Des sons dans l'espace
Dans Le Film
Michel Chion
Murielle Joudet
Critique, enseignant, compositeur de musique concrète et essayiste, Michel Chion a écrit d'innombrables ouvrages sur la musique, le son et le cinéma, et sur les rapports entre les trois.
Son dernier livre, Des sons dans l'espace : à l'écoute du space opera (ed. Capricci) est une traversée érudite du «space opera» compris au sens large, que celui-ci soit l'histoire d'un voyage dans l'espace ou d'une visite des extra-terrestres. Ce qui est passionnant dans ce petit livre ponctué de souvenirs personnels et de considérations sur l'évolution de notre environnement sonore, c'est la manière dont la digression vient donner nourrir la réflexion de Michel Chion. Parlant de son enfance et du « bip-bip » de Spoutnik, il évoque le poste de radio qui trônait chez sa mère, objet qui semblait tout droit venu du futur, de même que le magma d'interférences qui en sortait pouvait se lire comme un message extraterrestre qu'il n'y aurait plus qu'à décrypter (en le ralentissant par exemple).
C'est le point de départ de cette émission, qui regarde vers le ciel avec Les Soucoupes volantes attaquent (Fred F. Sears, 1956), atterrit avec Gravity (Cuarón, 2013) en passant par Rencontres du troisième type (Spielberg, 1979), Star Wars (Lucas, 1977), Planète Interdite (Fred M. Wilcox, 1956) ou évidemment 2001 : l'odysée de l'espace (Kubrick, 1968). C'est peut-être parce que le silence règne dans l'espace que compositeurs et cinéastes se sont autant amusés à lui inventer une texture sonore et à faire du space opera un champ d'expérimentations.
Poste de radio, bandes magnétiques, musique électronique ou orchestrale, tube de Donna Summer ou Beau Danube bleu qui retentit dans l'espace, textures des silences dans 2001, bruits des sabres laser couplés à la musique wagnerienne de John Williams : les réflexions de Michel Chion montrent comment l'usage d'un son, d'une musique ou d'un silence mobilise un imaginaire collectif et comment, au cinéma, le son est dans un rapport organique et non pas « additif » à l'image. Alors j'espère que, comme moi, cette émission vous permettra de tendre encore un peu plus l'oreille au cinéma...
Murielle JOUDET