Economie: l’offensive mainstream

avec André ORLÉAN et Bruno TINEL
publiée le
animée par Laura RAIM

Comment vit et meurt un courant de pensée? Qu’est-ce qui fait qu’une théorie économique se développe et s’affine au fil des décennies tandis qu’une autre s’essouffle et péréclite? La réponse est bien concrète, voire triviale, et n’a hélas pas grand chose à voir avec la puissance intellectuelle intrinsèque de la théorie en question : pour vivre, une école de pensée a besoin de “professeurs des universités ». Car ce sont eux qui dirigent les Masters et les équipes de recherche, encadrent les thèses, et président les comités scientifiques des revues et des colloques. Or depuis une vingtaine d’années, la théorie “néoclassique”, celle qui prône l’autorégulation des marchés, a mis la main sur les instances de recrutement, de promotion et d’évaluation de la profession, de manière à ne plus laisser le moindre keynésien, marxiste, régulationniste, conventionnaliste ou autre “hétérodoxe” accéder au rang de professeur.

Bruno Tinel est maître de conférence à l’Université Paris 1. André Orléan est directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. Ils sont tous les deux des membres fondateurs de l’Association française d’économie politique, créée en 2009 pour tenter de résister à l’offensive institutionnelle du courant dominant et restaurer le pluralisme dans l’enseignement et la recherche. Ils nous expliquent le fond de la distinction entre orthodoxes et hétérodoxes, au delà de la caricature « ultralibéraux versus gauchistes », et nous décrivent les stratégies institutionnelles que le “mainstream” a mises en oeuvre pour asseoir son monopole sur la discipline.

Laura RAIM

Durée 89 min.
  • Commentaires

6 réponses à “Economie: l’offensive mainstream”

  1. Stephanie

    Désolée, mais pour moi c’est incompréhensible hahaahah! ça va pas me réconcilier avec l’économie.
    C’est la première fois, j’ai aimé toutes les autres émissions, mais là forfait 😉

  2. Lea Dijoux

    Mise au point bienvenue et très éclairante. Merci.

  3. Jean-Marc FIORESE

    Cet écrasement venant de l’orthodoxie économique ne vient-elle pas en premier lieu de l’inversion des rôles entre le droit et l’économie ? Autrement dit ne sommes nous pas passé de l’idée que le droit est la fin et l’économie le moyen à l’idée que l’économie est la fin et le droit le moyen ? Autrement dit encore, une inversion de la servitude étant précisé que le droit c’est ce qui définit l’humain ? Mon intervention n’est probablement pas du niveau universitaire mais tout de même j’ai en tête qu’historiquement ce qui distinguait le droit français – qui en a inspiré d’autres – du droit anglo-saxon c’est une doctrine qui est au coeur de la relation des hommes entre eux sur tous les plans y compris économique à savoir que la liberté est relative et non pas absolue. Cette doctrine a conduit à la notion d’abus de droit à la fin du 19ème siècle et que les anglo-saxons ignorent totalement : la liberté de chacun s’arrête là ou commence celle de l’autre. Or je constate avec beaucoup d’agacement que notre droit si riche s’érode et s’appauvrit considérablement pour épouser les dogmes anglo-saxons voulant que la liberté doit être la plus absolue que possible et que la notion d’abus de droit est une notion de looser. Dans ce contexte, je ne suis pas étonné que l’hétérodoxie économique plus encline à penser l’économie selon des intérêts collectifs et plus à même d’introduire la notion d’abus de droit soit perçue comme une vision économique de looser et donc écartée.
    Sinon l’émission est intéressante même si parfois c’est un peu confus.

  4. Abracadabra

    Deux choses :

    – Ayn Rand : il y a quelques années, je m’étais intéressée à cette figure incontournable du libertarianisme et très populaire aux US, et je m’étais attachée (pour ne pas dire forcée) à lire Atlas Shrugged (La Grève en français), un roman de 1000 pages, truffé de poncifs et de naïvetés psychologiques sur le personnage de l’entrepreneur vu comme un héros. Il faut avoir du temps, et le seul avantage qu’on en retire, c’est de pouvoir vivre de l’intérieur une pensée complètement hallucinante et hallucinée. Je ne conseillerai pas cette lecture à un proche, à moins de lui en vouloir, mais cela ouvre les yeux sur le fait que, oui, ce point de vue sur la vie, ça existe. Pour les plus pressés, il y a un film qui est une adaptation par King Vidor d’un autre de ses romans : The Fountainhead (en VF : le rebelle).

    – L’émission : la première partie est pour moi précieuse. Je ne trouve pas qu’elle soit technique du point de vue économique, mais il est vrai qu’il y a beaucoup d’informations historiques et de name dropping. En tout cas, elle permet d’avoir une vue d’ensemble sur la diversité des courants orthodoxes et de clarifier le point de rupture avec l’hétérodoxie.

    La seconde partie aborde un problème très intéressant : il me semble que les disciplines sont elles-mêmes le résultat de constructions sociales. Qui les définit, et quel est le rôle de l’Etat dans ces questions ? Les hétérodoxes fricotent, trop dangereusement pour certains, avec la sociologie (c’est là surtout que se situe le clivage) et cela me rappelle une citation de Bourdieu qui peut expliquer certaines résistances : « Si l’on accorde si difficilement à la sociologie l’officialité,[…], c’est aussi parce qu’elle a une prétention démoniaque tout à fait analogue à celle de l’État, celle de construire la vision vraie, encore plus qu’officielle du monde social. Elle est en concurrence avec la construction officielle de l’État, même si elle dit ce que l’État dit, elle dit que l’État dit la vérité officielle et se trouve de ce fait en position de méta-État, ce qui n’est pas prévu par l’Etat. Le sociologue fait quelque chose d’analogue au coup de force que fait l’Etat en s’appropriant le monopole de la construction de la représentation légitime du monde social. »

  5. MSC

    Excellent choix d’invités et très bonne émission, merci !

    On aurait effectivement pu vous écouter détailler plus longuement (et lentement !) l’historicité des théories économiques …

    Pour celles et ceux qui seraient curieuses d’Ayn Rand (et accessoirement anglophones), Stephen Colbert permettait il y a déjà un moment d’apercevoir le genre d’idées qu’elle a pu développer : http://www.huffingtonpost.com/2009/03/12/stephen-colbert-loves-ayn_n_174204.html

  6. MSC

    Bravo, et merci.

    J’aimerai savoir, Laura, si jamais vous passez par ici, ce que vous avez pensez de l’émission de france inter à laquelle vous avez participé la semaine dernière : « A quoi servent les économistes s’il disent tous la même chose ? » (http://www.franceinter.fr/emission-le-debat-de-midi-a-quoi-servent-les-economistes-sils-disent-tous-la-meme-chose).
    Le « débat » me semble ne pas avoir eu lieu …
    J’ai par ailleurs une curiosité d’ordre physiologique : quelle dose d’anxiolytiques aviez-vous prise pour pouvoir résister à la nécessité de frapper Augustin Landier ?

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