Déconstruction et Politique
Aux Sources
Renaud Garcia
La semaine dernière des milliers de personnes ont défilé à Paris, de Barbès à Bastille. Cette Marche pour la Dignité et contre le Racisme qui voulait dénoncer la violence policière et le racisme d'Etat, avait été lancée par un collectif de femmes et était soutenue par une myriade d'associations, de collectifs et de personnalités. Sur cette liste longue comme le bras, on retrouvait pêle-mêle, le "Collectif Stop contre les contrôles au faciès", les "Mamans pour l'Egalité", la "Voix des Rroms, les "Juives et les juifs révolutionnaires" ou encore le "Parti des indigènes de la République". Chacun venait avec son groupe et son mot d'ordre. Le débat a fait rage dans ma tête : j'y vais ou pas ? Derrière quelle banderole je vais me mettre? A côté de qui est-ce que je vais me retrouver à marcher ? Est-ce que je peux y aller si je n'habite pas en banlieue ? Si je ne suis pas spécialement maltraitée par la police? Si je ne me sens affiliée à aucune minorité ? Si je suis immigrée mais blonde ? Et puis je la sens pas trop Houria Bouteldja, mais en même temps, si Caroline Fourest a appellé au boycott de la marche, c'est peut-être le signe qu'il faut y aller ? Et lire dans une tribune, quelque jours après, Océane Rose Marie regretter, l'absence à la marche, des féministes "mainstream" mais aussi celle des féministes dites "intersectionnelles" a fini de me plonger dans un océan de perplexité...
C'est cette perplexité à laquelle Renaud Garcia veut apporter quelques réponses dans son livre "Le désert de la critique. Déconstruction et politique" (L'Echappée, 2015). Il propose un éclairage sur le mouvement de sape de la critique sociale et des luttes qui vont avec. Comment, en troquant l'aliénation et la lutte des classes pour un nouveau mot d'ordre, celui de la "déconstruction", on a finalement abouti à une telle multiplication et à une telle fragmentation des luttes, qu'on a rendu de plus en plus difficile la compréhension et l'identification claire de ce contre quoi on était censé se battre. Et donc, pourquoi on est de plus en plus tenté de rester à la maison.
Tranquille.