André Gorz, visionnaire

avec Céline MARTY
publiée le
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animée par Galatée DE LARMINAT

Face à l’écologie des petits gestes, individualiste et culpabilisante, il semble plus que nécessaire d’arracher les questions environnementales du champ de la morale pour leur redonner toute leur envergure politique. André Gorz l’a perçu dès les années 1960 : nos habitudes de (sur)consommation sont directement liées au mode de production capitaliste. La satisfaction durable de nos besoins matériels est ébranlée par l’obsolescence programmée, et celle de nos besoins de conformité ou de prestige (c’est-à-dire de reconnaissance sociale et de distinction) est prescrite par la mode et la publicité.

La surconsommation est nécessaire à l’écoulement de la production mais est aussi un moyen pour les travailleurs de compenser la mutilation vécue au travail par des loisirs superficiels et des distractions. L’aliénation de nos besoins est donc dans la continuité de notre assujettissement au travail. Ainsi, tendre vers la décroissance et transformer notre rapport aux ressources naturelles, qui sont le soubassement matériel de notre production mais également notre milieu de vie, implique pour les travailleurs de prendre le pouvoir sur les moyens et le contenu de la production.

Ce qu’il y a de remarquable dans la pensée de Gorz, c’est qu’il articule sans relâche sa critique du capitalisme avancé à l’élaboration d’un projet de transformation de la société, au commentaire des écrits de Marx et à l’analyse du monde socio-historique dans lequel il est plongé. Son écosocialisme accorde ainsi une importance stratégique au syndicalisme dans la conquête de l’autogestion dans la sphère du travail, des besoins, et plus largement dans ce à quoi on destine du temps. L’auto-limitation des besoins est en effet concomitante d’une limitation du temps passé au travail. Cela ne l’empêche pas de pointer les lacunes des mouvements sociaux qui se cantonnent à des revendications dites « quantitatives » c’est-à-dire sur la répartition des richesses et non sur leur production. Également nourri de ses observations de l’expérience autogestionnaire yougoslave, il revient en France avec une conscience aiguë des limites du modèle qu’il a pu promouvoir.

S’il est un pionnier de l’écologie politique, il est donc aussi un penseur de l’émancipation dans le travail et vis-à-vis du travail. Pour cela, il a réfléchi à un « revenu inconditionnel ». L’entretien s’achève par conséquent sur les débats qui opposent diverses visions du « revenu universel » entre le revenu inconditionnel proposé par Gorz, le revenu de base, et le salaire à vie de Bernard Friot.

Philosophe et militante, Céline Marty nous invite à revenir sur l’actualité de la pensée d’André Gorz, dans un ouvrage d’introduction paru aux Éditions sociales : Découvrir Gorz. Spécialiste de l’oeuvre de ce penseur elle publiera en avril 2025 un ouvrage plus ample, tiré de sa thèse : L’écologie libertaire d’André Gorz. Démocratiser le travail, libérer le temps, à paraître aux PUF.

Bon visionnage !

Galatée DE LARMINAT

Durée 81 min.

Une réponse à “André Gorz, visionnaire”

  1. J. Grau

    Très intéressant. Merci beaucoup !

    Sinon, je profite de ce commentaire pour signaler qu’il y a peut-être des problèmes techniques liés à cette nouvelle version d’Hors-Série. J’ai eu du mal à me connecter car mon mot de passe n’était pas reconnu. J’ai dû en créer un nouveau. J’imagine que d’autres que moi ont rencontré le même problème.
    Cordialement,
    Jordi Grau

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