Connaissez-vous Période? C’est une belle revue en ligne de théorie marxiste remplie d’articles de 60 000 signes écrits par des philosophes althussériens qui développent « une conception multilinéaire des trajectoires de l’accumulation capitaliste » et explorent comment « la subsomption du social sous le capital produit d’elle-même une subjectivité antagoniste ». Personnellement, je passe mon temps à enregistrer tel ou tel article au titre intrigant dans mon dossier « A lire », avec la ferme intention de combler, un jour, mes « lacunes » de gauchiste autodidacte. Ce jour, évidemment, a une fâcheuse tendance à être sans cesse repoussé, mais l’intention est là.

Félix Boggio Éwanjé-Epée est le confondateur de Période. A chaque fois que je croise ce jeune prof de philo dans les meetings et les manifs, je suis fascinée par la manière dont les batailles théoriques lui tiennent à coeur et dont elles sont indissociables de sa pratique militante anticapitaliste et décolonialiste. Alors qu’il coorganise en septembre prochain le Colloque "Penser l’Emancipation", pour lequel il lance dès à présent à tous les militants un appel à contribution, j’ai voulu l’interroger sur comment il articule théorie et pratique politique et comment il imagine une "politique des savoirs" susceptible de faire advenir "l'hégémonie des producteurs" chère à Antonio Gramsci.

Le savoir est une arme, cela on le sait assez à gauche. Mais une fois que l’on a dit ça, on n’a pas dit grand chose… Qui produit la pensée critique : les chercheurs ou les militants? Quel type de savoir fournit les concepts et les analyses les plus à mêmes de contester le système et de construire des alternatives ? la sociologie qui dévoile les mécanismes de domination et de reproduction des inégalités ? l’Histoire qui dénaturalise l’ordre actuel ou encore la philosophie? Mais alors quels philosophes ? Et qu'est ce que la "pratique marxiste de la philosophie" telle que la conçoit Louis Althusser? Voilà donc quelques unes des questions ( très théoriques, forcément…) que je lui ai posées.

Laura Raim