Vers la fin du néolibéralisme
Aux Sources
Marlène Benquet et Théo Bourgeron
Les grandes puissances capitalistes font face à un tournant historique majeur. Après quatre décennies de néolibéralisme, elles entrent progressivement dans un nouveau « régime politique d’accumulation » qui pousse à un degré inédit la marchandisation du monde en s’attaquant désormais à la nature, au vivant et même aux fonctions régaliennes de l’Etat. Tout, sans exception, doit devenir source de profit. Et, comme un tel programme économique suscite un accroissement vertigineux des inégalités, la seule façon de protéger l’ordre social face aux révoltes populaires est le recours à la matraque et la restriction des libertés civiles. Voici venue l’heure du « libertarianisme autoritaire », comme l’écrivent les sociologues Marlène Benquet et Théo Bourgeron, qui publient aux éditions Raisons d’agir un ouvrage passionnant, intitulé La finance autoritaire, vers la fin du néolibéralisme.
Donald Trump, Jaïr Bolsonaro et Boris Johnson sont les figures les plus en vue de ce basculement. Ces trois politiciens ont souvent été décrits comme les porte-parole des classes populaires, qui prendraient leur revanche sur les élites mondialisées et leurs protégés (Hilary Clinton soutenue par Wall Street, le vote Remain soutenu par la City londonienne). Mais, pour comprendre quels intérêts défendent réellement ces leaders autoritaires, il faut s’intéresser aux sources de financement de leurs campagnes électorales. Marlène Benquet et Théo Bourgeron ont mené cette méticuleuse enquête, au terme de laquelle il apparaît que l’ascension de Trump, Johnson et Bolsonaro a été pleinement encouragée par une fraction du patronat, liée aux fonds d’investissement et aux hedge funds.
Ces financiers voient l’Union européenne comme une entrave à leurs profits, en raison de sa réglementation sociale et environnementale. Ils prônent ainsi des mesures isolationnistes mettant en péril la paix qui régnait jusqu’ici entre les pays dits du Nord. Les institutions qui garantissaient une forme d’entente militaire (OTAN), économique (OMC, FMI) et politique (UE) sont mises à mal par une concurrence fiscale et commerciale exacerbée qui, à termes, risque de dégénérer en conflit armé. Ce nouveau monde n’a rien d’inéluctable et, pour le combattre, il faut commencer par bien le cerner. Mes deux invités du jour nous y aident grandement.
Bon visionnage !
Manuel CERVERA-MARZAL