1848. L'épreuve de la révolution
En avant Marx
Stathis Kouvélakis et Adèle Haenel
Marina Garrisi
Pour cette nouvelle émission, je vous propose de voyager au cœur du printemps des peuples, en pleine révolution de 1848. Commencée à Paris le 22 février, elle gagne Berlin le 18 mars et, en quelques semaines à peine, elle s’impose comme une révolution européenne.
A la veille de la révolution, Marx et Engels viennent tout juste d’élaborer leur conception matérialiste de l’histoire et de participer à la réorganisation du mouvement communiste. L’expérience de la révolution est l’occasion pour eux de confronter leur théorie à l’épreuve de la pratique. Pendant un an, d’avril 1848 au mois de mai 1849, Marx et Engels participent activement à la révolution allemande. Ils écrivent des centaines d’articles, analysent au quotidien les dynamiques qui travaillent ce processus historique complexe et inédit et interviennent directement dans le cours des événements. Ils proposent des mots d’ordre, débattent de choix tactiques, polémiquent avec leurs adversaires et travaillent le mouvement depuis l’intérieur de ses organisations. On peut dire qu’il s’agit du moment le plus militant de leur trajectoire.
Du point de vue politique, le « moment 48 » correspond chez Marx et Engels à une conception de la révolution que récapitule la notion de « révolution permanente » ou de révolution « en permanence ». Si ce terme n'apparaît explicitement qu’en 1850, en pleine période de reflux, on verra que cette conception imprègne (parfois de façon contradictoire) l’ensemble de la pensée de Marx et d’Engels dans ces années. Les deux révolutionnaires s’attaquent en fait à un problème de taille : comment et à quelles conditions une révolution qui éclate dans un pays arriéré du capitalisme comme en Allemagne peut ouvrir la voie et se transformer en une révolution sociale, voire en une révolution prolétarienne ? C’est la grande question de stratégie qui est posée par la révolution de 1848 mais c’est aussi celle que se poseront d’autres révolutionnaires comme en Russie au début du XXe siècle.
A partir de l’été 1849, il devient évident que l’ordre réactionnaire a gagné le continent et Marx et Engels sont contraints de s’exiler à Londres. Après la révolution, l’expérience de la défaite, elle aussi, sera riche en enseignements. Ce d’autant que la réaction n’a pas donné lieu à des phénomènes de restauration « classiques » mais bien plutôt à des régimes réactionnaires inédits, dont le coup d’Etat bonapartiste en France est sans doute l’exemple le plus monstrueux.
Bref, 1848 est bien une date charnière, à la fois coupure historique et coupure politique, et elle constitue, de ce point de vue, un moment décisif dans la trajectoire marxienne.
Pour en parler, nous serons en compagnie de Stathis Kouvélakis, l’un des plus grands lecteurs de Marx aujourd’hui en France, auteur de nombreux ouvrages à ce sujet, militant et membre du comité de rédaction de la revue Contretemps.
Pendant l’émission nous aurons également le plaisir d’entendre Adèle Haenel, comédienne aussi brillante qu’engagée, qui prête sa voix à Karl Marx et nous fait découvrir une série d’extraits issus des principaux textes que Marx rédige pendant la révolution.
Marina Simonin
Lire pour approfondir
Textes de Marx et Engels aux Editions sociales
- Le Manifeste du parti communiste,
- La Nouvelle Gazette Rhénane, trois tomes
- La Nouvelle Gazette Rhénane - revue d'économie politique
- Les luttes de classes en France
- Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte
- Correspondance, tomes 1, 2, 3
Autres références
- La révolution de 1848 chez Marx et Engels, Fernando Claudin
- Marx politique, sous la direction de Jean-Numa Ducange et Isabelle Garo, et notamment la contribution de Stathis Kouvélakis "La forme politique de l'émancipation"
- L'Etat et la révolution, Lénine
- Karl Marx, homme du XIXe siècle, Jonathan Sperber
- Révolution et démocratie chez Marx et Engels, Jacques Texier
- Aux origines de la révolution permanente, Alain Brossat