J’ai découvert « Qu’est-ce qu’un bon film ? » sur les conseils avisés d’un abonné qui me suggérait d’inviter Laurent Jullier car il défendait en esthétique des positions diamétralement opposées aux miennes. A la lecture je passe mon temps à souligner des passages, à m’énerver, à répondre à mon livre à haute voix et me sens visée par ce qu’il appelle « la cinéphilie orthodoxe ». Je suis partisane d’un certain « beau en soi » alors que pour Jullier il n’y a que du « beau pour moi » : il n’y a pas de « film-texte », uniquement des « situations cinématographiques » dans lesquelles nous opérons des jugements de goût, influencés par tout ce qui nous entoure : le support, la personne qui nous accompagne, notre situation professionnelle, nos humeurs.
C’est au fond deux façons de voir la « prétention à l’universalité » du jugement de goût, celle qui nous fait dire « c’est beau » devant un film alors que nous sommes censés d’écrire un état subjectif. Pour Jullier le jugement esthétique ne doit en aucun cas prétendre à l’universalité afin d’éviter « le dégoût du goût des autres » qu’il attaque fermement ; je dois m’en tenir à dire « ce film me convient ». Alors que pour moi, cette prétention à l’universalité est la condition même du partage, de la discussion; sans cela, plus d’enjeux. Si « des goûts et des couleurs on ne dispute pas », Kant résumait finalement que l’art, « c’est ce dont on discute ». Dont acte.
Murielle JOUDET
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