L'agriculture comme champ de bataille
Aux Ressources
Jean-Claude Balbot & Hugo Persillet
Laura Raim
Émission conçue et animée par Jeanne GUIEN
Des étendues vides, peuplées uniquement de machines et de drones dernier cri. Des serres géométriques à perte de vue, où travaillent des exilé.es dans des conditions proches de l'esclavage. Des entrepôts aveugles, où sont cachées des milliers de têtes de bétail, qui deviendront viande sans avoir été animaux. Voilà le monde vers lequel nous conduisent les grandes tendances de l'agriculture et de l'élevage depuis des décennies.
Un monde justifié par les sempiternelles promesses de productivité, d'abondance et de faible coût, alors que si peu d'agriculteur.rices vivent bien de leur travail et que plus de 5 millions de personnes recourent aujourd'hui, en France, à l'aide alimentaire. Une aide alimentaire devenue structurelle, profitable à l'agro-industrie dont elle gère et défiscalise les invendus. Pendant ce temps, les "alternatives" à l'agro-industrie ne s'adressent qu'à une frange aisée de la population : le marché du bio plafonne voire régresse, et est devenu un marqueur de classe pour les personnes qui peuvent encore se l'offrir.
Tels sont les constats que le collectif l'Atelier Paysan affronte dans son livre-manifeste, Reprendre la terre aux machines. Selon Hugo Persillet, animateur, et Jean-Claude Balbot, agriculteur, les alternatives sont une niche confortable qui ne permet pas de massifier l'alimentation saine et durable. Il s'agit donc de sortir des solutions par le marché pour ré-humaniser l'agriculture et l'accès à ses produits : repopulation des espaces ruraux, désescalade technologique, sortie du traité de Lisbonne et prise en charge publique d'une partie des dépenses en nourriture via la sécurité sociale de l'alimentation... Autant de chantiers concrets, qui posent des questions stratégiques : quelle unité construire dans une société qui associe la paysannerie à l'industrie qui les opprime ? Les "néoruraux" peuvent-ils devenir des allié.es ? Qui va prendre la relève dans des campagnes qui se désertifient ?
Jeanne GUIEN