pour voir cette émission
Histoire de ta bêtise

pour voir cette émission
J’ai voté oui au TCE en 2005 parce que « l’Europe c’est la paix », j’ai voté Bayrou en 2007 parce qu’il « faut réduire la dette publique » et il doit être possible de retrouver dans les archives d’internet des articles de 2010 où j’explique que la Grèce n’a d’autre choix que de recourir à la « déflation salariale » pour sortir de la crise. Bref, j’ai été un spécimen exemplaire de cette bourgeoisie libérale qui, quelques années plus tard, s’empresserait de voter Macron dès le premier tour pour « faire barrage au pire ». La même qui ne peut évoquer Jean-Luc Mélenchon sans faire remarquer que « les extrêmes se rejoignent ».
Quand François Bégaudeau décortique, dans son essai Histoire de ta bêtise (Faubert 2019), les réflexes discursifs et les goûts esthétiques de cette classe si fière de ses valeurs « progressistes » et si rétive à toute analyse de classe, je retrouve la Laura de ces années là et je peux attester du fait qu’il ne force pas le trait.
Dans cet entretien nous abordons des questions très variées : Quel est le modèle économique d’un écrivain à succès? Quel intérêt d’aller au clash avec Patrick Cohen sur un plateau de télé? Pourquoi la bourgeoisie branchée-gauche-molle déteste-t-elle le naturalisme au cinéma et adore-t-elle les séries? Bégaudeau n’a pas l’engagement d’un militant ni la rigueur scientifique d’un chercheur, mais il a le sens de l’observation et de la formule.
Les portraits qu’il croque des membres du petit milieu bourgeois culturel parisien macroniste qu’il cotoîe sont drôles et cruels : le rédacteur en chef de Transfuge a si peu apprécié le sien qu’il a mis fin à la collaboration de Bégaudeau avec la revue. Moi qui suis fatiguée d’être traitée de « rouge-brune » ou d’irresponsable sous prétexte que je défends la rupture avec l’Union européenne, que je ne me suis pas déplacée au second tour de la présidentielle, ou que je ne « condamne » pas les black blocks, j’ai lu Histoire de ta bêtise comme un revigorant texte d’autodéfense.
Laura RAIM
12 réponses à “Histoire de ta bêtise”
Un bon entretien « coup de poing »! Bravo et merci
Toujours un plaisir d’écouter François, Merci à toute l’équipe et Merci à François. Il me semble percevoir beaucoup de Spinoza derrière la pensée de François
Un penseur important et enfin on parle du livre dans une de ses interviews. À une profondeur qui a reussi à me surprendre d’ailleurs. Pas mal de points communs avec Lordon. Du fond dont visiblement ils partagent la partie affects et determinisme et une forme delectable. Bravo et merci.
@Matine_Doyen 1 : je pense que vous faites erreur sur la position de Begaudeau. Il ne dit pas que le surréalistes et les tenants du kitsch sont d’horribles bourgeois. Il évoque le rejet du naturalisme par une partie de la critique française aujourd’hui, en 2019, et ce que ce rejet peut signifier. Et il le fait à partir d’exemples précis comme la Vie d »Adèle ou La loi du marché – je n’ai pas du tout l’impression que Kechiche se donne bonne conscience avec son film, ni Brizé.
Et je ne pense pas qu’on puisse dire Kechiche soit davantage un bourgeois que Pasolini ne le fut, d’un point de vue strictement économique. Et enfin je pense que la sociologie des spectateurs des films de Pasolini et des Dardenne est la même – les films d’auteur sont vus principalement par des bourgeois, rarement par des prolos.
François Begaudeau a écrit de longs et puissants textes dans la revue Transfuge sur cette question, je vous y invite à vous y reporter plus que vous arc-bouter sur ce passage de l’émission.Oh mon dieu, un Aux Ressources qui effectue un retour aux sources :-O
Bon entretien, à cheval entre la question des ressources et celle du livre effectivement produit.
« Moi qui suis fatiguée d’être traitée de « rouge-brune » ou d’irresponsable sous prétexte […] que je ne me suis pas déplacée au second tour de la présidentielle. »
Bienvenue dan le camp des rouges-bruns.
Depuis que le suis en âge de voter (la coquetterie m’interdit de préciser cette durée, qui est supérieure à un demi-siècle) je vote pour les candidats d’extrême gauche (Georges Marchais, Arlette Laguiller…). A la dernière présidentielle, j’ai voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Au deuxième tour, j’ai voté pour Marine le Pen. C’est la première fois de ma vie que je vote pour un candidat du Front national. En sortant du bureau de vote, j’ai ressenti un grand bonheur. je venais de comprendre que je venais de me débarrasser d’une superstition.
Je pense aujourd’hui que si je m’étais abstenu au deuxième tour, j’aurais en fait voté pour Macron. Or, ma conviction étant qu’il fallait appliquer le mot d’ordre « Tout sauf Macron », je ne pouvais pas m’abstenir.
Je suis persuadé que si Marine le Pen avait été élue, le sort des pauvres de notre pays ne serait pas ce qu’il est. Pour aller plus loin, je demande à ceux qui n’ont pas eu le courage de voter pour Marine le Pen s’ils ne se sentent pas un peu complices de Macron et Castaner et se rendent compte qu’ils auraient pu éviter que des dizaines de gilets jaunes soient amputés, matraqués, éborgnés… A la question : « Macron est-il plus dangereux que Le Pen ? » la réponse est évidemment : « Oui, Macron est plus dangereux que Le Pen ! »
Il y a une grande part d’irrationnel dans la terreur que nous éprouvons pour « les fachos ». Nous devons nous poser la question de savoir d’où nous vient cette terreur et pourquoi nous éprouvons une telle indulgence pour ceux qui nous tiennent en esclavage depuis des dizaines d’années avec la complicité passive d’idiots utiles qui se considèrent comme de braves gens. Je suis toujours étonné, par exemple, que beaucoup de bien pensants de la gauche molle, qui se disent rationalistes (et souvent athées), s’inquiètent de la « dédiabolisation » du Front national. On pourrait leur poser la question : « Avez-vous donc besoin du diable pour soutenir notre cause ? »Merci pour cet entretien. Ce que dit ce monsieur est globalement salutaire et réjouissant.
Petit détail amusant qui me tient à cœur (lorsqu’il est question de rock anglais, cela me tient toujours à cœur) : alors que Bégaudeau décrit les Smiths comme le groupe préféré des dandys français par opposition aux Clash égéries des contestataires, précisons que ce sont les Smiths qui sont originaires de la working-class tandis que les Clash sont d’origine sociale bien supérieure. J’ai remarqué que les Français ont souvent une vision biaisée des groupes anglais, sur lesquels ils appliquent leur propre grille politico-esthétique : de la même façon, on ne fait pas plus prolos que les Sex Pistols, pourtant réputés inauthentiques et cyniques dans l’hexagone (sans doute à cause de leur manager). Dans son autobiographie, John Lydon décrit d’ailleurs la propension des Clash à disserter sans cesse idéologie et stratégie politique comme un travers de classe éduquée de gauche (dans une vision qui est finalement un peu celle de Bourdieu et Passeron dans « Les héritiers » !), par opposition à son propre type de révolte plus individualiste et existentielle qui serait plus proche d’une réaction de survie. (Je me rends compte qu’on a moins ce type de profil en France, hormis peut-être ce bon vieux Cavanna.)J’hésitais à m’abonner à Hors-séries depuis un moment.
Après avoir vu que la dernière émission a pour invité François Bégaudeau, j’ai pris la décision de m’abonner en 2 secondes.Je viens de finir la vidéo et je regrette pas. Bon maintenant, je vais acheter son livre. 🙂
J’attendais cet entretien depuis longtemps. Merci à l’équipe de Hors série!
je rentre après une semaine passée la haut dans le silence minérale des montagnes franco-suisses. Merci Laura, merci François pour ce retour sur terre plein de fraîcheur. Pas de chichi ni de l’un ni de l’autre. Dans cet entretien on y va dès le début (en accord tacite) jusqu’à l’os et ça c’est bien bon. Finalement il y a bien sûr la remise en question de soi, du monde mais finalement assez peu des autres, c’est bien aussi.
Réflex bourgeois je vais lire cet été « Histoire de la bêtise ».Pour ma part, une très belle découverte. Une personne passionnante dont la pensée m’a semblé extrêmement bien construite et pertinente. Enfin, un entretien d’une fraîcheur proche de ce que Maja Neskovic faisait pour vous et pour nous. Merci d’avoir fait parler François Bégaudeau. Voilà qui justifie mon réabonnement à Hors-série. Salutation.
Je vais tenter d’être diplomate (mais c’est difficile).
Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas plus de commentaires négatifs sous cette vidéo. François Bégaudeau est insupportable dans cet entretien. Déjà il a une manière de parler (intonation + mots employés) qui est super-bourgeoise, j’y arrive pas. C’est François Ruffin je crois qui parlais de ça par rapport à Macron: le fait que son corps à lui faisait un rejet viscéral du corps de Macron, de sa manière de se tenir, de sa coiffure, de sa manière de parler. Bah moi c’est pareil. François Bégaudeau fait comme si il connaissait très bien les classes populaires parce qu’il en vient mais il est complètement hors-sol lui aussi. C’est ridicule quand il parle de sa passion pour le PMU ou pour le punk rock pour justifier qu’il est bien « du côté des prolétaires ». (de toute façon je trouve toujours suspect ces mecs de la gauche caviar qui prennent la musique, notamment le rock, comme justificatif comme quoi « on est des rebelles nous han »).
Mais bon, comme le thème du bouquin m’intéressait, je l’ai quand même acheté. Et je n’ai pas réussi à le lire en entier. C’est un vraiment un bourgeois qui parle aux bourgeois. ça n’a aucun interêt. Il ne défend pas la paroles des pauvres. C’est un riche qui pense défendre les pauvres mais qui leur vole la parole. Il faudrait inviter, faire parler des gens qui ont encore un lien avec les classes populaires!
Je me suis arrêtée de lire au moment où il écrit qu’il ne se sent pas lié au destin de la société, que pour lui la société n’existe pas. Je me suis dit: c’est pas étonnant que tu en aies rien à foutre de la société, tu es un riche. Les riches peuvent se payer le luxe de ne pas se sentir liés à ce qui se passe dans le monde, car les mauvaises choses que le monde produit ne leur feront pas de mal.
Et le summum a été atteint quand il écrit qu’il trouve ça con d’être ému devant un beau paysage de montagne, qu’il trouve que c’est bourgeois. J’avais envie de lui hurler que c’était lui le bourgeois! Lui le hors-sol, le parisien, incapable de défendre la nature car même pas touché par elle.
Bref, je suis top énervée.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.