Jusqu’où iront nos musées nationaux pour remplir leurs caisses ? Prêts à tout pour attirer le mécène, le Musée du Louvre et le Château de Versailles ont tous deux consacré des expositions à un certain Ahae, un mystérieux photographe naturaliste coréen qui s’est avéré être … un très généreux donateur. C’est le « lanceur d’alerte culturel » Bernard Hasquenoph qui a révélé cette histoire à dormir debout. Et elle ne s’arrête pas là. Car en menant l’enquête, le créateur du blog Louvre pour tous, observatoire des pratiques des musées, a découvert que sous ce pseudo se cachait Yoo Byung-eun – gourou d’une secte évangélique, escroc notoire et propriétaire du ferry le Sewol, dont le naufrage en 2014 a fait près de trois cents morts.

Cette affaire rocambolesque en dit long sur le fonctionnement des musées nationaux, qui ont gagné en autonomie par rapport au ministère de la Culture et qui sont de plus en plus incités à développer les ressources propres, que ce soit en augmentant les prix des billets, en accueillant des « publi-expositions », en s’exportant comme marque, ou en se montrant pour le moins complaisants avec les mécènes… Le Louvre était prêt à baptiser la salle de La Joconde du nom du sponsor japonais Nippon Television, qui l'avait rénovée. La Galerie d'Apollon a failli aussi s'appeler Total…

Fin connaisseur de la vie des musées, Bernard Hasquenoph nous raconte toutes les combines que trouvent les musées pour essayer de moins faire appel aux deniers de l’Etat, et qui sont souvent peu compatibles avec les objectifs de "démocratisation de la culture".

PS. Je mentionne de manière un peu floue un rapport de la Cour des comptes publié en 2011. Celui-ci fournit quelques informations intéressantes sur dix ans de gestion de 37 musées nationaux qui confirment ou complètent les critiques de notre invité :

• Les ressources propres ont augmenté, notamment en augmentant les tarifs et développant le mécénat, mais les dépenses ont augmenté beaucoup plus. Résultat, la part des ressources propres des 37 musées était de 48 % en 2004, elle est de 39 % en 2010. Conséquence, les crédits de l'Etat aux musées ont augmenté de 58 % en dix ans. Si on ajoute les avantages fiscaux liés au mécénat, l'aide aux musées a progressé de 70 % à 90 %.
• le pourcentage de Français à ne jamais mettre les pieds au musée augmente. Il y avait 17 % de jeunes dans les musées en 2003, ils sont tombés à 15,6 %, et la plupart sont forcés - groupes scolaires.
• Alors que, selon la loi Musées de 2002, le prix du ticket vise à "favoriser l'accès au public le plus large « , ce ticket a augmenté, en dix ans, de 35,5 % au Louvre, 113 % à Versailles, 160 % au Centre Pompidou. Largement au-dessus des 20 % de l’inflation.