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Que faire de la race ?

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J’écris ces lignes dans un état que j’ai du mal à décrire mais l’absence des mots n’est pas un problème car ce que je ressens, nous sommes nombreux·euses à le ressentir. Au désarroi des 31% de Bardella et à la sidération de la dissolution décrétée par Macron a succédé l’heureuse surprise de l’union des gauches, puis la crainte de voir les divisions ressurgir aussi vite qu’elles avaient été surmontées et, enfin, la rage de vaincre, la mobilisation à tous crins, du tractage sur les « swing circo » au phoning en passant par les meetings et la présence massive et inventive sur les réseaux sociaux. Dans quelques semaines, d’authentiques racistes tiendront peut-être l’exécutif. Ou alors, ce sera le retour de la gauche au pouvoir. Soulagement, joie, effusion d’un soir seront alors à prévoir, et à raison on se félicitera d’avoir réussi l’impossible, d’avoir hissé notre niveau à la hauteur de la menace fasciste, mais dès le lendemain, lundi 8 juillet aux aurores, une foultitude de questions (quel premier ministre ?), de défis (quid des mesures de rétorsion des marchés financiers ?) et de divisions (en vrac : sur la Palestine, l’Ukraine, le nucléaire, le néolibéralisme) nous sauteront à la gorge. Parmi ces divisions qu’on met péniblement sous le tapis durant les deux semaines de campagne à venir, il y a celle du racisme.
Il n’est pas besoin ici de donner des noms ou de se faire trop précis. Chacun voit, je l’espère, que derrière les luttes d’appareils et d’egos dont chaque journée nous apporte un nouveau lot, il se joue aussi autre chose, plus profond, qui concerne la question de l’islamophobie et de l’antisémitisme, celle d’Israël et de la Palestine, celle du résiduel et du structurel, celle des banlieues racisées et de la ruralité désindustrialisée, celle des violences policières, celle de la laïcité. Derrière le retour en force du PS, Hollande et sa déchéance de nationalité compris, derrière les guerres intestines qui divisent la France insoumise, il y a notamment – il n’y a pas que cela, mais il y a en bonne partie de cela – une question qui agite les gauches : qu’est-ce que le racisme ? comment fonctionne-t-il ? quelles sont ses déclinaisons contemporaines ? comment le combattre ? quelle place lui accorder dans notre programme et notre analyse globale de la situation ? Sur ces questions, les gauches ne sont pas loin d’être irréconciliables. Voilà le fond de ma pensée. Je pense aussi, évidemment, qu’il faut passer outre ces désaccords durant les deux prochaines semaines. Mais je suis convaincu qu’ils reviendront par la fenêtre, avec urgence et véhémence, dès le lendemain des élections du 7 juillet.
Ce sont ces questions que j’ai posées à mes invités du jour, deux intellectuels de gauche spécialistes de la race, l’historienne Sylvie Laurent et le sociologue Loïc Wacquant. Je les ai reçus le 6 juin dernier, trois jours avant les européennes, à un moment où j’ignorais tout du tourbillon dans lequel nous allions être aspirés. La discussion proposée ici paraitra donc, peut-être, en décalage avec le moment que nous vivons. Pourtant, elle ne l’est . Il y a dans cette discussion quelque chose de prémonitoire. Avec son monumental Race et capital. Histoire d’une hydre moderne, qui vient de paraître au Seuil, Sylvie Laurent montre, au terme de cinq siècles d’histoire, qu’on ne saurait lutter contre le racisme sans s’attaque aux racines du capitalisme. Quant à Loïc Wacquant, dans Jim Crow. Le terrorisme de caste en Amérique, paru au même moment chez Raisons d’agir, il décortique les composantes de la domination raciale et nous rappelle combien ce travail théorique constitue un préalable nécessaire pour qui souhaite agir politiquement avec lucidité. Il en résulte un échange qui nourrira nos débats post-électoraux.
Bon visionnage !
Manuel CERVERA-MARZAL
3 réponses à “Que faire de la race ?”
Beaucoup trop court , je suis prêt à payer plus pour approfondir la réflexion…
Un rendez-vous manqué, en partie dû à l’attitude pleine de suffisance et de mépris de Wacquant alors que les deux travaux semblent tout à fait complémentaires – le sommet étant atteint quand il essaie de reprendre Laurent sur la prononciation du nom de Dubois… La rigidité du sociologue – qui finit par se retourner contre lui concernant la notion de terrorisme de caste – empêche tout dialogue constructif et le débat tombe vite dans une impasse où chacun veut répondre à l’autre, plutôt que de répondre aux questions de l’animateur. L’émission paraît s’arrêter rapidement, bien qu’au bout d’une heure, comme si elle n’avait jamais vraiment commencé…
Pas ressenti de mépris pour ma part, mais clairement des points de départ méthodologiques différents qui rendent impossible un tel débat en une heure.
Le format choisi du dialogue révèle alors son impasse, même si des choses passionnantes sont dites des deux côtés, en effet pas nécessairement contradictoires, mais quand même… Au fond je regrette que l’un et l’autre n’aient pas bénéficié d’une émission entière, qui aurait permis à l’auditeur de mieux saisir la pleine richesse de leurs travaux respectifs et d’affiner sa perception des enjeux méthodologiques, lié bien sûr aux disciplines respectives des deux débatteurs. Frustration donc pour moi, qui doit toutefois préciser que le propos de Sylvie Laurent, dont j’admire les travaux, m’a paru plus attendu que celui de Wacquant, que j’aurais aimé dès lors pouvoir là écouter plus longuement. Merci
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