Émission conçue et animée par Jeanne GUIEN

« Croissance verte », « capitalisme vert », « bioéconomie », « finance verte »… Qui a lancé tous ces oxymores, et à quoi servent-ils ? C’est ce qu'on a demandé à Hélène Tordjman, économiste et auteure du livre La croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande.

Employée aussi bien par les représentants des industries les plus polluantes, par les institutions censées les encadrer que par les armées d’« experts », de communicants et de cabinets de conseils qui font la navette des uns aux autres, cette terminologie permet de légitimer au nom de l’écologie la commercialisation de nouveaux produits plus dangereux et plus difficiles à contrôler. Biotechnologies promettant la production de variétés végétales résistantes au changement climatique, mais n’étant encore jamais passées par le filtre de la sélection naturelle ; agrocarburants moins émetteurs de CO2 que les carburants fossiles, mais participant à la déforestation et à l’expropriation des terres destinées aux cultures vivrières ; « obligations catastrophes » permettant d’assurer contre, et de spéculer sur, les risques de catastrophe naturelle ou d’épidémie ; semences génétiquement modifiées promettant de plus gros rendements sans engrais chimiques, mais dont le code génétique est entièrement breveté…

Ces produits qualifiés d'« innovations » et de « solutions » à la crise climatique ont des impacts écologiques forts et perpétuent la dynamique économique qui, depuis des siècles, soutient le développement du capitalisme : l’extraction de valeur par le biais de « marchandises fictives », de techniques permettant l’expropriation des uns au profit des autres. Aujourd’hui comme hier, la transformation en marchandises de processus naturels (la terre, le travail, la germination, bientôt la photosynthèse) réduit toujours plus le champ du commun et constitue une menace pour la préservation des conditions de vie.

Jeanne GUIEN