Comment je suis devenue noire
Aux Sources
Maboula Soumahoro
« A l’aune des pages qui ont précédé, je décide d’être noire. Non pas de la manière dont l’histoire m’a définie et façonnée sur la base de mon corps. Je suis noire de la manière dont les corps qui ressemblent au mien ont réagi, combattu, contesté, résisté et se sont soustraits à ces tentatives anciennes, répétées et organisées d’infériorisation ». Maboula Soumahoro conclut ainsi sa passionnante réflexion sur l’identité noire, dans un livre qui paraît cette semaine aux éditions de la Découverte : Le Triangle et l’Hexagone. Son histoire de transfuge de classe et de fille d’immigrés ivoiriens ayant finalement rejoint New York pour ses études rencontre la longue histoire du commerce triangulaire et de la diaspora noire/africaine, dont elle est spécialiste. Ou comment une intellectuelle devient son propre sujet d’étude.
Maître de conférences en civilisations du monde anglophone, Maboula Soumahoro est aussi présidente de l’association Black History Month, qui promeut l’histoire et les cultures des mondes noirs. A ce titre, elle pose un regard précieux sur la façon dont certaines performances artistiques – le zoo humain Exhibit B, la mise en scène des Suppliantes par Philippe Brunet, la fresque d’Hervé di Rosa à l’Assemblée nationale – reconduisent, en dépit des protestations de leurs auteurs, des représentations et des pratiques racistes. Elle prend aussi soin de décentrer le regard afin de prendre de la hauteur par rapport aux polémiques parisiano-centrées. Ses nombreux aller-retour entre la France et les Etats-Unis lui permettent de comparer ces deux sociétés. Le racisme est certes banal des deux côtés de l’Atlantique, mais il ne se manifeste, ne s’exprime et ne se combat pas de la même manière. A l’université ou dans les médias, les différences sont palpables. L’hexagone reste prisonnier d’une dénégation de la race, dont il convient d’explorer les raisons et les conséquences.
Bon visionnage !
Manuel Cervera-Marzal