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Verdict social, verdict sexuel

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CETTE ÉMISSION A ÉTÉ SUPPRIMÉE LE 6 JUILLET 2016, À LA DEMANDE DE DIDER ERIBON.
Plus d’un an après son passage à Hors-Série, notre invité a demandé la suppression de son entretien Dans le texte. Ses arguments sont pour le moins évasifs : nos « choix » seraient « de plus en plus douteux », il ne veut pas « figurer plus longtemps dans un tel cadre », où il lui faut voisiner avec des « idéologues fascistes » et des « flics de la pensée ». Nous avons bien sûr tenté d’y voir plus clair et lui avons proposé d’en parler de vive voix, aussi cordialement que possible ; il a refusé cet échange, et s’en est tenu à cette humeur laconique : « votre site me dégoûte ».
La chronologie de ce soudain accès de dégoût est la seule à pouvoir nous fournir des hypothèses sur ses causes profondes : la demande d’Eribon nous est parvenue quelques minutes après l’envoi de la newsletter annonçant la venue prochaine d’Arnaud Saint-Martin et Jérôme Lamy, sociologues universitaires s’employant à dénoncer les impostures scientifiques, et prenant Geoffroy de Lagasnerie pour cible régulière de leurs attaques – lequel Geoffroy de Lagasnerie est un proche de Didier Eribon. Voilà sans doute pour les « flics de la pensée ». Autre élément chronologique à prendre en compte : cette demande de suppression fait suite à notre entretien Dans le texte avec Christian Laval, co-auteur avec Pierre Dardot d’une série d’ouvrages dont Eribon a relevé des citations qu’il juge, sur sa page Facebook, « réactionnaires et fascistoïdes ». Voilà pour les « idéologues fascistes ».
Après délibération dans l’équipe, nous avons décidé de supprimer cet entretien, conformément à la demande de l’invité ; il menace de lancer sinon une bataille juridique qui nous ferait perdre beaucoup de temps et d’énergie, lesquels nous paraissent bien mieux employés à tenter de vous fournir des émissions de qualité avec des personnes de qualité. Que nos invités se trouvent, tôt ou tard, à voisiner dans le site avec des personnalités qui leur inspirent des sentiments hostiles, c’est fatal : notre positionnement, au coeur d’une critique exigeante, nous amène à fréquenter des interlocuteurs qui se livrent parfois les uns aux autres des batailles théoriques homériques. C’est aussi la longue histoire de la gauche radicale, qui pratique avec une spectaculaire constance le fameux « terrorisme inter-groupusculaire »… On peut s’en amuser, le regretter, éventuellement s’employer à encourager la reprise du dialogue diplomatique entre les différentes chapelles ; mais contre les affects, on ne peut rien, sinon les faire connaître et tâcher de les comprendre – en déplorant, tout de même, qu’ils ne s’expriment de manière aussi impérieuse que dans le cadre d’un « petit » media comme le nôtre, tandis qu’on laisse les « grands » accueillir les vents contraires sans jamais broncher.
Nous reproduisons ici le texte qui accompagnait l’entretien vidéo :
Didier Eribon est sociologue, philosophe, écrivain aussi ; son passionnant texte Retour à Reims, paru en 2009, a constitué une oeuvre-clef de sa bibliographie, une « autosociobiographie » où le récit intime vient alimenter et reconfigurer l’élaboration théorique. Il y interroge sa condition de « dominé » sur le plan social (il a grandi dans un milieu ouvrier qui ne le destinait pas à une carrière intellectuelle) et de « minoritaire » sur le plan sexuel – son récit évoque son parcours d’homosexuel, et la façon dont cette identité lui a peut-être permis d’échapper au verdict social… Au coeur de son importante oeuvre théorique, dans laquelle figurent notamment Réflexions sur la question gay (1999), Une morale du minoritaire (2001), D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (2007), cette sorte de confession réflexive fonctionne comme le coeur du réacteur, le noyau à partir duquel elle peut se lire dans son ensemble comme une immense entreprise de révolte contre la honte, et un opiniâtre travail de déconstruction des figures de la domination. Ce qui se livre ici est une vie de lutte (contre soi autant que contre les verdicts qui nous assignent dès avant notre naissance), une écriture de combat, un écrivain en guerre… Je me suis donc saisie du prétexte d’une récente publication (il vient de confier aux PUF un court texte, Théories de la littérature), pour revenir avec lui sur ce texte décisif de 2009. Et tandis que je redoutais de me retrouver confrontée à une véhémence indomptable, rétive au dialogue – ses textes sont d’une intraitable intransigeance, ses positions publiques souvent belliqueuses – j’ai rencontré la douceur désarmante d’un auteur qui n’a jamais oublié ce qu’être « dominé » veut dire…
Judith BERNARD
4 réponses à “Verdict social, verdict sexuel”
Réponse à Arnaud : par pitié, pas d’intellectuels « réactionnaires ». ils ont suffisamment d’écho sur les médias traditionnels. C’est réconfortant d’écouter une analyse intelligente et argumentée. On en a soupé du « cirque » et les blabla spectaculaires. Continuez à nous offrir des paroles rares et qui permettent une vraie réflexion.
Bravo, encore une superbe émission.A titre d’info vitale: Didier Eribon dit qu’il n’a pas la solution à la question stratégique « comment rendre plus démocratique l’enseignement français ». Sait-il, et savez vous, qu’il existe une sociologue femme qui n’a pas hésité à mettre les mains dans le cambouis si j’ose dire pour à la fois faire l’historique des (mauvaises au vu des résultats) méthodes pédagogiques (par exemple sur l’apprentissage de la lecture) pratiquées en France, mais aussi pour « passer à l’acte » et mettre au point à contrario (car la critique est aisée mais l’art est difficile) une pédagogie rationnelle dont le but explicite est d’atteindre le maximum de « rendement démocratique ». Je fais allusion à Sandrine Garcia bien sûr (que j’espère vous n’hésiterez pas à inviter, vu qu’elle a aussi travaillé sur la mise en cause des femmes « populaires » concernant leur façon d’éduquer leurs enfants!) qui a écrit l’ouvrage « les enfants de la dyslexie » et qui s’apprête à sortir un ouvrage dont le titre approximatif serait quelque chose comme « une pédagogie rationnelle en acte » (de mémoireà. Et que j’attends avec impatience étant enseigant de CP, et donc à la base de la reproduction, ou de la non reproduction sociale….
c’est insupportable cette demande de retrait, cette interdiction, cette censure. Il faudrait dorénavant faire signer à chaque invité-e un engagement, c’est trop facile sinon, personne n’est d’accord en ce monde et on sera toujours opposé-e à d’autre, c’est justement l’intérêt de la confrontation… tous mes encouragements à vous
En apprenant que le site avait retiré la vidéo sans plus de pression qu’une vague menace de procès, j’avoue avoir été un peu en colère ; ce n’est pas le tout que de produire du contenu rarement vu ailleurs, il faut aussi se battre un minimum pour le diffuser.
Puis j’ai réalisé qu’en formulant une telle demande, ce type se discrédite en fait lui même. Mais je détesterai voir cette situation se reproduire donc ma question pour vous est la suivante : avez vous pris des mesures pour éviter que cela se reproduise et si oui lesquelles ?
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