Une question de taille
Aux Sources
Olivier Rey
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L'autre jour, il faisait beau. Avec les copains, on s'est dit : allons pique-niquer au parc ! Oh oui chouette un pique-nique! J'ai fait une salade de pâtes, j'ai acheté des chips et une bouteille de rosé bien frais. J'ai pris le métro, deux changements, parce que le parc est à l'autre bout de la ville. Après j'ai marché longtemps parce que je ne trouvais pas le lieu de rendez-vous. Mon téléphone était déchagé, je n'avais plus de GPS ni de moyens de joindre les autres. J'ai tourné pendant deux heures avant de les trouver. Ils étaient coincés sur 2m2 d'herbe, noyés au milieu de centaines de personnes qui avaient eu la même idée. Le soleil se couchait et mon rosé était tiède. Je l'ai bu quand même...
L'interêt du travail d'Olivier Rey est de mettre le doigt sur les paradoxes et les absurdités de la vie moderne. Il réussit à mettre des mots sur des choses qu'on ressentait intuitivement. On s'entasse dans des grandes villes mais on s'évertue à fuir la foule. Les moyens de transport sont de plus en plus rapides mais on passe un temps fou à se déplacer. On sait aller sur la lune mais plus faire un ourlet de pantalon...
Mais la crise de démesure que vivent nos sociétés engendre des problèmes autrement plus grave que les désagréments contés plus haut. Ils sont d'ailleurs irréversible.
"Partout où quelque chose ne va pas quelque chose est trop gros" disait Léopold Kohr, qui est avec Ivan Illich l'autre boussole intellectuelle qui oriente la pensée d'Olivier Rey. Ces trois-là nous permettent de comprendre que la taille n'est pas un élément contingent qui viendrait s'ajouter après coup. Elle fait partie de l'essence des choses et on ne peut donc pas la faire varier impunément. Et qu'une fois cela admit, on se rend compte qu'il est peut-être vain de continuer à s'écharper sur le capitalisme, le socialisme, la démocratie ou le totalitarisme tant qu'on n'aura pas résolu la question de la bonne échelle d'organisation des sociétés humaines.
Une pensée finalement aussi rafraichissante qu'un verre de rosé au soleil, allongée dans l'herbe...