les « valeurs » (qui sont les jugements socio-culturels d’une communauté humaine à une époque donnée comme le démontre si bien Henri Laborit), est à mes yeux le message le plus fort du réalisateur.
    Je vais m’empresser de regarder sous cet angle le reste de sa filmo.
    Merci Murielle et Jean-François.

  2. bistouille

    Bizarrement, je l’ai trouvé moins dérangeant que tous les autres films de Cronenberg.
    Ses séries B, stars des vidéoclubs des années 80 instillaient un climat de malaise visuel et sonore de par l’absurdité des évènements.

    Peut-être que je n’ai pas compris le film, mais je n’ai pas vu du tout à l’époque la bizarrerie malsaine qui est propre aux autres oeuvres de Cronenberg, je l’ai pris comme un western moderne très réussi, avec des ressorts similaires à « Unforgiven » de Clint Eastwood.

    Je ne me souvenais plus dans le détail du film, j’ai confondu d’abord avec un autre film dont le titre contient aussi un « of violence », de Wim Wenders.
    En tout cas merci pour cette analyse éclairée.

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