Le miroir obscur
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Stéphane du Mesnildot
Dans son très beau livre Le miroir obscur : une histoire du cinéma des vampires, Stéphane du Mesnildot part d'un paradoxe : si la modernité devait tuer ce dernier reste de magie où s'abritait la figure du vampire, c'est tout le contraire qui arriva : c'est bien dans le cinéma que s'épanouit définitivement le vampire. Il y trouve tout à la fois des corps d'acteurs et d'actrices dans lesquels s'incarner, et des metteurs en scène capables de lui ouvrir les portes d'un monde onirique, abstrait et fantasmatique – ce fameux "miroir obscur". Il aura fallu d'abord compter sur la postérité d'une œuvre : Dracula de Bram Stoker, roman qui naît en même temps que le cinéma et dont chaque ligne semble attendre en silence de se déployer dans un art qui, en 1897, en est encore à ses balbutiements. Ses vœux seront exaucés dès 1922, avec le Nosferatu de Murnau, et continueront de l'être: aucune autre figure que le vampire ne peut prétendre avoir inspiré autant de cinéastes et de cinémas différents : à la fois terrain d'expérimentation pour des recherches formelles et un cinéma « d'avant-garde », le vampire sera aussi la figure adéquate pour recueillir ce que renferment les cœurs des adolescents. Tout à la fois horrifique et séducteur, sexuel et puritain, c'est cette faculté de transformation, ce "devenir-imperceptible" qui fonde l'immortalité cinématographique du vampire, lui qui peut être en même temps ce monstre assoiffé de sang, et cette jeune fille avide d'amour. "Qu'est-ce qu'un vampire ?", écrit Stéphane du Mesnildot : "une créature venant des origines du cinéma, qui se tient devant nous et nous parle à travers le temps".