"Plus jamais ça"
Dans le Texte
Maxime Benatouil et Houria Bouteldja
Judith Bernard
Depuis le 7 octobre, les charges contre La France Insoumise s’accumulent et on ne compte plus les accusations d’antisémitisme et d’apologie du terrorisme qui visent les militants pro-palestiniens. L’objectif est double : disqualifier le premier groupe parlementaire de gauche, et réhabiliter l’extrême-droite qui aurait cessé d’être antisémite. Un nouvel arc "antirépublicain et antisémite" irait de Jean-Luc Mélenchon à Dominique de Villepin en passant par une bonne partie de l’antiracisme politique. Récemment, les tentatives de discrédit font référence au refus de qualifier de « pogroms » les violences impliquant des supporters ultras israéliens à Amsterdam.
Ce « nouvel antisémitisme » a deux caractéristiques : il identifie toute critique d’Israël à la preuve d’un antisémitisme latent, et il fait de la gauche la représentante principale de ce fléau. On pourrait croire que ces attaques viennent uniquement de nos ennemis politiques, mais la critique selon laquelle la lutte contre l’antisémitisme est « le parent pauvre de la gauche » est également formulée en son propre sein. Militant à l’UJFP et à Tsedek, Maxime Benatouil a écrit un texte intitulé « De gauche, antiraciste et sioniste ? Pour en finir avec une contradiction qui persiste ». D’une part, les nouveaux collectifs « sionistes » ou « a-sionistes » (ni sionistes ni antisionistes), en ne nommant jamais la dimension coloniale et l’apartheid consubstantiels à la naissance d’Israël, se font les alliés objectifs de l’impérialisme. D’autre part, ils participent à l’offensive réactionnaire qui cherche à affaiblir la gauche, et qui, en Angleterre, il y a quelques années, à réussi à ostraciser Jeremy Corbyn au moment où le Labour Party était le plus fort. Cette nouvelle définition prend, depuis le 30 octobre 2024 une dimension répressive très concrète.
La députée Renaissance Caroline Yadan a déposé une proposition de loi visant à condamner les « formes renouvelées de l’antisémitisme » (visant notamment à criminaliser des slogans tels que « de la mer au Jourdain » ou toute expression dénonçant la nature coloniale de l’ État d’Israël). Cette loi, ciblant explicitement, selon Caroline Yadan, Rima Hassan, participerait à renforcer la répression pour « apologie du terrorisme ». Face à ce phénomène, il est urgent de se réapproprier la lutte contre l’antisémitisme, et contre son instrumentalisation par l’extrême-droite et par l’État. Ces derniers se sont en effet acheté un vernis de respectabilité morale en soutenant inconditionnellement Israël et en promouvant une « nouvelle acception de l’antisémitisme intègrant de manière floue toute critique du sionisme ».
De plus, la contribution de Maxime Benatouil insiste sur l’importance de parler du sionisme réellement existant. La critique qui se limite à dénoncer l’extrême-droite israélienne et le sionisme messianique est insuffisante. Le sionisme doit être compris comme un processus continu, inachevé, à l’intérieur d’Israël (vider le territoire israélien de sa population arabe) aussi bien qu’à ses frontières (conquérir de nouvelles terres et donc chasser les population locales). Pour Maxime, les sionistes de gauche récemment organisés au sein de Golem, des Jeunes Juifs Révolutionnaires ou encore du RAAR (Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes), parce qu’il ne s’emparent pas de la question du droit au retour et de l’égalité politique entre Israéliens et Palestiniens, sont, dans leurs revendications, sionistes avant tout. Or, sionisme ou antiracisme : il faut choisir.
Quant à la contribution d’Houria Bouteldja, « Rendre les juifs à l’Histoire ou la fin de l’innocence », elle rappelle qu’en France le destin des Juifs et des non-blancs est indéfectiblement lié. Être pro-palestinien ne suffit pas, il faut lutter contre l’antisémitisme et donc contre l’État racial et la place qu’il assigne aux Juifs. Historiquement, au moment de la construction des États-nations (XVIIIème-XIXème), l’antisémitisme a été un outil mobilisé pour contraindre les populations juives européennes à l’assimilation. Il a en outre été un instrument de pacification des rapports de classe entre bourgeois blancs et prolétaires blancs, leur proposant une alliance contre un bouc-émissaire : le juif. Mais Houria Bouteldja ne se contente pas de revenir sur les racines de l’antisémitisme en Europe et sa fonction historique. Insolemment, elle avance être la personne la moins antisémite de France. Écoutez sa démonstration et jugez par vous-mêmes…
Galatée DE LARMINAT