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Oublier Camus

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Du cinéma aux manuels scolaires, des journaux aux séries Netflix, Camus est partout. Encensé aussi bien à gauche qu’à droite, il est progressivement devenu un écrivain indéboulonnable. Comme tout consensus, celui qui entoure l’œuvre et la personne de Camus est particulièrement suspect. Mais plus que sur l’auteur de l’Etranger, cet unanimisme nous apprend davantage sur la France et l’image qu’elle se fait de son passé.
A titre d’exemple, lorsque certains s’acharnent à faire de Camus un combattant anticolonialiste, alors que toutes ses prises de position vont dans le sens d’un attachement viscéral à l’Algérie française et à l’hégémonie occidentale, c’est une France généreuse, bienveillante et humaniste que l’on fantasme et que l’on mythifie. Car dans les faits, Camus ne fut rien d’autre qu’un tacticien du colonialisme, conscient que l’intransigeance et le jusqu’au-boutisme des colons ne pouvaient que déboucher sur une radicalisation des révolutionnaires algériens et, à terme, à l’indépendance d’un pays qu’il considérait comme le sien. A certains égards, en plaidant pour un colonialisme plus souple, indirect, moins brutal et plus insidieux, Camus préfigure ce que va devenir la France-Afrique.
Parallèlement, le recours à l’Absurde traduit un dégagement de la politique et un refus prononcé pour le cours de l’Histoire. En rejetant la Raison, les savoirs et les Lumières tout en proclamant la supériorité des sensations sur les idées et son dédain pour toutes les tentatives d’explication, Camus fait preuve d’un profond nihilisme intellectuel et donne à sa pensée une tournure réactionnaire. Autant que l’expression d’un rejet de la philosophie, l’Absurde s’avère particulièrement commode tant il permet de dépolitiser et de rendre inintelligible des phénomènes historiques comme le colonialisme.
Spécialiste des représentations coloniales dans la littérature française, Olivier Gloag réussit à saisir Camus, à le pousser dans ses retranchements et à dévoiler, derrière un style se voulant neutre mais rempli de contradictions et d’ambiguïtés, un écrivain profondément colonial, anticommuniste et postmoderne avant l’heure.
Tarik BOUAFIA
7 réponses à “Oublier Camus”
Entretien passionnant; Un grand merci
Tout à fait passionnant : comment abattre un monstre médiatique qui correspond au fondement raciste et à la suprématie de la race blanche? L’entretien aurait pu se dérouler sans les interruptions intempestives d’onfray à moins que cela ne soit que pour montrer son inculture crasse dans le domaine.En attendant notre racisme est toujours présent et notre soutien au régime d’apartheid correspond bien à cette volonté de poursuivre dans tout ce qui fait l’inhumanité. T. B se bonifie au fil des entretiens : Bravo!Merci!
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C’est vraiment passionnant !
Pour ce qui est du montage, il me semble que les inserts des vidéos d’Enthoven et Onfray qui viennent contredire l’invité auraient mérité d’être accompagnée d’un commentaire. En général on illustre un propos, un point de vue avec des extraits. Ici, on illustre le point de vue inverse, on fait parler les réactionnaires qui s’appuient sur Camus. Sans doute que pour beaucoup des abonnés à Hors-Série, le simple fait de présenter une défense de Camus par un Onfray et surtout un Enthoven équivaut à un baiser de la mort… Mais tout de même, étrange montage.Magnifique émission : en effet, j’ai 35 ans et depuis ma tendre jeunesse, ai grandi avec ce mythe. Les passages où l’on entend nos chers philosophes sont tout à fait pertinents.
Je vous suis depuis quelques années, et tiens à vous remercier. Grâce à vous, je sors progressivement des illusions que l’on nous vend partout et tout le temps.
Surtout, vous mettez le doigt sur des contradictions, des hypocrisies.Hum, émission incroyablement partisane et semblant faire fi de ce qu’a écrit Camus lui-même. A la 18eme minute, l’intervenant ose dire que Camus balaie la condition des algériens dans La Peste. Mais ce spécialiste a forcément lu l’intégrale de Camus (du moins je l’espère) qui montre un Camus qui combat sans cesse pour l’amélioration de la condition des algériens et dénoncer l’iniquité totale du pouvoir colonial (par exemple dans son suivi des procès). Il y a des centaines de pages écrites par camus là dessus. Et il ne s’est jamais prétendu anti-colonialiste il me semble. Il cherchait une voie de cohabitation. C’est clairement discutable, bien entendu. Mais il n’a jamais avancé masqué à mon avis.
Quel dommage. Pourquoi trahir un auteur pour faire passer son idéologie? Idéologie que je respecte, ce n’est pas le sujet. Mais le procédé est étonnant de la part de Hors-SérieExtraordinaire interview ! Claire, transparente et objective.
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