L’Humanitude au pouvoir

avec Jacques TESTART
publiée le
animée par Judith BERNARD

Jacques Testart est un scientifique : sa carrière de biologiste ne le destinait pas forcément à l’engagement politique… Et pourtant, c’est précisément parce que les innovations technoscientiques qu’il observait soulevaient des questions éthiques, écologiques et économiques majeures qu’il a été amené à interroger les conditions de la décision politique relative à ces « progrès ». Plutôt que d’abandonner ces décisions à des élus mal informés, personnellement intéressés et puissamment influencés par les groupes de pression, il a développé le principe des conventions citoyennes : groupes de citoyens tirés au sort pour délibérer et arbitrer, dans des conditions très rigoureuses, sur des questions qui concernent notre avenir collectif, ils sont apparus comme des formidables opérateurs « d’humanitude ». Le dispositif permet en effet de faire advenir parmi des individus lambda (mais scrupuleusement formés et informés) le meilleur de l’humain – le sens de l’intérêt général, fût-ce au détriment des intérêts particuliers qu’ils auraient pu privilégier. Aussi l’expérience de ces conventions citoyennes, avec ses nombreuses occurrences, de plus en plus performantes, depuis plusieurs années, se présente non pas comme un gadget de com’, ni même comme un adjuvant pour démocratiser de micro-champs de la société ; Testart y voit carrément la promesse de « clés pour l’humanisation du monde », et un puissant antidote au populisme qui favorise le Front National. Une solution politique, forgée par un scientifique ? Après tout, pour revitaliser ce fragile organisme qu’est la démocratie, c’était peut-être un biologiste dont nous avions besoin !

Judith BERNARD

Références bibliographiques :

Jacques Testart, L’Humanitude au pouvoir ; comment les citoyens peuvent décider du bien commun, Paris, Seuil, 2015.

Et aussi :

Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001.

Hans-Liuder Dienel , « Les jurys citoyens : pourquoi sont-ils si rarement utilisés ? », in La Démocratie participative inachevée, Marie-Hélène Bacqué et Yves Sintomer (dir.), Paris, Yves Michel, 2010.

Marie-Angèle Hermitte, « Conférence de citoyens, in Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris GIS Démocratie et Participation, 2013, voir http://www.participation-et-democratie.fr/node/1289

Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1996.

Yves Sintomer, Le Pouvoir au peuple, Paris, La Découverte, 2007.

Yves Sintomer, Petite Histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, Paris, La Découverte, 2011.

Durée 60 min.
  • Commentaires

19 réponses à “L’Humanitude au pouvoir”

  1. gomine

    merci pour la biblio,
    oui c’est une bonne idée de filmer la prochaine fois le petit débat qui suit l’enregistrement de l’émission
    (je fais, ici, un commentaire à votre newsletter, pardon, je ne trouve pas d’autre espace où intervenir),
    l’émission prochaine avec Noêl Godin est d’avance réjouissante,
    j’espère vivement que les primo abonnés vont se réabonner massivement,
    pas possible de s’arrêter là…

  2. Abracadabra

    [HS] Juste deux remarques pour les réabonnements :

    – sur le site pas facile de trouver la page
    – pourquoi faut-il obligatoirement saisir son adresse même quand on paye par paypal ?

    EDIT: En fait je n’arrive pas à payer par Paypal…
    EDIT 2: Ca y est ça a marché !

  3. SABINE M.

    Émission passionnante qui donne envie de tester cet outil dans la vrai vie !
    Et un grand merci pour les références… Cela fait toujours plaisir d’être entendue.
    Signée: une prochaine ré-abonnée ! 😉

    PS: une entrée « Abonnement / Réabonnement » dans l’espace « Mon compte » serait une bonne idée, je trouve…

  4. Damien

    Tiens oui, il est introuvable le chemin pour arriver à la page de réabonnement !?

  5. CGuillaumet

    Merci pour cette excellente émission. Sur des sujets connexes songez vous à inviter Bernard Friot ? Et bien lui faire préciser de quelle manière débuter cette révolution sans violence qu’il conseille. Un citoyen patient mais décidé à agir parce qu’il a déjà trop attendu.
    Merci.

  6. HBK

    Très bonne emission.

    Plusieurs points me chagrinent cependant.

    Tout d’abord, la notion de « bien commun » me semble extrêmement dangereuse. C’est rapidement évoqué à la fin de l’entretien, mais il existe dans une société des intérêts certes parfois concomitants, mais parfois et souvent divergents voire contradictoires. C’est tout le défi d’une démocratie que de parvenir à trouver une compromis acceptable, parce qu’il nous faut bien vivre ensemble. Mais il y aura toujours des mécontents, quelles que puissent êtres les qualités des processus décisionnels mis en œuvre. Le choix des mots me semble très important sur ce point.

    Ensuite, et c’est probablement le point qui me chagrine les plus, c’est quid du « on s’est trompé » ? Et je ne parle pas là de ce qui est rapidement évoqué en fin d’entretien (une fois encore) à savoir de la fiabilité de la mesure scientifique. Non, je parle bien d’une question qui me parait trop souvent reléguée au second plan et qui est « bon là ce qu’on a mis en place il y a x mois/années ne marche manifestement pas, qu’est-ce qu’on fait ? » C’est je pense une question bien plus importante qu’il n’y parait et que l’on ne peut pas simplement évacuer sous l’égide du « bah on va refaire tourner le processus de décision une fois de plus ». Comment créer de la confiance dans un processus qui sera faillible, tout aussi vertueux soit-il ?

    Enfin, mais c’est probablement un point plus secondaire, quid de la violence ? Si vous m’excusez ce moment de condescendance, je suis stupéfait de voir, pour changer, de gentils petits bourgeois discuter paisiblement sans jamais vraiment évoquer (sauf rapidement sur la fin de l’entretien, quitte à me répéter) la violence incroyable que sous tend l’importance de la remise en cause idéologique que de telles propositions imposent. Beaucoup de monde sera en désaccord. Beaucoup de monde avec beaucoup de pouvoir. Comment imaginer l’étape suivante sans se poser la question de l’étape inévitable du changement ? Aucun changement ne se réalise sans violence. L’anticiper doit faire partie de toute réflexion de ce genre, à mon sens.

    Ceci étant dit, joyeux anniversaire à hors-série, merci pour ces émissions souvent passionnantes, et en espérant vous souhaiter un joyeux second anniversaire dans douze mois 🙂

  7. Thibault Daquin

    J’ai regardé le film 12 angry men (excellent d’ailleurs, merci pour la découverte!).

    Je pense en fait que ce film est un plaidoyer en faveur de l’intelligence collective et non en faveur d’un héros qui viendrait sauver les autres de leurs imbécilités. En réalité ce film fait remarquer qu’il suffit d’un homme qui ne soit pas d’accord avec les autres pour que puisse commencer un véritable débat.

    Le héros ne sait pas vraiment si le gamin est coupable ou pas, il veut juste en discuter. Et tout au long du film, il ne parvient à convaincre les autres que grâce à l’intelligence de chacun, soit grâce à l’intelligence collective. Ce n’est pas le héros qui résout tous les problèmes, parfois c’est une remarque d’un des autres hommes (notamment un homme qui semble à priori un peu stupide).

    Ce film démontre qu’à partir du moment où il y a délibération et non simplement vote, l’intelligence collective se met en marche.

    Les foules peuvent être dangereuses quand on leur demande de décider sans réfléchir. Il n’y a pas d’intelligence collective à additionner les décisions de chacun, mais bien quand chaque intelligence se confronte à celle des autres.

    Ainsi, chaque personne dans le film qui se retrouve à court d’arguments se voit discréditer, et face au jugement des autres parvient suite à de nombreux retournement à changer d’avis, ce qui aurait été impossible s’ils n’avaient été confrontés à la délibération.

    Le personnage principal est bien un héros sur un point cependant. Il est celui qui oblige les autres à délibérer et non simplement voter. Mais encore une fois, il s’agit plus de montrer qu’il suffit d’une personne que de dire que les autres sont des imbéciles. A un moment du film, le personnage principal le dit « Ils ne sont pas plus bêtes que d’autres ».

    Ensuite, réponse à HBK:

    Aucune décision politique ne peut être infaillible, c’est justement l’erreur de notre société qui consiste à croire qu’il existe une science de la politique qui pourrait être posée une bonne fois pur toute et que donc la raison politique serait de désigner nos chefs parmi ceux qui seraient le plus scientifiquement efficaces.

    Il faut justement assumer cette faillibilité pour être capable de revenir sur une erreur.

  8. HBK

    @ Thibault : C’est bien tout le propos de ma remarque.

    Il faut bien évidemment commencer par admettre qu’aucun processus décisionnel n’est infaillible, chose qui d’ailleurs ne me semble pas être évoquée par le propos de l’invité, qui voit toutes les vertus du processus qu’il soutient sans sembler se poser la question de l’inadéquation potentielle des solutions trouvées. Le fait qu’un débat contradictoire convenablement orchestré permette d’obtenir un consensus acceptable pour l’ensemble des parties concernées ne garantit en rien que ce consensus sera efficace au vu de l’effet recherché.

    Se pose donc la question de la remise en cause des décisions précédentes avec ses deux grandes lignes potentielles :
    – « si on s’est trompé alors il faudrait peut-être faire marche arrière (ou au moins essayer autre chose) »
    – « si on change de ligne maintenant alors est-ce qu’on ne casse pas un processus efficace mais qui prend simplement du temps à produire les effets escomptés ? »

    Sans oublier son risque corollaire :
    – « qu’est-ce que c’est que ce processus décisionnel qui passe son temps à jouer au yoyo ? »

    Je pense que c’est une erreur que de reléguer ces questions à la simple redélibération permanente. C’est quelque chose qu’il me semble important d’anticiper au delà du simple « on verra plus tard ». Cela implique un suivi des sujets. Un suivi de l’efficacité des décisions. Comment évaluer l’efficacité des décisions, etc.

  9. Papriko

    @ HBK : Je partage tout à fait votre opinion en ce qui concerne la question de la violence. Lorsque vous évoquez les « gentils petits bourgeois » je pense que vous parlez des intellectuels comme Jacques Testard et Etienne Chouard (le sympathique hurluberlu dont l’ombre plane sur tout cet entretien) qui semblent sous-estimer la violence qui est présente en permanence en politique, même si elle n’est pas très apparente dans des sociétés policées comme la nôtre. Le fait que ces intellectuels n’ont jamais exercé eux-même un quelconque pouvoir n’est sans doute pas étranger à cette sous-estimation. Plus précisément, leur vision est sans doute faussée par le fait que le maigre pouvoir qu’ils détiennent n’a pas été acquis, comme c’est le cas en politique, par la violence. En politique, on réussit en éliminant ses adversaires, y compris dans sa propre famille. La carrière des intellectuels, plus douillette, obéit peu à ces règles. Toutes leurs propositions semblent négliger le fait qu’on ne peut pas s’opposer à un pouvoir sans avoir soi-même l’habitude de la pratique du pouvoir. Ils oublient que « légiférer » et « gouverner » ne sont pas synonymes. Ils semblent penser que les politiciens se laisseront priver d’une partie de leur pouvoir sans réagir et sans contre-attaquer violemment. Et ce combat me parait a-priori très inégal.

    Une autre question n’est pas suffisamment évoquée dans cet entretien, c’est celle, liée à la précédente, du carburant. Elle me semble pourtant essentielle. On sait quel est le carburant de tous les systèmes politiques depuis qu’existent les sociétés humaine : le désir de pouvoir, carburant naturel aux réserves inépuisables. Dans les propositions de Jacques Testard, on ne voit pas quelle source d’énergie remplacera cette soif de pouvoir. Qu’est-ce qui fera en sorte que ce nouveau type de gouvernement sera pérenne ? Plus concrètement, qu’est ce qui fera que les membres des ces conventions citoyennes auront le désir de défendre ce fameux « bien commun » ?

    @ Yg : votre objection me parait tout à fait intéressante. Le rôle des experts dans les propositions de Jacques Testard est très équivoque.

    Malgré ces critiques, je crois que nous devons êtres reconnaissants envers Jacques Testard toutes ces personnes de bonne volonté (Judith Bernard en fait incontestablement partie) qui cherchent infatigablement (et avec un optimisme touchant) des solutions après avoir constaté l’échec des soi-disant démocraties.

    @ Thibault Daquin : on peut donner au film « Douze hommes en colère » une interprétation diamétralement opposée à la vôtre. Car si, comme vous le dites, il suffit « d’un seul homme pour… » on peut dire qu’il aurait suffi que cet homme-là ne soit pas présent pour que le garçon soit condamné à griller sur la chaise électrique. Ce film met en évidence les dangers du tirage au sort sans gardes-fous. D’ailleurs, en France, dans les cours d’assises, les jurés populaires sont assistés par trois magistrats professionnels (des « experts », en quelque sorte…)
    Notons que le principe du tirage au sort des jurés de cours d’assises montre simplement que les politiciens n’accordent aucune importance aux procès de droit commun. Rien d’autre. Aucun enjeu. On peut donner au bon peuple ce colifichet (quelque chose qui ressemble à ce fameux « pouvoir », dont les règles d’attribution sont en fait le véritable sujet de notre débat) car le résultat des délibérations d’un jury de cour d’assises est, au plan strictement politique, sans conséquences.

  10. HBK

    @ Papriko : Votre analyse de la violence, ou plutôt de l’absence (que l’on pourrait vous objecter relative) de violence dans la vie d’un intellectuel me semble être tout à fait digne d’intérêt, voire même assez juste.

    Je vous rejoins également sur la question du « carburant », que je formulerai peut-être différemment : Comment faire en sorte que l’utopie, une fois mise en place, ne se dégrade pas ?

    En effet, si l’état actuel du monde n’est pas la résultante des Illuminatis, alors c’est qu’il est le résultat d’un processus « naturel » (notez les guillemets). Ainsi, comment faire en sorte que cette « nature » ne reprenne pas le dessus ?

  11. Thibault Daquin

    @ HBK : Je pense justement que le propos de Jacques Testard est que les jurys délibératifs produisent des résultats plus justes et éclairés qu’on ne l’attendrait. Et que donc cet effet yoyo serait rare.

    Mais cela reste vrai que la démocratie est un systeme qui peut se tromper lourdement, c’est pour cela qu’a été inventé la tragédie grecque pour rappeler l’existence de l’hubris qui est toujours un horizon possible.

    Ce qu’il faut, c’est éduquer les citoyens afin qu’ils soient capable d’auto-limitation. Et quoi de mieux pour apprendre que de pratiquer la délibération.

    Il est regrettable que Castoriadis soit mort, car j’aurais aimé qu’il soit interviewé par Judith Bernard.

    @ Papriko : Oui, effectivement on peut voir ce côté. Cela dit, il me semble que c’est exagéré de dire que les jury d’assise sont un colifichet sans importance car au moins symboliquement cela représente la capacité du peuple à prendre des décisions éclairées. Ensuite, effectivement si le héros n’avait pas été là, effectivement le garçon aurait été envoyé à la chaise électrique, mais encore une fois, l’hubris est possible en démocratie. Mais plus encore, je pense qu’on peut faire le parallèle avec nos sociétés dans lesquelles les individus soucieux de bien faire leur travail sont des anomalies puisque en dehors des valeurs promues par le système (l’enrichissement personnelle, la jouissance immédiate et illimitée). La plupart des jurés veulent en finir vite car ils n’en ont pas grand chose à faire de ce garçon. Dans une démocratie, c’est toujours possible, mais plus il est considéré comme odieux de mal faire son travail de citoyen et plus ce genre d’attitude me semble difficile à tenir. Cela dit je ne pense pas que le propos du film aille si loin.

    Par contre, la phrase du film « ils ne sont pas plus bêtes que d’autres » semble indiquer qu’il n’y a aucun mépris pour ces gens. Et si certains n’avaient pas été là pour y aller de leurs impressions sur les témoignages, peut être que les doutes du protagoniste auraient été balayés.

    Et puis qu’est ce que le danger du tirage au sort? Est il plus grand que celui de laisser une seule personne décider? Cela dit je suis d’accord qu’il devrait y avoir un recours possible. Il est toujours intéressant de réfléchir aux dérives possibles.

  12. Papriko

    Je crois que je n’ai pas exprimé assez clairement mon opinion sur le sujet des cours d’assises.
    Je précise donc (même si ce n’est pas le cœur de notre sujet): on ne devrait jamais (jamais !) citer, lorsqu’il est question de politique, les jurys de cours d’assises comme exemple d’un système qui fonctionne bien. Car rien n’indique que ce système fonctionne bien. Je trouve extrêmement choquant que des personnes choisies au hasard, tirées au sort comme dans une tombola, puissent décider, protégées par l’anonymat, du destin d’un accusé. La presse a relaté récemment les cas de condamnés à morts, aux USA, dont on apprend des années après leur exécution, qu’ils étaient innocents.
    D’une façon générale, il faut rejeter tous les systèmes qui donnent du pouvoir à des personnes qui n’ont manifesté aucune qualité pour l’obtenir et (surtout!) dont les erreurs sont sans conséquences pour elles. C’est moins l’erreur en elle-même qui est choquante, mais le fait qu’elle ne soit pas sanctionnée. Cet éloge implicite de l’irresponsabilité est irresponsable.

  13. HBK

    @ Thibault : Quand bien même le processus décisionnel soit globalement plus fiable, celui-ci VA se tromper à un moment ou à un autre. Il faut donc y être préparé.

    De plus, je pense qu’il est important de rappeler qu’au delà de la question de la pertinence des jugements prononcés, ce qui importe est la confiance que l’on peut avoir dans ces jugements.

    La « démocratie » actuelle n’est pas en échec parce qu’elle se trompe. Elle est en échec parce que les individus qu’elle est censée représenter ont de moins en moins confiance dans ses jugements.

    C’est une différence subtile mais non négligeable.

  14. Sebastien Lamy

    Tout le problème, comme le soulève Judith, viens dans la désignation des membres du comité de pilotage et d’administration qui peuvent, de par leur position, influencer d’un coté ou de l’autre.

    Une des solutions, à mon sens, serait de laisser cette designation aux membres même de la conférence de citoyens qui ont été tiré au sort. Les citoyens auraient alors une double responsabilité:

    Premièrement, celle de discuter/decider sur le sujet défini pour la conférence. Deuxiement, de décider quel sera le prochain sujet traité, et plus important, qui sera désigné dans le prochain comité de pilotage. Alors c’est sur, ça demande au moins double de temps pour les citoyens, mais on se décharge de la question de l’influence et de la partialité du corps organisationnel puisqu’il est laissé à la charge du groupe précédent.

  15. Papriko

    @ Sebastien Lamy : le désignation des « experts » est certes un problème, mais un « problème » qui s’inscrit dans un « problème » plus large : la responsabilité, la motivation, la récompense ou la sanction de la réussite ou de l’échec. J’en reviens à mon leitmotiv (dites « obsession » si vous préférez…) : le carburant. De même qu’on doit se demander à quoi fonctionneront les membres des assemblées citoyennes, on doit se demander à quoi fonctionneront les experts. Quelle sera leur récompense ou leur sanction. Le crois que le CSA (Conseil Supérieur de l3audiovisuel) donne un bel exemple de ce que pourraient être ces « conseils de sages » : une bande de mollassons transparents et inutiles (faut voir dans quel état est le PAF de nos jours), de lâches toujours à plat ventre devant le pouvoir en place. Qu’attendre de quelqu’un qui n’a aucune « obligation de résultat », pour reprendre le vilain jargon des technocrates ?
    Je répète : on ne peut pas imaginer un quelconque système sans se poser la question essentielle : quelle énergie utilisera-t-il ?

  16. Sebastien Lamy

    @Papriko, je suis assez d’accord avec Judith. Je ne vois pas bien en quoi les « experts » désignés pour être membres du comités de pilotage manqueraient de carburant. On leur demande leur avis à propos d’un sujet sur lequel ils ont déjà consacré une bonne partie de leur temps. Je pense qu’on peut pré-supposer qu’ils sont déjà suffisament motivés pour partager leur avis sur la question.

    La question du carburant par contre, peut se poser pour les citoyens eux-mêmes. Mais dans ce cas précis, et de la même manière que pour les cours d’assises, je pense que ce doit être un devoir. Au même titre que c’est un devoir de voter dans notre belle république, ce devrait être un devoir de faire partie d’un rassemblement citoyen si on y est appelé. Et sur ce dernier point, je pense que les propositions de Chouard sont loin d’être stupides:
    – Chaque citoyen peut suggérer un autre citoyen pour un rassemblement (quelqu’un qu’il pense légitime)
    – Parmis tous les citoyen suggérés on enlève les 15% avec le plus de vote (pour eviter ceux trop influents) et on enlève les 15% avec le moins de vote (pour créer une forme de légitimité)
    – Parmis les 70% restant, on tire au sort les membres du prochain rassemblement
    – Chaque citoyen à le devoir de participer (est-ce synonyme d’obligation ? j’en sais rien)

    Est-ce que pour un citoyen, la notion de devoir combinée au fait d’avoir été choisi en premier lieu par d’autres citoyens (proches, ou moins proches), ne procurerait-elle pas l’énergie nécessaire dont il est question ?

  17. Papriko

    @ Judith : La passion est bien sûr un élément indispensable pour réussir dans toute activité.
    En ce qui concerne les membres des conventions, comme le fait observer Sebastien Lamy, ce n’est pas la passion qui permet de les choisir puisqu’ils sont tirés au sort. En ce qui les concerne, la question me parait réglée.
    Quant aux experts, on ne voit pas en quoi la passion qu’ils manifestent (soyons optimistes et supposons qu’il n’y a pas de glandeurs, des médiocres et des tricheurs dans cette catégorie aux contours mal définis) pour leur spécialité les qualifie pour exercer un quelconque pouvoir dans l’arène politique. Les hommes les plus passionnés pour l’action politique ne sont-ils pas précisément les hommes politiques? Staline et Hitler étaient sûrement aussi passionnés pour leur job que ne l’étaient Vélasquez ou Mozart.
    Comme Jacques Testard, nous constatons l’échec le « la démocratie » actuelle, qui porte au pouvoir des coquins. Le système qu’il envisage se propose de réduire ce pouvoir. En ce sens, il pose mal le problème. Car il ne s’agit pas de réduire le pouvoir des politiques mais de faire en sorte que l’action politique aille dans le bon sens. Il s’agit donc de remplacer les hommes politiques actuels par des hommes politiques soucieux du bien commun. C’est le point faible de toutes les utopies alternatives qui refusent l’ordre naturel, lequel qui sélectionne les plus durs d’entre nous. Le problème à résoudre n’est pas de limiter leurs méfaits mais, puisqu’il ont été portés au pouvoir par des forces mauvaises, mais de les éliminer et de les remplacer. C’est en cela que le problème me parait insoluble car la vertu ne peut pas lutter à armes égales contre la force. Ils ne peuvent être remplacés que par des plus durs.
    Le système que propose Jacques Testard sous estime, je le répète, la violence du combat politique. Si les conventions citoyennes ont un réel pouvoir, ce pouvoir devra s’opposer à celui des hommes politiques professionnels. Les conventions citoyennes ne feront qu’ajouter un adversaire à l’environnement des hommes politiques (les autres étant leurs adversaires politiques) L’issu d’un combat opposant des professionnels à des amateurs ne fait aucun doute : les amateurs seront laminés. Et si ces conventions citoyennes n’ont qu’une fonction consultative, elles ne serviront à rien.
    La politique, c’est la gestion de la violence. Nous l’oublions trop souvent. L’invraisemblable vent de panique qui a soufflé en France après « la tuerie » de Charlie (quelques morts à peine …) montre à quel point nos sociétés ont oublié que la politique est violente. Observons ce qui se passe dans l’actualité (La Grèce, l’Ukraine, la Syrie,etc..) et interrogeons-nous sur ce que pourraient faire des amateurs dans ce cirque tragique.

  18. Papriko

    Additif (récréatif, mais néanmoins argumentatif) à mon précédent message :

    Si la passion est un élément nécessaire à la réussite, elle n’est hélas pas suffisante.
    L’exemple de Florence Foster Jenkins (voir lien ci-dessous) est assez parlant car il montre les dégats causés par le défaut de filtrage et les méfaits du hasard ; ici, notre Castafiore contourne la règle de la sélection en utilisant son compte en banque joufflu (le hasard de l’héritage remplaçant le hasard du tirage au sort).

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Florence_Foster_Jenkins

  19. MSC

    Vous êtes décidément merveilleuses ! (Et moi réabonnée sans hésitation !)

    Je pense qu’une bonne façon de concevoir le modèle décrit par Jacques Testard est de le considérer comme une construction institutionnelle pour « après » ; après la constitution d’un autre rapport de force entre les différentes classes sociales, favorisant des modifications profondes de la structure politique à même de faire naître de nouvelles institutions ; nous préparer à un tel moment semble utile. Et dans cette perspective ce modèle a un avantage certain : il a déjà été expérimenté, ce qui permet d’y réfléchir avec quelques élément empiriques.
    Il me semble en tout cas que ce modèle ne dit rigoureusement rien du passage du « maintenant » au « après » … et nous attendrons le mode d’emploi de Bernard Friot. Pour finir là-dessous, il faut reconnaître que vu comme ça, le seul périmètre d’application envisageable (à une horizon à peu près raisonnable) de ce modèle reste l’échelon national.

    Pour répondre à un commentaire antérieur concernant le « bien commun », je pense qu’on peut commencer par en accepter une version un peu restrictive, et très ancienne. Cette version comprend le bien commun comme un ensemble de ressources dont tous hommes devraient pouvoir jouir librement (et par conséquent qu’ils se doivent de protéger) : pour faire simple, les « ressources naturelles ». Elle remonte (au moins !) au XIIIè siècle et à la Charte de La Forêt qui accompagnait la Magna Carta (pour les anglophones, Noam Chomsky en parle ici : http://www.chomsky.info/articles/20140107.htm). Le sujet est pour le moins actuel, et laisse entrevoir là encore des résistances d’une grande violence : une vraie défense du bien commun remet par exemple en question les principes de fonctionnement de la totalité de nos industries, ainsi que le concept de propriété privée. Le sujet est également crucial : il en va des conditions de possibilité de (sur)vie de nos enfants – ou de leurs enfants. Avec cette conception du bien commun, le modèle de Jacques Testard est très intéressant (avec les limites soulevées qui appellent nombres de clarifications). Malheureusement le temps de l’inaction passe vite …

    Vivement Bernard Friot !

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