Rupture(s) à gauche
Aux Sources
Isabelle d'Artagnan, Stathis Kouvélakis et Ugo Palheta
Émission conçue et animée par Paul Elek
Le printemps de la NUPES n'aura pas duré longtemps : une fois les postes distribués, et la séquence électorale de la présidentielle et des législatives de 2022 refermée, les appareils minoritaires à gauche ont donné dans le mauvais remake du slogan maoïste « Bombardez le quartier général ! ». Fin des lamentations sur le manque d’unité, l’heure est à la critique de l’hégémonisme de la France Insoumise et de son obsession de la conflictualité en politique. La France connaît certes l’apaisement du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, la douceur des 49.3 du gouvernement, le professionnalisme de sa police ou le débat démocratique à son paroxysme pendant la réforme des retraites. S’ajoutent l’offensive islamophobe qui menace chaque jour de transformer le débat public en référendum « pour ou contre les musulmans », et les attaques de groupes néofascistes, mais les détracteurs de la stratégie de rassemblement populaire autour d’une ligne de rupture avec le consensus néolibéral et réactionnaire persistent et signent : il faut que tout change pour faire comme précédemment.
La Nupes ayant échoué à élargir la base sociale et électorale de la gauche, le questionnement sur l’identification des segments électoraux et politiques à rassembler aurait pû être l’occasion d’un véritable débat stratégique. La fracture, évoquée par de multiples personnalités politiques de gauche, entre la France des « grands espaces urbains populaires » et celle des « campagnes » est-elle une réalité électorale, ou un moyen de renégocier les positions antiracistes promues par le mouvement antiraciste et la France Insoumise après le tournant de la marche contre l’islamophobie ? La critique de la stratégie conflictuelle, engagée par de larges secteurs de la société et le mouvement insoumis dans l’espace parlementaire, effraie-t-elle l’électorat de gauche modéré, ou révèle-t-elle l’incapacité de vieux appareils de gauche à faire face au basculement autoritaire de l’Etat, mené par une bourgeoisie acculée ?
Sous couvert d’une discussion du périmètre dans lequel déployer la nouvelle alliance électorale créée, les désaccords à gauche se sont surtout présentés comme un moyen de s’extirper du rapport de force établi par les élections 2022. Cette situation, unique dans l’Europe occidentale, où la gauche radicale s’est de nouveau imposée à la tête du camp social, appelle à prendre aux sérieux les divergences stratégiques à gauche et les fractures idéologiques en son sein pour se demander : quel chemin pour une gauche de rupture face aux vieux réflexes bureaucratiques du pôle passéiste à gauche ?
On en discute avec Ugo Palheta, sociologue et auteur de plusieurs ouvrages sur le fascisme, Isabelle d'Artagnan, historienne et membre de l’Institut La Boétie, et Stathis Kouvélakis membre du comité de rédaction de la revue Contretemps.
Paul ELEK