Pour en finir avec le dialogue social
Aux Ressources
Stéphane Sirot
Laura Raim
Le syndicalisme « prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupe de production et de répartition, base de réorganisation sociale ». Ceci n’est pas une citation de Philippe Martinez, secrétaire général actuel de la CGT. Mais un extrait de l’article 2 de la Charte d’Amiens, adopté en 1906 par le Congrès de la même CGT. Et ça envoie du bois. Il faut dire qu’à l’époque, l’unique centrale syndicale était sur une ligne anarcho-syndicale révolutionnaire, reconnaissant explicitement « la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière ». Que s’est-il passé depuis, pour que la CGT en arrive aujourd’hui à jouer la comédie du « dialogue social » avec un gouvernement qui a pour seul projet d’en finir une fois pour toutes avec l’Etat social construit dans l’après-guerre? C’est tout l’objet des travaux de l’historien Stéphane Sirot, auteur notamment de l’ouvrage Le syndicalisme, la politique et la grève : France et Europe : XIXe – XXIe siècles, (Arbre bleu éditions, 2011). Dans cet entretien, nous revenons ainsi sur l’histoire longue des syndicats, caractérisée par un "mouvement de balancier l’écartelant en permanence entre, d’un côté, sa fonction d’opposition et de protestation, et de l’autre, la tentation légaliste vers laquelle le porte son institutionnalisation ». A quoi peut encore servir le syndicalisme aujourd’hui? L’irruption des Gilets Jaunes en 2018, à l’écart des partis d’opposition et des syndicats, nous invite en tout cas à prendre acte de l’échec aussi bien du syndicalisme de « partenaires sociaux » de la CFDT que de la conflictualité ritualisée des manifs Répu-Nation de la CGT.
Laura RAIM