Marx face au problème de l'État
En avant Marx
Yohann Douet, Michael Löwy
Marina Garrisi
Le rapport de Marx à l’État constitue un problème emmêlé autant qu’incontournable.
Un problème emmêlé, d’abord, parce que si Marx n’a cessé de se confronter à l’État, il n’a jamais rédigé de traité politique où il aurait consigné de façon exhaustive et systématique ses réflexions sur la question : ainsi, bien que des notes, des remarques, des hypothèses, des intuitions, des polémiques, parcourent son œuvre de part en part, il est difficile, sinon impossible, de déduire une position stable, univoque et unifiée. Au point que l’on a pu affirmer tout et son contraire à ce propos : Marx, penseur autoritaire ; Marx, penseur de la démocratie contre l’État…
Un problème incontournable, ensuite, parce que l’État est devenu l’un des principaux points de controverse après sa mort, un véritable objet de discorde au sein du marxisme et, plus largement, au sein du mouvement ouvrier. Que faire de l’État ? Le conquérir, l’occuper, l’abolir ou le détruire ? Et, après la révolution, pourra-t-on se passer de lui ou faudra-t-il le transformer ?
Ces questions continuent de faire écho dans les débats contemporains qui animent les différents courants de la gauche anticapitaliste aujourd’hui. Si elles n’ont pas cessé de nous obséder, c’est parce que, comme le disait Lénine, l’État reste le problème stratégique par excellence dès lors que l’on se pose la question du pouvoir et de la révolution.
C’est en compagnie de deux philosophes marxistes et militants, Yohann Douet et Michael Löwy, que nous opérons un retour à Marx, non pas pour y trouver des réponses toutes faites et prêtes à l’emploi, mais au contraire pour déplier avec lui les tensions et les contradictions qui travaillent le problème de l’État. Et si sa pensée demeure incontournable pour appréhender ce nœud stratégique c’est parce qu’elle permet de tenir ensemble deux exigences qui sont fondamentales : la révolution comme prise du pouvoir politique et la destruction de l’État bourgeois. Sans quoi l’on retombe dans une opposition binaire entre anti-politique et conception étatique du changement social.
Marina SIMONIN