La démocratie contre la presse

avec Jacques BOUVERESSE
publiée le
Vous devez être abonné
pour voir cette émission
animée par Maja NESKOVIC

Jacques Bouveresse est un philosophe important. Il est pourtant loin d’être un philosophe médiatique. Et à lire ce qu’il dit des médias, on comprend pourquoi les journalistes n’ont pas son numéro à portée de main.

« Il faut défendre la démocratie contre la presse » nous explique en substance ce spécialiste de l’œuvre de Karl Kraus, satiriste autrichien du début du 20e siècle qui critiquait lui aussi férocement la presse de son époque. Mais si Jacques Bouveresse occupe une place tellement à part dans le milieu philosophique français, c’est aussi parce qu’il a épousé un courant qui n’a jamais vraiment été considéré au pays de Foucault, Deleuze ou Derrida. La philosophie analytique, la philosophie du langage ou le positivisme logique du Cercle de Vienne dont les adeptes s’attachent à défendre des valeurs de vérité, de clarté et de précision, n’ont pas eu le succès de certaines des théories philosophiques les plus en vogue en France comme le post-modernisme et le constructivisme sur lesquels Bouveresse, et d’autres, ont très tôt exprimé beaucoup de réserves.

Si vous vous demandiez à quoi pouvaient encore servir les philosophes, à part à squatter les plateaux télé, j’espère que ce moment passé avec Jacques Bouveresse vous apportera un début de réponse.

P.S : un problème de son peut gêner légèrement l’écoute pendant les cinq premières minutes… Ensuite, tout est OK !

Maja NESKOVIC

Durée 105 min.

14 réponses à “La démocratie contre la presse”

  1. Marie Christine Galtier

    Peut on avoir la bibliographie des œuvres évoquées pendant l’émission ou au moins le nom des philosophes cités par le Pr Bouveresse?
    Merci

  2. Jean-Marc FIORESE

    Je pense que Jacques Bouveresse n’a pas compris l’une des dernières questions de Maja – dont il est vrai que la formulation était très alambiquée mais néanmoins compréhensible – à savoir (à 1:26 dans la vidéo) : est-ce que les gens vivant dans un régime de dictature ou totalitaire sont moins manipulables par la presse (médias) ou, dis autrement, plus immunisés contre la propagande véhiculée par la presse que dans les pays dis démocratiques sachant qu’ils sont bien conscients que cette presse est totalement aux mains du pouvoir qui les oppresse alors que dans les pays dis démocratiques on la tient pour largement plus indépendante ?

    Telle était la question de Maja et même si elle a eu raison de laisser J. Bouveresse partir sur une autre question (celle qu’il a cru comprendre) de l’immunisation de la presse contre le contrôle du pouvoir politique, Maja aurait dû le relancer sur sa question initiale car elle est très intéressante et soulève quantité de problématiques notamment la soumission au pouvoir malgré soi quoi qu’il arrive par le biais des médias de masse par exemple et de la loi du nombre (la meute) dont chacun de nous a expérimenté au moins une fois les effets dès sa plus tendre enfance dans la cour de récréation de l’école soit en tant que victime solitaire et sans défense d’une injustice collective soit en tant que participant à cette injustice collective contre un petit camarade sans défense.

    En tout cas merci pour cette émission bien menée qui ouvre des portes aux profanes en toute simplicité et qui donne envie de les franchir.

  3. Papriko

    Manifestement, ce philosophe est un honnête homme. Brillant sans esbroufe, modeste et clair, respectueux de l’auditeur.
    Maja, même pas intimidée, semble avoir préparé son entretien avec beaucoup de soin. Bonnes questions. Antisèches rédigées au traitement de texte et imprimées. Fini les gribouillages au dos de la liste des courses. Tant pis pour le folklore.
    On regrettera peut-être les textes de présentation à moitié improvisés au dernier moment. On ne saura donc pas à quoi ressemblent la cage d’escalier et l’ascenseur du Collège de France.
    Malgré cela, très belle émission.

  4. Bernard Guericolas

    Rien à ajouter aux commentaires précédents : Brillant et si agréable à écouter ! Merci de nous ouvrir ainsi de nouveaux horizons, tellement d’actualité.

  5. Papriko

    Il me semble que l’entretien n’évoque pas l’affaire Sokal (ou peut-être ai-je oublié d’arrêter la lecture quand j’ai descendu la poubelle…). Rappelons que Jacques Bouveresse a été un des rares intellectuels français qui ont pris la défense d’Alan Sokal et Jean Bicmont lorsque leur livre « Impostures intellectuelles » a été descendu en flammes par la presse quasi-unanime. Voici un texte (ultra limpide et facile à lire) que Jacques Bouveresse a publié à cette occasion :
    http://peccatte.karefil.com/SBPresse/LeMondeEducJB.html

  6. Papriko

    Une curiosité sympathique : le jeune Jacques Bouveresse, alors élève à Normale Sup, interviewé par Pierre Dumayet :
    http://www.youtube.com/watch?v=DY_s02Zh9qc

  7. Papriko

    Ce fils d’agriculteur s’exprime avec l’aisance d’un fils de professeur.
    Si ça se trouve, y’avait même pas la télé chez lui.
    C’est vraiment étonnant.

  8. Papriko

    Pour ceux qu’ont pas suivi, je résume : on distingue deux courants philosophiques principaux:
    1 – la philosophie continentale, dont les stars sont Deleuze, Foucault, Althusser et qui vénèrent Heidegger (qui était naziphile et antisémite, mais on va pas s’attacher à des détails de la vie privée).
    2 – la philosophie analytique, dont les fidèles sont pratiquement inconnus.
    Les philosophes « analytiques » mettent en avant les valeurs de précision et de clarté. Il accordent une importance à l’argumentation et essaient d’appliquer à leur démarche une rigueur scientifique.
    Les « continentaux » sont plus détendus. Ils sont cool et décontractés. Pour ces gentlemen, la philosophie est une sorte de sport. Un jeu de société, qu’on pratique entre membres d’un club où l’on est admis par cooptation. Attention : même si on est copain avec les autres membres, on est adversaires, comme au tennis ou au golf. Le jeu consiste à inventer des concepts de plus en plus abscons et d’aller le plus loin en terra incognita, hors des régions cartographiées de la pensée, jusqu’à ce que les adversaires ne puissent plus vous suivre. Quand vous avez paumé les autres, vous avez gagné. Si le vainqueur a triché, les autres concurrents ne peuvent le dénoncer, car tout le monde triche plus ou moins. Et, comme dirait l’autre, pour qu’il y ait triche, faudrait qu’il y ait des règles. Les observateurs extérieurs (les journalistes, les critiques) ne comprennent pas grand chose au jeu, mais personne n’ose le dire par crainte de passer pour un con. Les rares qui osent dénoncer les impostures sont massacrés par les chiens de garde du club, qui ne peuvent pas avouer qu’ils n’avaient rien compris au manège ou qui passeraient pour complices s’ils avouaient qu’ils étaient au courant. Pour pouvoirs dénoncer les impostures , il faut être protégé par une frontière et être soit américain (Alan Sokal) soit belge (Jean Bricmont). C’est peu un comme en cyclisme, ou la dénonciation de l’escroc qui a berné des millions de personnes est venue des Etats-Unis.
    Voila, c’est pas compliqué à comprendre quand on se concentre un minimum.

  9. hypericumperfolatum

    Merci pour cette passionnante émission,
    Merci de proposer des sujets « pas faciles » et vers lesquels on ne se serait pas tourné de prime abord.
    Bravo à Maja toujours pleine d’assurance, qui sait laisser partir les propos et reposer les questions si besoin… et cette bonne humeur communicative!
    une critique tout de même: le site ne serait-il pas plus riche d’une rubrique « making off » (ou du moins un endroit où on trouve plus de liens hypertexte… ) pour le plaisir de prolonger la reflexion et aider quand un commentaire audio n’est pas transparent pour retrouver une reférence biblio par ex… c’est sur, ça représente encore tout un travail…
    On a hate de voir la suite

  10. Papriko

    @ odilefillod : ce que j’ai retenu concernant de la position de jacques Bouveresse sur la différence des sexes et les études scientifiques sur cette question, c’est qu’il considère qu’il n’est pas bon (et même dangereux) d’en appeler à la science pour de forger une éthique. Cette défiance, qu’il applique également à la question des races, me parait le plus important de ce qu’il affirme sur ces sujets. Son credo est, si je l’ai bien compeis: « ne mêlons pas la science et la morale ». La science essaie objectivement de découvrir ce qui est vrai sans se préoccuper de ce qui est juste. Une morale bien pensée doit essayer d’établir des règles qui rendent possible la vie en société.
    Concernant la chamaille entre Bohler et Lordon, il renvoie les débatteurs dos à dos : les neurosciences annoncent trop souvent des résultats de recherches avant qu’ils soient réellement établis; et trop de sociologues rejettent par principe les neurosciences.

  11. Papriko

    @ odilefillod : je n’ai absolument pas la même lecture que vous des propos de Jacques Bouveresse.
    Voici le mot à mot de son discours : « La tentation de se servir directement de la science pour intervenir dans des questions de cette sorte m’inspire une certaine méfiance. Ça peut donner le meilleur et le pire » (à partir de 1:00:10).
    Lorsqu’il dit : « tout ce qu’on peut faire […] c’est essayer sérieusement d’établir que la science n’a rien démontré de tel », il confirme la dangerosité de l’utilisation de la science pour établir une dès règles éthiques. Ses expressions « tout ce que l’on peut faire » et « essayer d’établir » montrent bien :
    1 – qu’il pense que la science n’a rien établi (autrement dit, ce qu’il nomme « le pire » n’est pas à exclure),
    2 – qu’il répugne à argumenter face à ceux qui veulent utiliser la science pour établir des règles de morale et qu’il ne faut pas faire leur jeu en les suivant sur ce terrain. Contrairement à ce que vous affirmez, il s’agit bien de ne pas « mêler la science » à ces questions.

  12. Papriko

    Je reviens sur ce qu’on a appelé l’affaire Sokal (je rappelle que Jacques Bouveresse a été l’un des rares intellectuels français à prendre la défense de Sokal et Bricmont).
    L’une des stars de l’essai de Sokal et Bicmont « Impostures intellectuelles » est un certain Bruno Latour. L’une de leurs têtes de turcs, pour être plus précis. Ceux qui veulent se faire une idée de l’opinion d’Alan Sokal sur Bruno Latour pourront lire cet article (qui est antérieur à la plublication d’ « Impostures intellectuelles », mais peu importe) où il est notamment question de « charabia postmoderniste »:
    http://www.physics.nyu.edu/sokal/le_monde.html
    J’ai eu la curiosité de savoir ce que ce Bruno Latour était devenu. Sa fiche Wikipédia nous indique que, malgré les accusations dont il a été l’objet, il a fait une carrière fort honorable puisqu’il est aujourd’hui directeur scientifique (vous avez bien lu « scientifique ») et directeur adjoint de Sciences Po…
    Dans l’interview de Jacques Bouveresse par Pierre Dumayet (réalisée vers 1965, dont j’ai donné le lien dans un message précédent), Jacques Bouveresse se dit « accablé » (c’est le mot qu’il emploie) devant le talent et l’intelligence de certains de ses ainés (il cite notamment Jean Cavaillès). Si on lui avait posé la question dix ans plus tard, au moment où les Derrida et autres Deleuze étaient au faîte de la gloire, il se serait peut-être déclaré « accablé » par la malhonnêteté de certains de ses collègues …
    Dans ses réponses à Maja Neskovic, il dit tranquillement des choses qu’on peut qualifier d’accablantes. Par exemple, il se dit persuadé que les détracteurs de Wittgenstein n’ont même pas pris la peine de le lire avant de critiquer ses positions.
    J’ai de plus en plus le sentiment que nous nous vivons dans un monde de coquins. C’est pourquoi cette interview de Jacques Bouveresse est si réconfortante car elle montre qu’il existe encore des hommes simplement honnêtes…
    Merci encore, Maja, pour ce cadeau.

    Parmi les intellectuels qui ont soutenu Sokal et Bricmont, on doit à l’honnêteté de citer Jean-François Revel. Eh! Oui…
    Voici un texte (une pépite, car il contient des extraits désopilants du bouquin de Sokal et Bricmont) qui pourra vous aider à vous faire une idée de la monstruosité des conneries qu’ont pu débiter les Derrida, Deleuze, Guattari, Latour, Virilio, Lacan et autres Baudrillard : Attention, vous risquez de mourir étranglés par le rire :
    http://peccatte.karefil.com/SBPresse/LePoint111097.html

  13. Papriko

    « Je pense que Jacques Bouveresse n’a pas compris l’une des dernières questions de Maja » dixit Jean-Marc Fiorese.
    @Jean-marc Fiorese : en relisant les commentaires, je me souviens que j’avais moi-aussi remarqué ce malentendu et j’avais regretté que Maja ne relance pas Bouveresse car sa question n’était pas sotte. Les citoyens de certains pays, notamment ceux des anciennes « démocraties populaires » sont tellement familiers des techniques de propagande utilisées par leurs dirigeants qu’ils ont développé une attitude de méfiance vis à vis de la presse et des informations émanant des organismes officiels. On peut constater que ce n’est pas le cas dans les « démocraties » de type occidental où l’usage plus raffiné des techniques de manipulation et de bourrage de crâne produit des résultats très supérieurs (puisque, par exemple, la propagande officielle se trouve diffusée jusque dans les forums d’@si, censés être fréquentés par une élite « à qui on ne la fait pas »). L’état de l’opinion publique française sur la situation actuelle en Ukraine en est un bel exemple. On pourra lire sur le sur plusieurs articles sur le blog d’Olivier Berruyer (http://www.les-crises.fr/reprise-le-conflit-ukrainien-propagande-et-realite/).

  14. Nathan Letore

    En effet, vidéo indisponible au téléchargement!
    Diantre…

Laisser un commentaire

Fermer X