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Macron dissolution, Macron explosion ?

Aux Sources

Félicien Faury, Stathis Kouvélakis & Stefano Palombarini

Emission conçue et animée par Sélim Derkaoui

Pour la première fois de ma vie, j’ai voté à des élections européennes. Par le passé, je n’avais aucune envie de légitimer un Parlement européen fantoche et impuissant face au Conseil de l'Union Européenne, aux Etats-nations, à la Commission, à la Banque centrale et à notre monnaie unique. Mais parfois, il faut savoir prendre en compte le contexte politique calamiteux. En seulement un an, on a enduré la réforme des retraites et la répression du mouvement social, l’écrasement des révoltes urbaines au lendemain de la mort de Nahel Merzouk abattu par un policier, la chasse aux abayas islamophobe, la loi contre l’immigration, les réformes de l’assurance-chômage et celle à venir du revenu de solidarité active (RSA), le génocide des Palestiniens... La liste est longue, je préfère m’arrêter là.

Je suis loin d’être le seul à m’être déplacé pour la première fois : comme en 2022, les habitants des quartiers populaires se sont massivement mobilisés en faveur de LFI, qui a doublé son score depuis les précédentes européennes: environ 10% des suffrages exprimés. La macronie dégringole mais le Rassemblement national (RN) sort grand vainqueur avec 31% des suffrages exprimés, soit six points de plus qu’en 2019 - même s’il est impératif de ne pas occulter les 48,6% d’abstentionnistes. La gauche bourgeoise tendance Erasmus n’est plus incarnée par Yannick Jadot, mais par le Parti socialiste (PS) de Raphaël Glucksmann. Rien de nouveau sous le soleil.

Le soir des résultats, coup de tonnerre: Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives le 30 juin et le 7 juillet. Sur nos smartphones, des alertes google pop-up toutes les heures: la Nupes ressuscite en un Front populaire (ouf, sans Glucksmann) qui effraie les fachos et les classes dominantes, des manifestations s'organisent un peu partout dans le pays, le bloc bourgeois se prépare, la droite se déchire, le RN et Reconquête ne parviennent pas à former d’alliance. Les pays de l’Union européenne observent attentivement un feuilleton politique français qui semble avoir balayé ce scrutin européen - de toute façon, il n'intéressait personne.

Pourquoi Macron a-t-il souhaité dissoudre l’Assemblée et prendre ainsi le risque d’avoir Jordan Bardella comme Premier ministre ? (au fait, Gabriel Attal a-t-il suffisamment travaillé pour bénéficier d’une allocation-chômage ?) Macron souhaite-t-il donner les clefs à l’extrême droite pour qu’elle se plante et prouve ainsi son incompétence ? L’histoire a démontré qu’ils peuvent très bien garder les clefs, et des maires RN ont été réélus en France aux municipales de 2020. Alors, est-ce réellement un « risque » que prend notre président, ou le désir pervers narcissique de légitimer ses positions d’extrême-droite, de se/nous raconter qu’il est « à l’écoute de son peuple », d'assurer à la bourgeoisie que le RN peut très bien gouverner tant qu’il préserve leur capital, tout en prenant soin de diviser les classes laborieuses entre elles ? D’ailleurs, doit-on s’adresser à une partie de l’électorat du RN et, si oui, comment doit-on s’y prendre ? Les « fâchés pas fachos », est-ce un mythe piégeux qui provoque des reniements successifs, ou une stratégie pragmatique à utiliser avec parcimonie ? L’extrême droite est-elle vraiment « aux portes du pouvoir » et la lutte des classes aux portes du Front populaire ?

Pour répondre et réfléchir à toutes ces interrogations, j’ai l’honneur de recevoir le sociologue Félicien Faury, auteur de Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l'extrême droite (Le Seuil, 2024); Stefano Palombarini, coauteur, avec Bruno Amable, de L'illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français (Raisons d'Agir, 2017); et enfin Stathis Kouvélakis, philosophe et membre du comité de rédaction de Contretemps.

Selim DERKAOUI

 

Aux Sources , émission publiée le 13/06/2024
Durée de l'émission : 105 minutes

Regardez un extrait de l'émission