L'avenir (des jeunes) en commun
Dans le Texte
Laurence De Cock et Patricia Pol
Judith Bernard
Avoir vingt ans dans les années 20 : quelle tannée, quelle déveine. Se retrouver sans fac, recalé par Parcoursup, ou bien avec, dans des amphis bondés devant des précaires exsangues. Se savoir promis pour de longues années à la même précarité, y songer tandis qu’on fait la queue pour l’aide alimentaire, ou pour des logements exigus, insalubres et rares. N’avoir pas même les fêtes, les concerts ou les aventures, pour jouir quand même de la jeunesse : Covid partout, jouissance nulle part. N’avoir pas non plus de rêve pour le futur, plombé par le désastre environnemental qui décourage jusqu’à l’élan de vouloir fonder, pourquoi pas, un jour, une famille : pourquoi pas ? Parce qu’on ne fait pas d’enfant dans un monde certain de devenir invivable.
Et puis, peut-être, voter pour la première fois.
La campagne présidentielle, vérolée de pulsions fascistoïdes, s’avère pestilentielle, et les candidats en tête des sondages promettent à qui mieux mieux l’enfer pour les plus opprimés, et le labeur interminable pour la majorité. Il y a pourtant là-dedans au moins un beau programme : l’Avenir en commun, forgé de longue date, ambitieux et pragmatique, consistant, précis et chiffré. Le moins qu’on puisse dire est que ce programme répond à la jeunesse et à son désarroi. Il ne se contente pas de restaurer l’école, rendue à sa mission d’émancipation individuelle et collective, ouverte aux pédagogies alternatives, soucieuse de devenir le « creuset du peuple en formation » qu’elle a vocation à édifier...
Il prend acte, très concrètement, du mauvais sort fait à la jeunesse d’aujourd’hui, et démantèle un à un tous ses fléaux. Abolition de Parcoursup comme de tous les dispositifs qui saccagent l’éducation, recrutements massifs dans l’enseignement, fournissant le personnel nécessaire à un système éducatif digne de ce nom, capable d’accueillir tous ceux qui aspirent à étudier, vers des formations théoriques ou des formations pratiques, mise en place de l’allocation d’autonomie, à hauteur de plus de plus de 1000€ par mois, rendant les étudiants à leurs études et à des conditions d’existence dignes... Il y a là de quoi reprendre espoir, il y a là de quoi rebâtir un monde, collectivement, conscients du péril climatique et oeuvrant méthodiquement à la bifurcation écologique désormais plus qu’urgente.
Reste qu’il faut pour cela voter plutôt que s’abstenir - tendance lourde chez cette jeunesse que des décennies de mépris ont livrée à la résignation. Or : se mettrait-elle à se rendre massivement aux urnes que le paysage politique s’en trouverait singulièrement reconfiguré... Cela suppose bien des choses - reprendre confiance dans la classe politique, dans la pertinence de l’État pour oeuvrer au bien commun, s’intéresser aux programmes (quand ils existent) et examiner rigoureusement l’avenir qu’ils se proposent d’élaborer ; je n’entre pas ici dans toutes les réserves qu’on peut opposer à de telles propositions : je les connais et considère que le moment stratégique appelle à l’investissement de la campagne présidentielle en ce qu’elle offre comme opportunités de réouverture des possibles.
En ce qui me concerne, mon choix est fait : on aura compris que c’est sur l’Avenir en commun que j’ai jeté mon dévolu, et que c’est sur ce programme que j’ai l’intention de mettre le projecteur, mois après mois jusqu’au scrutin, parce que c’est le seul programme progressiste susceptible d’atteindre au pouvoir et d’être en effet mis en oeuvre.
C’est un geste militant, mais fait à notre manière - celle de Hors-Série : le dialogue avec les chercheurs, les militants, les acteurs de terrain qui déploient une pensée critique sur leur pratique et une réflexion sur son avenir possible. C’est donc un soutien critique : mettre le projecteur, c’est donner à connaître le projet, dans ses ambitions et sa cohérence, explorer les arcanes de sa confection, et discuter de ses limites, ses points aveugles ou ses angles morts - non pour le condamner mais pour travailler à sa poursuite et à son approfondissement.
Pour ce premier épisode, consacré à la jeunesse et à l’éducation, le dialogue se construit avec deux expertes passionnantes : Laurence De Cock, enseignante et historienne de l’éducation, et Patricia Pol, membre de l’équipe d’animation du livret thématique Enseignement Supérieur et Recherche de l’Avenir en commun. Deux femmes parfaitement au fait des enjeux du système éducatif, impliquées chacune à leur manière dans le travail politique de sa refonte, et qui portent sur le programme de l’Union populaire un regard documenté, éclairant, et très stimulant. Et puis nous sommes toutes trois enseignantes : nous parlons-là d’un monde que nous pratiquons de l’intérieur, et d’une jeunesse que nous fréquentons quotidiennement et que, pour tout dire, et pour le dire simplement, nous aimons, passionnément.
Judith Bernard.