Émergence et domestication de la théorie critique

avec Stathis KOUVÉLAKIS
publiée le
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animée par Manuel CERVERA-MARZAL

Comment construire une théorie nous permettant de penser notre monde et, de manière indissociable, de le transformer ? De quels outils conceptuels avons-nous besoin et comment penser leur connexion avec une pratique politique à visée émancipatrice ? C’est au fond cette question que pose le livre exigeant et puissant de Stathis Kouvélakis, La Critique défaite. Émergence et domestication de la Théorie critique, paru il y a quelques semaines aux éditions Amsterdam.

En s’arrêtant sur les figures de Max Horkheimer, Jürgen Habermas et Axel Honneth, il y revient sur la trajectoire de ce qu’on a appelé l’École de Francfort. Il donne d’abord à voir en détails le caractère novateur et radical (au sens d’un retour à la racine) de son projet intellectuel et politique, du moins tel qu’il fut réélaboré, formulé et mis en œuvre par Horkheimer, sous le nom de théorie critique, lorsque celui-ci parvint à la tête de l’Institut de recherche sociale au début des années 1930.

Mais il montre également comment ce projet est passé d’une critique intransigeante du capitalisme tentant de prolonger et d’enrichir le marxisme à l’heure du désastre fasciste, à une thérapeutique du social équivalant à un renoncement à toute transformation sociale radicale des structures socio-économiques. Trajectoire non-fatale, comme l’illustre le contre-exemple d’un Herbert Marcuse demeuré fidèle à l’esprit du projet initial, et qui ne peut s’expliquer hors de la défaite d’une magnitude exceptionnelle qu’a représenté l’accès des nazis au pouvoir en janvier 1933.

À travers cette plongée philosophique, c’est plus généralement la modernité capitaliste qui est interrogée : comment faire en sorte que la pensée soit à même de prendre au sérieux son potentiel destructeur et de tracer, à partir de ses contradictions et en lien étroit avec les mobilisations de millions d’exploité·e·s et d’opprimé·e·s, les contours d’une alternative politique et sociale ?

Ugo PALHETA

Bibliographie de Stathis Kouvélakis :
– Philosophie et révolution. De Kant à Marx (La Fabrique, 2017)
– La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale. Entretiens avec Alexis Cukier (La Dispute, 2015)
– La France en révolte (Textuel, 2007)
– Dictionnaire Marx Contemporain (PUF, 2001), co-dirigé avec Jacques Bidet

Voir également ses nombreux articles et entretiens sur le site de Contretemps.

Durée 86 min.

Une réponse à “Émergence et domestication de la théorie critique”

  1. titou

    Apparemment , le mot Communisme est étranger à son discours fort intéressant sur tous ceux qui ont trahi pour rester dans la « normalité » capitaliste .
    L’école de Francfort aurait dû s’adjoindre un spécialiste de géopolitique : cela lui aurait permis de comprendre les enjeux au moment du Pacte germano-soviétique qui sauva sans doute l’URSS après la trahison de la classe bourgeoise internationaliste à Munich.
    De plus étant Grec , l’histoire montre très bien dans ce pays la collusion des fascistes et de l’internationale capitaliste pour contrer les communistes grecs.
    En allant au USA, peu de choses de convenable en matière de lutte des classes ne pouvait survenir.
    Il serait intéressant en plus du discours théorique passionnant , de se pencher sur la vie intime des ces messieurs et de voir s’ils n’ont pas bénéficié de dollars qui achètent tout. Adorno est mort en Suisse le paradis fiscal de l’époque , y a-t-il une réponse satisfaisante à cette question?
    Dommage que le cas Marcuse n’est pas bénéficié de plus de temps de parole , la trahison d’Adorno aurait été encore mieux mise en évidence.

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