Au travail, la gauche !
Aux Ressources
Juan Sebastian Carbonell et Paul Magnette
Laura Raim
La gauche est historiquement liée au mouvement ouvrier. Nul n’oserait le contester. Pourtant, depuis des années, sur le thème du travail, la droite gagne du terrain. Elle impose son discours, à coups de slogans tapageurs (« travailler plus pour gagner plus ») et de mesures ciblées (comme la défiscalisation des heures supplémentaires). Dans le même mouvement, la gauche est accusée de défendre les « privilégiés » (élus, fonctionnaires) et les « assistés » (chômeurs, allocataires), au détriment des « travailleurs ». L’hégémonie de la droite atteint un point tel qu’on a vu, l’an dernier, le premier secrétaire du Parti communiste, Fabien Roussel, reprendre à son compte une vieille rengaine du patronat, en opposant les « travailleurs » aux « allocataires sociaux ».
Comment en est-on arrivé là ? Comment la droite, qui ne cesse de faire pression sur le travail et d’en dégrader les conditions, peut-elle s’en arroger la valeur ? Pour tenter de comprendre ce paradoxe et, plus largement, pour examiner les transformations récentes du monde du travail, je réunis aujourd’hui deux spécialistes du sujet. Paul Magnette, professeur de théorie politique à l’Université Libre de Bruxelles, vient de publier aux éditions La Découverte un livre intitulé L’autre moitié du monde. Essai sur le sens et la valeur du travail. Juan Sebastian Carbonell, sociologue à l’Ecole Normale Supérieure Paris Saclay, a publié l’an dernier aux éditions Amsterdam Le futur du travail. Le premier aborde le sujet sous un angle philosophique, le second sous un prisme sociologique. Le premier est un élu socialiste, le second assume une perspective anticapitaliste.
Leurs réflexions sont différentes mais complémentaires. Elles nous permettent de déconstruire une série d’idées reçues sur « l’ubérisation de la société », la « grande démission » et « la disparition du travail ». Surtout, elles offrent à la gauche des pistes pour repolitiser la question du travail et en faire le point d’appui d’un programme politique à la fois crédible et désirable. Il en résulte un échange de haute volée, à ne pas manquer.
Bon visionnage !
Manuel Cervera-Marzal