La dernière fois que j’ai vu Sarah Murcia en concert, du temps où il y avait encore des concerts, c’était en 2017, à Mens, un village perché sur le plateau du Trièves, dans les Alpes. Le festival « Mens Alors ! » avait invité Beau Catcheur, le duo qu’elle forme depuis 2012 avec Fred Poulet — lui à la voix, elle à la contrebasse et à la voix. Avec un humour pince-sans-rire, ils ont repris Daft Punk, Jordy, les Sex Pistols et Le Roi Lion. Le résultat était décalé, joyeux, espiègle et tout à fait sérieux.

Beau Catcheur n’est que l’une des nombreuses facettes de la personnalité musicale de Sarah Murcia. La contrebassiste et chanteuse navigue entre jazz mutant (Caroline), punk revisité (Never Mind The Future), lyrisme palestinien (avec Kamilya Jubran)… L’année dernière, elle a sorti le premier disque de son nouveau quartet, Eyeballing, où l’électronique s’allie à l’improvisation et à la voix. Sidewoman demandée, Sarah Murcia a accompagné dans le monde de la chanson Jeanne Balibar, Émilie Loizeau, Jacques Higelin ou encore Georges Moustaki. Dans le rock, on l’a entendue aux côtés d’Elysian Fields pendant dix ans. En jazz, elle a joué avec Steve Coleman, Magic Malik et Louis Sclavis. Son jeu de contrebasse est empreint de toutes ces musiques à la fois : la virtuosité jazz et une puissance rock s’allient à un naturel qui a la force simple d’une belle chanson.

De morceau en morceau (7 en tout), ce blindtest renvoie la contrebassiste à certaines des questions qui motivent sa pratique : quelle portée politique pour la musique créative aujourd’hui ? Peut-on encore être marginal ? Qu’y a-t-il à puiser de commun dans le jazz expérimental et la chanson rock ? Finalement, bien que Sarah Murcia soit étiquetée « jazz », c’est le rock qui revient le plus. Du rockabilly aux « power trios » en passant par la poésie dark d’une Jennifer Charles, elle dresse en creux son propre portrait, mais aussi celui de toute une génération de musiciens français « rock-jazz » qui a dominé les années 2000 (et qui ne ressemble pas du tout au jazz-rock des années 1970-80 d’un Herbie Hancock ou d’un John McLaughin). Bienvenue dans le monde de la plus rock des musiciennes de jazz !

Site de Sarah Murcia : http://sarah-murcia.fr/.

Raphaëlle Tchamitchian