Un pouvoir exécutif qui enrichit les riches et appauvrit les pauvres, qui fait appel à l’armée pour rétablir l’ordre, qui assimile les opposants à des « terroristes », qui agite la menace de l’extrême-droite pour rallier le peuple à sa cause, et qui se prévaut des valeurs de la République pour mieux les bafouer. Ca vous évoque quelque chose ?... Le Directoire (26 octobre 1795 – 9 novembre 1799), vous y êtes !

Coincé entre les grands soulèvements de 1789-1794 et l’épopée militaire napoléonienne, le Directoire a longtemps été négligé par les historiens. Cette période reste d’ailleurs absente du débat public. Pourquoi alors se pencher sur elle ? Pour la sortir de l’oubli, déjà, mais aussi et surtout parce qu’elle fût le « laboratoire » de notre modernité politique, c’est-à-dire d’une république délibérément vidée de son contenu démocratique et social. Telle est la thèse magistralement défendue par les historiens Marc Belissa et Yannick Bosc, que je reçois aujourd’hui pour discuter de leur ouvrage paru aux éditions de la Fabrique : Le Directoire. La république sans la démocratie. Une république au service des propriétaires, prise en tenaille entre une opposition royaliste sur sa droite et, de l’autre côté, la Conjuration des Egaux portée par Gracchus Babeuf, que Marx et Engels assimileront à « la première apparition d’un parti communiste réellement agissant ».

Dans un va-et-vient passionnant, mes deux invités questionnent ce passé à partir des préoccupations politiques du présent, et ils éclairent notre présent grâce à la profondeur historique de leur savoir ; ou quand Eric Drouet débat du référundum d’initiative citoyenne avec Gracchus Babeuf. Ce faisant, Marc Belissa et Yannick Bosc portent un regard singulier sur le débat représentation politique / démocratie directe. Et ils déconstruisent méthodiquement plusieurs idées reçues, que j’ai longtemps partagées, sur la nature « bourgeoise » de la révolution française et sur le caractère « centralisateur » du jacobinisme. Une émission hautement instructive.

Bon visionnage !

Manuel Cervera-Marzal