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Dans les pas de Murray Bookchin

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Le communalisme est de retour. Ce sont les Gilets Jaunes de Commercy qui l’ont remis en orbite le plus explicitement, en revendiquant, l’hiver dernier, de travailler à le mettre en oeuvre et à en propager les principes le plus largement possible au sein des Assemblées des assemblées. Et dans le contexte des élections municipales, nombreuses sont les listes qui se réclament actuellement du municipalisme, fondant leur projet politique sur l’auto-organisation des habitants décidés à recouvrer leur autonomie et leurs responsabilités. Il n’est d’ailleurs pas nécessairement besoin de s’inscrire dans l’électoralisme, ses contraintes de calendrier et son cortège de déconvenues, pour entreprendre de refonder la démocratie à l’échelle locale, qui s’offre à nous comme un champ politique immédiatement disponible : c’est le sens de l’appel qui circule depuis mercredi, dont je suis signataire, et qui invite chacune et chacun à s’approprier le terrain de l’action locale en liant les luttes et les expérimentations alternatives, qu’elle s’inscrivent ou non dans un projet électoral.
A l’origine de ce projet politique d’émancipation anticapitaliste et écologiste par l’auto-organisation, il y a Murray Bookchin. Jusqu’en 2018, on en a peu entendu parler, en France. Et le voici désormais (presque) partout : son heure est venue. Sans doute parce que la démocratie représentative a trop montré ses impasses, parce que les syndicats et les partis institués ont trop souvent déçu, tous ceux qui perçoivent l’urgence de changer la donne et de s’arracher in extremis du train capitaliste, lancé à grande vitesse dans le mur de ses contradictions, sont déterminés à prendre les choses en mains : puisque l’Etat s’entête dans des politiques mortifères, faisons nous-mêmes, faisons sans lui, jusqu’à ce que le rapport de force nous soit favorable.
Mais faire sans l’Etat n’est pas vivre sans institutions : c’est tout l’intérêt de Bookchin d’avoir élaboré un modèle politique lucide quant à la nécessité du fait institutionnel, soucieux d’organiser le pouvoir sans permettre sa capture et sa séparation. D’abord membre du Parti Communiste dans les années 20 aux Etats-unis, Bookchin a gardé du marxisme l’analyse critique du capitalisme et de ses contradictions ; mais sa rencontre avec la révolution sociale espagnole, en 1936, l’a rendu sensible aux idéaux libertaires, à la critique de l’Etat, de la hiérarchie et de la capture du pouvoir. Dans les années 50 il a perçu, parmi les premiers, l’urgence absolue de la question écologique. Et le municipalisme libertaire dont il a alors formulé les principes est la synthèse de ces trois axes politiques : résolument anticapitaliste, auto-organisationnel et écologiste, le municipalisme libertaire se propose comme un outil au service de l’écologie sociale, cette forme de vie permettant à tous de vivre égaux et libres au sein d’un monde vivant et vivable. Libres, c’est-à-dire non pas livrés à nos inclinations individuelles à faire comme on veut, mais libres de choisir ensemble un destin collectif conforme à nos voeux et aux limites de la biosphère.
A la mort de Bookchin, en 2006, les Kurdes du Rojava ont déclaré solennellement qu’ils œuvreraient à relever le défi de son héritage intellectuel : ce deviendrait le confédéralisme démocratique, et si l’expérience est aujourd’hui gravement mise en péril par l’invasion turque, elle a du moins fait la preuve de sa très grande fécondité. Une fécondité qui rencontre donc nos propres urgences politiques, ici, en France, et dont il est essentiel d’explorer les fondements.
C’est à quoi nous nous employons, dans cette émission, avec Floreal Romero, qui est particulièrement bien placé pour promouvoir l’héritage de Murray Bookchin. Issu par son père de la tradition anarcho-syndicaliste, Romero est un fin connaisseur de la révolution sociale espagnole, et de l’influence décisive qu’elle eut sur le projet politique formulé par Bookchin. Avec son livre Agir ici et maintenant, Penser l’écologie sociale de Murray Bookchin, Romero ne se contente pas de restituer le parcours du théoricien du municipalisme libertaire : il en tire une feuille de route pour une stratégie politique aujourd’hui, immédiatement disponible pour notre propre organisation. C’est dire s’il arrive à point nommé.
Judith BERNARD
3 réponses à “Dans les pas de Murray Bookchin”
Hors-série ou hors-piste ?
entretien très peu convaincant voire désespérant s’il reste d’un côté l’EZLN,
et si, de l’autre, Barcelone en l’occurrence, gouverner c’est trahir,
autant passer à autre chose,
un bilan sans concession des mairies indignées à 5 mois de « nos » municipales,
m’apparaîtrait bien plus utile, de même qu’un débat serré autour du Labor de Corbyn,
du réel enfin.Excellente émission. Avec une vraie vision. Le chemin sera long. Cela se fera-t’il en dix ans? J’ai des doutes, car il y a du boulot.
Du boulot mais avec de vrais repères: Communalisme (les communards s’appelaient communalistes), municipalisme libertaire, autogestion ou auto-organisation.
Comme je l’ai dit dans un autre post: dans l’action et l’expérience, trouver la voie d’une vraie démocratie directe.
Oublions le point L.
Je lirais le livre de Floreal M.Romero.Non Judith,
il n’y avait rien de particulier dans la culture espagnole pour adhérer à la philo anarchiste. L’anarcho-syndicalisme était majoritaire chez les ouvriers comme il l’était en France, jusqu’à la guerre de 14/18 (il y a une histoire à faire là).
Aussi bien qu’en France, Les gens de la CNT, en plus de Bakounine ou Kropotkine connaissaient Louise Michel, Élisée Reclus etc. Quand ils ont pris les armes, ils savaient ce qu’il fallait faire dans les entreprises. L’idée de l’autogestion leur était naturelle.
Et cela a été un succès. Détruit par des circonstances extérieures mais non par la gestion de leurs entreprises.
C’est par rapport à cela que je suis un peu déçu par le livre de Romero. Le municipalisme libertaire ne peut suffire pour sortir du capitalisme.
Il faut que l’idée de l’autogestion soit de plus en plus partagée, à tous les niveaux. On pensait, il n’y a pas si longtemps que c’était juste une idée des années 70, pour s’en débarrasser.
Alors que dans les entreprises, là où on est pris par du concret, où chacun participe à un certain niveau, où le blabla ne suffit pas, où on est emmerdé par la hiérarchie, un climat de dialogue et de participation ne peut qu’améliorer les choses.
Il nous faudra ce genre de compréhension mutuelle, étendue à toute la société (au moins en partie) pour affronter « L’effondrement ». (D’accord avec Romero)
Isabelle Attard qui a écrit la postface, a écrit un livre : « Comment je suis devenue anarchiste ». Je vais le lire et vous ferez peut-être bien de l’inviter…
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