Hollywood, arme de propagande massive
Dans Le Film
Pierre Conesa
Murielle Joudet
A Dans le film, vous devez le savoir, on est assez américanophiles et on vous a proposé de nombreuses émissions sur le cinéma américain: Schwarzenegger, Clint Eastwood, Frank Capra, John Ford.... Pour cette émission de rentrée on a voulu un peu se bousculer et faire moins une analyse formelle que traiter de questions de représentation. Dans Hollywar - Hollywood arme de propagande massive (éd. Robert Laffont), Pierre Conesa, spécialiste des questions géopolitiques, défend l'idée que Hollywood est une véritable machine à fabriquer des ennemis. Et c'est vrai, quand on y pense, quel autre cinéma que le cinéma américain peut se permettre d'avoir autant d'ennemis ? Des films avec Chuck Norris en passant par ceux de John Ford ou encore Naissance d'une nation, l'Autre semble être nécessaire à l'émergence d'une identité et d'un récit nationaux.
Et la fonction de Hollywood, véritable instrument de soft power, est bien d'unifier ce récit, parfois même de le réécrire, pour le propager sur les écrans du monde entier. Le Noir, l'Indien, le Rouge, le Jaune, le Nazi, l'Arabo-musulman, selon les périodes politiques et les guerres que traverse le pays, l'ennemi n'a cessé changer de visage mais a toujours conservé une place de choix, une fonction essentielle à l'intérieur de la fiction hollywoodienne. Sans ennemi à combattre, pas d'héroïsme américain ni de peuple.
Alors vous verrez, il s'agir moins de dresser un tableau totalement noir du cinéma américain que de comprendre les mécanismes à l'oeuvre, de constater aussi que deux forces opposées travaillent à l'intérieur de l'industrie hollywoodienne, qui est à la fois dotée d'une merveilleuse capacité d'autocritique, de défense des minorités et de quête de vérité, et en même temps capable de réécrire des pans entiers de son histoire et d'invisibiliser son propre peuple. John Ford a fait la Chevauchée fantastique (1940), qui a été destructeur pour l'image de l'Indien au cinéma mais qui a aussi été un moment-clé pour le genre du western, et puis il a tourné Les Cheyennes (1964), son dernier western où les Indiens sont montrés sous un jour favorable. Souvent, la vérité historique et les considérations formelles ont du mal à se rencontrer, à se dire quelque chose, et ce qui est parfois défendable formellement est, historiquement, absolument condamnable. C'est cette complexité, cette quasi-schizophrénie à l'oeuvre à l'intérieur du cinéma américain ou d'une filmographie de cinéaste, qu'on a tenté de restituer, de clarifier et d'expliquer avec notre invité.
Et pour prolonger l'émission:
Hollywood et les Indiens, un documentaire de Catherine Bainbridge, Neil Diamond et Jeremiah Hayes (2010)