Extrême-droite et capitalisme fossile
Dans le Texte
Andreas Malm
Judith Bernard
Émission conçue et animée par Stathis Kouvélakis
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump et de Jair Bolsonaro a mis en lumière la complicité entre l’extrême-droite, le négationnisme climatique et la défense à tout prix des industries fossiles et de l’extractivisme. S’agit-il simplement d’une alliance contingente entre intérêts sectoriels et discours « anti-élites », ou bien l’indice d’une affinité plus profonde entre extrême-droite et ce « capitalisme fossile » qui commande depuis le 19e siècle le développement de ce mode de production ? Et si tel est le cas, comment expliquer l’affichage de thèmes environnementaux par certaines de ces formations, à l’instar du Rassemblement National en France ? Quel est, en fin de compte, le rôle joué par la crise climatique dans la montée actuelle de l’extrême-droite sur le plan international ?
La recherche menée par Andreas Malm et le collectif Zetkin qu’il a créé permet de voir plus clair dans ces questions. En offrant une perspective à la fois historique et comparatiste, elle met en évidence le lien interne entre la dépendance du système capitaliste aux énergies fossiles et un ordre international fondé sur la domination impérialiste et la vision racialisée des peuples du Sud comme autant de menaces pour le mode de vie économique et culturel de l’« Occident ». Expansion coloniale, exploitation des matières premières et des corps racisés, culte des technologies fondées sur l’énergie fossile (avec la voiture individuelle au premier plan) sont indissociables dans l’émergence du capitalisme.
L’aggravation de la crise écologique et la montée de l’urgence climatique alimentent le discours apocalyptique de l’extrême-droite et lui permettent de mettre en avant ses « solutions » ethno-nationalistes. Le fantasme de pureté raciale et de défense des frontières contre les « submersions migratoires » se conjugue ainsi avec celui d’un recours aux énergies fossiles et à l’extractivisme vus comme une source de puissance « nationale » et de prospérité économique.
En réalité, même lorsqu’elles affirment prendre en compte des thématiques environnementales, les formations d’extrême-droite s’abstiennent soigneusement de toute remise en cause du capital fossile. Pour autant, l’orientation politique à gauche des mouvements écologistes ne peut être considérée comme donnée, la tentation d’un éconationalisme, voire d’un écofascisme, fait également partie des possibles de la période actuelle.
En se confrontant à ces questions, l’intervention d’Andreas Malm et des chercheurs du collectif Zetkin permet de penser l’urgence de l’articulation entre lutte antifasciste et écologie anticapitaliste pour les mouvements d’émancipation.
Stathis KOUVÉLAKIS