Émission çonçue et animée par Jeanne GUIEN

On le voit actuellement avec la réforme des retraites, chaque nouvelle coupe dans les services publics, chaque désinvestissement de l'Etat, chaque plan d'austérité est justifié par la même ligne de discours, présentée comme un impératif catégorique : il faut réduire "la dette", ne pas creuser "le déficit public", renflouer "les caisses de l'Etat". Ces expressions se suffisent à elles-mêmes, comme s'il n'était même plus nécessaire d'expliciter et de défendre la théorie économique qui leur est sous-jacente sous-jacente, celle qui postule que l'Etat doit investir le moins possible, sauf occasionnellement, brièvement, en situation de "crise".

Peut-être s'agit-il tout simplement de ne pas assumer qu'il y a là une théorie, une parmi d'autre, contestable et contestée. L' "idéologie de la dette", comme la surnomme Benjamin Lemoine, fonctionne d'autant mieux qu'elle se naturalise et se présente comme une évidence incontestable. C'est à défaire cette évidence que le sociologue nous invite, en analysant la dette et son idéologie comme un système de redistribution sociale, creusant les inégalités entre classes créancières - celles à qui l'Etat emprunte - et classes non créancières - celles qui dépendent en grande partie des services de l'Etat pour vivre. Pour les secondes, c'est la double peine, tandis que pour les premières, c'est le beurre et l'argent du beurre - des débouchés profitables pour leurs capitaux, des politiques et des discours qui les favorisent.

Jeanne GUIEN