La révolution communiste
Aux Sources
Alain Badiou
Pendant un siècle et demi, la lutte contre le capitalisme était synonyme d’horizon communiste. Désormais, nombreux sont ceux qui se réclament de l’anticapitalisme sans se reconnaître dans le communisme. A cette idée jugée obsolète, ils préfèrent celles de communs, d’écosocialisme, d’autonomie ou simplement d’émancipation. Alain Badiou ne partage pas ce scepticisme. Il appelle de ses vœux une révolution communiste s’inscrivant dans le prolongement direct des évènements d’octobre 1917 en Russie et de janvier 1967 en Chine.
Dans son dernier ouvrage, Petrograd, Shanghaï (La Fabrique, 2018), le philosophe de renommée internationale revient sur ces deux révolutions, qu’il considère comme les plus importantes du siècle passé. Il s’attaque au discours réactionnaire qui trace un trait d’union entre révolution et totalitarisme. Plus encore, il examine les conditions de possibilité d’une révolution victorieuse : comment trouver un équilibre entre spontanéité des masses et avant-garde partisane ? Le travail d’historien ne prend sens qu’à condition d’éclairer notre présent. Badiou exhume la révolution culturelle chinoise afin que ce « dramatique échec » nourrisse une réflexion renouvelée sur l’action politique.
A la différence d’un certain nombre de penseurs critiques, qui excellent dans la spéculation métaphysique en évitant soigneusement de prendre position sur les questions pratiques, Alain Badiou n’esquive pas les difficultés. Au risque de froisser les esprits libertaires comme le mien, il défend la nécessaire existence de leaders, il pose un regard compréhensif sur le culte de la personnalité de Mao, il assume la violence inhérente aux soulèvements de masse, il souligne la virtuosité politique de Lénine et il fait part de réserves à l’égard de l’idée démocratique. Autant de sujets dont nous avons discuté.
Le livre d’Alain Badiou m’a donné une riche matière à penser. J’espère que cet entretien vous en fournira tout autant. Bon visionnage !
Manuel Cervera-Marzal