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09/04/2016 - En accès libre - Vers l'amour révolutionnaire
Vous avez eu bien de la patience Tom-, en tout cas, moi, il m’en a fallu énormément pour écouter jusqu’au bout cette émission, j’ai mis plusieurs heures pour y parvenir, car dès le départ, le débat aurait dû être récusé dans ces termes-mêmes. Hélas, il a été acté, dès le commencement, ce qui ne doit pourtant jamais l'être, à savoir qu'il puisse y avoir une non essentialisation des catégories sociales pourtant systématiquement labellisées en terme colorimétrique.
Or, c’est tout simplement impossible.
Vous ne pouvez employer le terme blanc en opposition à celui de non blanc, sans convoquer/renforcer une répartition d'ordre raciste, pas plus que vous ne pouvez utiliser le terme éléphant sans faire apparaître l’image du pachyderme. D’ailleurs, une heure et demi d’émission sont nécessaire pour tenter en vain de désamorcer ce que le titre de l'ouvrage exp(l)ose lui littéralement.
L’invitée a beau jeu dans ces conditions de déplorer « une société qui se polarise de plus en plus » (vers la 19ième minute), de critiquer un état-nation ethnique (vers la 56ième minute à propos d’Israël) lorsqu’elle ne cesse de faire du communautarisme et de vouloir rejeter le qualificatif de raciste à son encontre, lorsque tout son discours procède des mêmes outils que ceux employés par ces derniers, à savoir, un « nous », un « eux » et qu’elle use des mêmes cartes truquées de la (Notre) généalogie et de l’(Notre) Histoire, rien n’y fait.
Qu’elle le déplore ou non, aucune de ces précautions verbales ultérieures ne viendra atténuer le fait que son discours est, ne lui en déplaise, un discours raciste et pas seulement un discours depuis la position ou sur les « racisés ». L'échange courtois avec Judith, le calme dans lequel il s'opère, ne remet aucunement en compte cet état de fait.
Ne confondons pas la forme et le fond.
Concernant sa rhétorique, l’une des techniques d’Houria Bouteldja est facile à mettre en évidence. Lorsqu’elle est acculée, elle change du tout au tout de perspective. Genre, cela ne passe pas comme ça, cela s’est vu, c’est trop gros, je tente tout autre chose.
Ainsi, vers la cinquième minute, Judith souligne fort justement que les propos racistes qu’elle reçoit contrairement à Clémentine Autin proviennent d’individus et non d’institution, sans qu'Houria Bouteldja n’ait souligné au passage (ce n’est probablement pas un hasard, le prisme racial chez elle prenant systématiquement le pas sur les autres dimensions) qu’Autin a été victime, elle, régulièrement, je crois me souvenir, du machisme et donc discriminée en tant que femme dans l’espace politique par certaines autres individualités masculines. Houria Bouteldja passe alors rapidement de son cas particulier où elle essaie de se faire passer pour victime à des exemples de discriminations massifs en rappelant les bavures policières, elles, incontestables, si ce n’est au niveau comptable, tout au moins factuelle. Il y en a et en a eu, hélas, et il faut le dénoncer fermement.
Autre exemple, vers la 46ième minute, lorsque son ancrage généalogique est dûment remis en question par Judith (au travers de l’islam conquérant des premiers siècles), telle une joueuse de bonneteau, Houria Bouteldja revient à un ancrage contemporain qui lui n’a pas besoin de 1492 (et donc qui ne peut être déstabilisé par des données issues de l’avant 1492) pour être légitime. On fera d'ailleurs remarquer à ce propos le fait que Christophe Colomb n'a guère plus de chance de faire partie de l'histoire d'un jeune algérien qu'Hitler pour reprendre sa pseudo-démonstration un peu plus tard dans l'émission.
Autre élément de rhétorique, l’attaque pour mieux dissimuler sa mauvaise foi. Ainsi, elle fait un bien mauvais procès à Lordon, parce qu’il ne s’indigne pas dans le même élan et spontanément du sort des 3000 perquisitionnés. Outre qu’on pourra toujours reprocher à tort à quelqu’un de ne pas embrasser toutes les luttes d’un seul regard, dans un seul discours, cette critique est d’autant plus malvenue lorsque soi-même, on s’y refuse sous couvert que c’est d’abord aux autres de venir à « nous » totalement, avant que « nous » ne nous joignions à « vous », ne serait-ce que partiellement.
Le « blanc » ici est toujours coupable. A demi, au trois quart et plus engagé… il est souligné qu’il ne l’est pas entièrement et discrédité à ce titre. Ce qui constitue le comble de la mauvaise foi, lorsque soi-même on pratique et en appelle à pratiquer plus ou moins explicitement le tout ou rien, le avec « nous » ou contre « nous ».
Logique binaire, qu’elle fait souvent mine de dénoncer, mais dont elle fait un usage régulier, comme à la 26ième minute où elle déclare : « C’est aux Klurs de s’intéresser aux quartiers populaires, sinon, cela ne va pas être possible », alors qu’ils (si ce n’est eux à proprement parler, ceux qui ont exactement le même profil sociologique) en font bien souvent parties également de ces mêmes quartiers.
Autre élément, l’assertion catégorique. Vers la 45ième minute, elle rattache la notion de race à l’impérialisme capitaliste. Or, celle-ci existait bien avant, si ce n’est conceptualisée, tout au moins dans les pratiques depuis des millénaires, comme tout à chacun a pu le noter par soi-même en observant l’histoire où qu’elle se soit déroulée. Ivan Ségré le notait également dans sa recension de l'ouvrage.
Enfin, elle passe régulièrement de l'ici et maintenant, à l’ailleurs et autrefois selon ce qui sert le mieux son propos et permet d'échapper, doit-elle penser, aux critiques. Par exemple vers une heure dix minute, elle critique l’eurocentrisme à propos de Hitler, comme si, hormis chez ceux qui font des hiérarchies, de la concurrence victimaire, l’expérience de la Shoah pouvait occulter les autres massacres commis par l’être humain. Désolé, il n'est nullement utile de relativiser la Shoah pour prendre en compte les autres génocides ou exactions du genre humain, et le fait, comme Imre Kertész, qui vient de nous quitter, ne cessait de le rappeler que "l'Holocauste est une expérience universelle" (L'Holocauste comme culture, Actes Sud, p.58) ne remet nullement cela en cause, bien au contraire.
Je m'arrêterai là, non pas parce que je n'ai pas d'autres critiques à faire à l'encontre du discours de Houria Bouteldja, mais parce que l'essentiel de ce que j'avais à dire l'a déjà été et même répété et que j'ai déjà probablement pris trop de place par rapport à ce qu'il est faisable de faire ici.
yG
« Celui qui prévient est un ami » dit-elle vers la trentième minute. J’ajouterai lorsqu’il ne met pas de l’huile sur le feu ou pire encore, ne joue pas lui-même avec les allumettes. Si le métissage ne met pas fin ipso facto au racisme (il n'en reste pas moins le meilleur espoir), que dire alors de tous ceux qui exacerbent et entérinent un « nous » versus un « eux » ?
posté le 10/04/2016 à 17h07 ( modifié le 10/04/2016 à 17h10 )
21/11/2015 - Aux Ressources - La réaction philosémite
Lorsqu'Ivan Segré parle (entre la 19ième et la 21ième minute) de nuance entre le voile à partir de la puberté dans l'Islam et du voile à partir du mariage dans la tradition juive orthodoxe, je ne comprends absolument pas où il veut en venir, d'autant que je ne partage pas sa lecture dissociant ces deux prescriptions religieuses, puisque la puberté et le mariage renvoient à la même "chose" au final, à la femme comme sexuellement mature.
C'est la raison pour laquelle d'ailleurs nous devons condamner les deux prescriptions religieuses, puisque toutes deux (ce qu'il ne mentionne aucunement, alors qu'il parle bien d'objectivation de la femme à propos de sa visibilité dans l'espace public et de l'utilisation de son image dans le système capitaliste) ne rendent pas sa liberté au sujet, mais au contraire l'enferment dans son caractère d'objet sexuel, cette fois-ci sur le mode du déni.
Si cette remarque avait pu être faite, nous n'en serions peut-être pas resté à ce relativisme de mauvais aloi, superficiel et faussement pertinent, qu'affectionne nombre de partisans d'une certaine gauche, et nous aurions pu évaluer ce que ces deux modes d'objectivation de la femme sexuée, marchand et religieux, ont de profondément dissemblable au final.
Enfin, concernant le gros morceau de l'émission, à savoir si, comme je le résumerai avec mes mots, le fait d'être juif repose sur une filiation généalogique ou sur une communauté de principes, je rappellerai que la Shoah a démontré par l'horreur que les principes dits communs n'avaient en eux-mêmes aucune espèce d'importance, qu'ils n'étaient qu'un alibi pour les bourreaux, que seule primait dans cette affaire la généalogie, réelle ou supputée.
C'est d'ailleurs pourquoi faire pencher la balance du côté du partage des principes communs, c'est ipso facto ouvrir la porte à la possibilité de la disparition de la communauté généalogique. Car, si les principes peuvent survivre hors sol, hors lignée, ce n'est pas le cas des êtres humains.
yG
P.S.: Je n'ai pas particulièrement apprécié de surcroît son rappel régulier que lui s'arrêtait aux faits, ne surinterprétait pas. Outre que de la part d'un talmudiste, cela pourrait prêter à sourire, il serait bon de rappeler que la politique n'est que rarement, pour ainsi dire jamais, une question de faits, mais d'interprétation de ces derniers. Par conséquent s'arrêter au fait qu'une fille vienne à l'école avec une jupe trop longue ou qu'un enseignant porte plainte pour une insulte antisémite, et considérer implicitement que l'absurde serait ici flagrant, c'est dénier d'office que ces faits puissent avoir une signification qui dépasse l'individu et soient donc politiques. De quel droit peut-il s'arroger celui-ci, si ce n'est depuis une certaine perspective politique ? Tout cela pour dire que son injonction à s'en tenir aux faits (quand cela l'arrange) n'est pas tenable.
posté le 28/11/2015 à 10h42 ( modifié le 28/11/2015 à 11h54 )
17/10/2015 - En accès libre - Imperium
« Le souvenir que j'ai de la coupe du monde est plutôt un puissant affect commun de joie pour ceux qui le partageaient mais pas le déversement de passions tristes qui se sont libérées peu après la manifestation de janvier. L'intervention des institutions, qui sont des instances de cristallisation de la puissance de la multitude, me paraît décisive pour différencier les deux événements. »
- Non, la différentiation vient du fait qu'il y a eu des morts dans un cas et pas dans l'autre, que l'un était la manifestation collective d'une perte (humaines et d'une peur de la perte d'un droit, si ce n'est sur le plan légal, tout au moins d'un point de vue effectif, à savoir le droit au blasphème) et l'autre d'une victoire. Les institutions ont accompagné les deux de la même façon, grandes affiches, jusque dans la tentative de récupération politique.
« La différence n'est donc que de degré ici, pas de nature"
La différence de nature n'est-elle pas finalement qu'une différence de degré, certains seuils ayant été franchis ? »
- Oui, c'est toujours possible, mais entre deux seuils, les différences n'en restent pas moins de degrés. C'est pourquoi je pense qu'il s'agit ici plus d'une continuation que d'une rupture. La variation portant sur la nature des affects mobilisés, pas sur la façon dont ils l'ont été (publicité, manifestation de masse, rôle des institutions, etc.).
« j'ai du mal à percevoir, aujourd'hui, en France, les manifestations religieuses d'une « tyrannie omniprésente, intégrée, implicite, normalisée » avec toutes les supports institutionnels que cela suppose nécessairement. Ou du moins de ce que l'on nomme habituellement religion.
S'il y a une « tyrannie omniprésente, intégrée, implicite, normalisée » que je perçois à l'oeuvre et qui structure notre existence, c'est celle du capitalisme. Dès notre plus jeune âge, elle oriente nos manières de désirer, de penser notre rapport au monde et aux autres ; et elle « s'exerce au quotidien de manière diffuse sur l'ensemble de la société ».
- Outre qu'il n'y a aucune bonne raison d'opposer les deux, qu'une tyrannie peut, hélas, coexister avec une autre, voire en renforcer une autre (ou mutuellement se renforcer l'une l'autre), et donc qu'on peut lutter contre les deux conjointement, je vous ferai remarquer que l'existence même de ce site et des invités qui l'alimente préférentiellement prouve que cette tyrannie-là, celle du capitalisme, fait déjà l'objet d'une prise de conscience d'une partie de la société. Peut-être pas assez grande pour ceux qui pensent que c'est là que se joue l'essentiel, le plus urgent, mais pour autant, cela existe au grand jour.
L'autre au contraire est encore régulièrement ignorée, les problèmes liés aux religions ne seraient qu'une conséquence indirecte du pouvoir néfaste du capitalisme, en finir avec ce dernier résoudrait ces autres problèmes (sexisme et homophobie ne seraient que des épiphénomènes liés au capitalisme, approche typique d'une certaine gauche abonnée au Monde Diplo), lorsque la lutte contre cette tyrannie n'est pas tout bonnement dénigrée sous couvert que d'aucuns se servent d'elle pour répandre leurs préjugés racistes (alors qu'on peut parfaitement s'engager dans ce combat sans en avoir aucun), lorsqu'elle n'est pas carrément considéré comme un outil dont se servirait le capital, via ses grands médias, pour nous détourner des vrais problèmes et continuer à perpétrer ses basses œuvres...
Pourtant, promenez-vous seul en affichant ostensiblement votre mépris du divin (un t-shirt, enfin, en cette saison un manteau, avec inscrit lisiblement « Dieu est une pourriture » par exemple), une position idéologique parfaitement symétrique et tout aussi légitime que celle consistant à afficher le respect de celui-ci, et pourtant, il est fort à parier que votre traitement ne sera pas le même que si vous montrez votre dévotion ou si vous portez un slogan anti-capitaliste. Vous serez au mieux considéré comme un agitateur, attentant à l'ordre public, au pire, on estimera que quand même, vous l'avez bien cherché si l'on s'en prend physiquement à vous.
Ne cherchez pas, cette expérience de pensée n'a que rarement, pour ne pas dire jamais lieu, alors que les athées sont pourtant majoritaires. Indice qu'elle n'est pas considérée comme possible. Tout au plus, il vous sera permis d'acheter votre journal satirique, cette petite niche que d'aucuns ont essayé d'éradiquer en janvier et dont peu se seraient soucier de la mort économique, mais de là à le lire au vu de tous, partout… Il n'y a que depuis les attentats qu'on peut descendre et s'afficher Charlie, pour peu qu'on le fasse dans les bons endroits, aux bonnes heures, lorsque ce n'est pas uniquement avec 4 millions d'autres personnes.
Cela, ce n'est que pour révéler l'emprise cachée du religieux sur le monde civile, y compris dans un cadre dit laïque, et alors même que le nombre de religieux diminue continuellement. Mais cette emprise n'est pas pour autant à minorer, outre qu'elle amène d'aucuns à tuer ici ou ailleurs (ah non, j'oubliais, tous les maux liés aux religions le sont par dévoiement et tous ceux liés au capitalisme le sont structurellement...), elle opère encore la survivance de valeurs qui n'en méritent pas tant, sur la rôle et la place de la femme, sur la fonction et la nature des rapports sexuels, de la famille, du début et de la fin de vie, du savoir, mais aussi sur la nature et la primauté des pouvoirs...
Alors, en attendant comme toujours le grand soir qui nous délivrera de tous les maux, je ne vois aucune bonne raison de subir et de respecter nombre de valeurs circulant sous couvert de religiosité, et certainement pas l'excuse de minorité. Je laisse ce genre de paternalisme aux toddiens.
yG
ps: Ok Judith, je vais me faire plus discret.
posté le 18/10/2015 à 20h23 ( modifié le 18/10/2015 à 20h50 )
17/10/2015 - En accès libre - Imperium
@ Procrastinman, bonjour, vous dites :
"Si l'imperium est par essence totalisant, il n'est heureusement pas nécessairement toujours totalitaire.
Pour reprendre, l'exemple de la coupe du monde 98 cité dans votre précédent post, je ne pense pas que les personnes qui ont manifesté à ce moment-là leur indifférence ou leur hostilité aux jeux footballistiques aient été désignées à la vindicte comme lors du moment Charlie. A ce titre, cette manifestation de l'imperium n'était pas totalitaire ; ou du moins pas du tout au même degré atteint qu'en janvier."
- La différence n'est donc que de degré ici, pas de nature. Comme le fait d'ailleurs justement remarquer Klérian, l'expression pour un homme de son total désintérêt, lorsque ce n'est pas mépris pour les messes footballistiques, ou les messes sportives en générale, est le plus sûr moyen de se voir mis à l'index dans nombre de milieux. C'est pratique lorsqu'on souhaite l'être, un peu moins lorsqu'on l'est d'office.
Ce qui m'amène à rappeler que la face sombre de l'imperium, c'est avant tout dans son point aveugle qu'il faut la dénicher. Ce n'est pas tant dans les manifestations ostensibles, les coups d'éclats, les jours de grands messes qu'il apparaît dans toute sa démesure, sauf à se retourner et à regarder ce qui les a précisément provoqué.
Autrement dit, l'imperium sa véritable et profonde face sombre, c'est lorsqu'il s'exerce au quotidien de manière diffuse sur l'ensemble de la société, sans que nous ne le notions, sans que ne nous vienne à l'esprit que c'est là un pouvoir qui ne devrait pas être, un pouvoir pour le coup totalement déraisonnable, qu'il l'exprime le mieux.
Ainsi, la face sombre de l'imperium qu'ont révélé les manifestation du 11 janvier, ce n'est pas l'islamophobie comme d'aucuns le pensent (il y en avait, c'est incontestable, mais de là à en faire l'élément fédérateur central, il y a un pas que je laisse aux toddiens...).
Non, la face sombre, ici, c'était dans la coercition qui est à l’œuvre du fait même des religions sur l'ensemble de la collectivité qu'il fallait la rechercher, et ceci, bien qu'il y ait historiquement un délitement du sentiment religieux.
Car, les religions sont arrivées à faire admettre depuis longtemps, si ce n'est légalement, du moins, c'est pernicieux, factuellement, que le contenu de leurs croyances devaient être respecté par tout à chacun. Qu'il était « normal » de ne pas se moquer du contenu des croyances d'autrui. Qu'à ne pas le faire, il était par conséquent compréhensible de s'en prendre une, de réflexion, lorsque ce n'est pas une baffe, un coup de poing (cf. le pape) ou une balle.
Voilà contre quoi j'ai manifesté avec d'autres ce jour-là, pour rappeler que cette tyrannie omniprésente, intégrée, implicite, normalisée, à défaut d'être pour l'heure légalisée, tout aussi illégitime que déraisonnable de nombre de religieux et maintenue grâce à la participation complaisante, pour ne pas dire condescendante, d'un plus grand nombre encore de non religieux ne devait pas avoir le dernier mot.
Que cette identité-là, l'identité religieuse, n'avait pas à prendre le pas sur les autres, qu'elle devait être et rester tout au mieux seconde et donc ne devait être respecté que par ceux qui s'en réclament et nul autre.
C'est, certes, là un combat entre divers imperiums, comme il y en a toujours au sein d'un corps composite, mais de là, à faire de cet imperium du 11 janvier une face sombre, on se voile la face pour ne pas voir cet autre qui, en toute raison, de devrait pas être.
Tous les imperiums ne se valent pas.
yG
posté le 18/10/2015 à 09h27 ( modifié le 18/10/2015 à 10h18 )
17/10/2015 - En accès libre - Imperium
Bonsoir,
"la manifestation "Je suis Charlie" n'est ni plus ni moins institutionnelle que n'importe quelle manifestation d'un affect commun."
- J'en conviens tout à fait, Judith.
"C'est la "face sombre" de l'imperium dans la mesure où c'est un moment où se manifeste sa potentialité totalitaire (l'imperium est toujours totalisant, pas toujours totalitaire). Il est totalitaire dans le sens où quiconque exprime "ne pas se sentir Charlie" est aussitôt suspect, et réprouvé."
- Pourquoi parler alors de face sombre ? Lorsqu'il s'agit simplement de la réalisation la plus tangible de l'imperium, à savoir la création de ce cadre collectif, donc de fait contraignant pour toute individualité parce que collectif...
« D'une manière générale Lordon ne dit pas ce qui est "bon" et ce qui est "mal". Il dit ce qui est. »
- D'une manière générale, peut-être, mais pas là en l’occurrence, car je ne peux m'empêcher de percevoir ici un jugement de valeurs des plus négatifs. Les mots et les associations ne sont pas neutres. Lordon ne peut l'ignorer.
« L'imperium est un fait, pas une valeur. »
- Mais toujours un fait qui se matérialise à travers l'expression de certains affects, donc de certaines valeurs. En tout cas, c'est ainsi que je le comprends à l'écoute de l'émission.
« Enfin, si ce n'est pas le souverainisme qui est mal, mais son contenu et son projet, alors il ne faut pas reprocher aux souverainistes d'être souverainistes (or : "souverainiste" est censé être un adjectif disqualifiant, dans la bouche de la plupart des européistes). »
- Il est, hélas, effectivement utilisé pour disqualifier, parce qu'il est pour l'heure majoritairement employé, affiché, revendiqué, par ceux qui en font un usage rétrograde, nationaliste bêtement local. On peut se renvoyer la balle toute la soirée sur la question de la responsabilité, pas sur le fait que c'est ainsi qu'est connoté ce mot actuellement, qu'on le déplore ou non. A charge donc à ceux qui se revendiquent souverainistes de toujours et clairement se dissocier de ceux qui font un commerce pathétique de cette notion.
« D'abord si : un corps politique, ça peut mourir, ça se défait, ça se disloque, et ça meurt (et d'autres corps politiques prennent naissance). »
- Est-ce vraiment un autre corps ? Le papillon n'est pas un autre organisme que la chrysalide, juste un autre stade du développement. C'est là, je le concède une discussion plus métaphysique, mais après tout, c'est là que nous mène la parabole du bateau de Thésée...
yG
posté le 17/10/2015 à 19h43 ( modifié le 17/10/2015 à 19h46 )
17/10/2015 - En accès libre - Imperium
Bon, passons rapidement sur les 75 premières minutes de l'émission, on en reste à un niveau d'abstraction qui pourrait laisser penser que les affects ont sagement été discipliné par la raison, qui nous rappellent, pour ceux qui ne le sauraient pas ou ne l'auraient pas perçu ainsi, qu'un corps politique, c'est toujours des institutions, souvent, pour ne pas dire toujours, en conflits. Donc, en gros une entité dynamique complexe (lui dit « organique »), mais qui tient bon an, mal an (je me demande d'ailleurs ce que veut dire « tenir », dès lors qu'un tel corps ne peut jamais mourir et que tout changement est tautologiquement acté... Sur ce point, Lordon semble tiraillé entre une approche organique et une approche plus essentialiste, comme le souligne son rappel de la parabole du bateau de Thésée et son exemple sur la Syrie.)
Quand enfin, après une heure et quart, le refoulé ressurgit avec fracas à l'occasion de l'évocation de la manifestation du 11 janvier, de ce flash totalitaire comme le nomme Lordon d'après Todd, événement qu'il qualifie de face sombre de l'affect commun avec des airs de Corée du Nord...
Pour quelles raisons Lordon en vient-il à qualifier de la sorte cette manifestation, de facto « institutionnelle » ?
Mystère.
Là, ce n'est pas bon que des institutions venant du bas nous reviennent par le haut en une grande vague. Là, cela ne va plus que se montrent et se réaffirment publiquement des valeurs cristallisées au cœur d'une grande partie du collectif.
Ah bon ?
Pourquoi ?
Pourquoi là et pas lors de la coupe du Monde de 1998 qu'il mentionne sans s'y attarder ?
C'est d'autant plus perturbant qu'il est aisé à lire Lordon (par exemple, son dernier billet sur son blog à propos du conflit à Air France) d'imaginer qu'il applaudirait à d'autres manifestations collectives, si elles avaient lieu.
yG
PS: Je suis enfin surpris qu'il pense pouvoir invalider la critique du souverainisme en rappelant qu'être Européiste, c'est être de fait souverainiste.
Il n'y a pas là la moindre contradiction.
Lorsque les de facto souverainistes européens s'attaquent aux souverainistes, c'est le plus souvent, pour ne pas dire toujours, bel et bien le souverainisme étriqué, populiste et nationaliste, franchouillard, qu'ils visent. Celui d'ailleurs que critique Lordon.
Sa critique est donc d'autant plus surprenante à mes yeux qu'il rappelait dans l'émission l'existence des phénomènes d’émergence. Or, dans ce cas, l'échelle change effectivement la donne. Cela n'a rien à voir d'être souverainiste européen et de l'être de façon hexagonale. D'autres valeurs entrent en jeux.
posté le 17/10/2015 à 18h31 ( modifié le 17/10/2015 à 18h47 )
10/10/2015 - Aux Ressources - La politique du rire
@ mbloch3 : Je l'ai lu, il y a quelques années, et mon exemplaire est à porté de main. Je suis donc d'accord avec vous, cet ouvrage en particulier devrait nous permettre de réfléchir à toutes les exclusions.
Mais, cela n'implique aucunement qu'il faille trouver illégitimes toutes celles qui peuvent exister pour autant. Ou pour le dire autrement qu'elles se valent toutes.
De plus, je me servais surtout de votre exemple pour souligner la limite de plusieurs réflexions d'Océanerosemarie qui laissent entendre qu'être et savoir sont indissociables. Une approche pour laquelle je n'ai aucun goût et c'est un euphémisme.
yG
posté le 11/10/2015 à 08h21 ( modifié le 11/10/2015 à 08h47 )
10/10/2015 - Aux Ressources - La politique du rire
mblcoh3 vous dites : "En complément, je rêve que vous allez interviewer Richard Powers sur son livre "Du temps où nous chantions" "
Ce roman est génial, mais à écouter l'invitée, je doute que cela soit raccord avec son mode de pensée. Après tout, Richard Powers est un homme blanc qui parle dans ce livre du fait d'être noir au U.S.A au vingtième siècle.
Or, lorsque Océane Rose Marie a évoqué l'exposition "Exibit B", elle s'est empressée de souligner que ceux qui s'y opposaient étaient légitimes parce que noirs.... comme si la plupart de ceux qui participaient à cette performance ne l'étaient pas également, comme si, pis encore, être et savoir étaient indissociables. Elle a beau jeu de dénoncer alors la confiscation de la parole individuelle, lorsqu'elle procède régulièrement à une communautarisation du discours, pour ne pas dire à une essentialisation.
yG
PS: J'en profite pour rappeler qu'on peut à la fois être contre le voile et contre les discours abolitionnistes (il suffit d'invalider le classique recours à la notion de consentement, puisqu'en l’occurrence et contrairement à une idée reçue, cette notion est ici totalement inappropriée) en matière de prostitution, autrement dit que l'intersectionalité n'implique pas que tous les combats se valent : être ne suffit pas à être légitime.
posté le 10/10/2015 à 19h05 ( modifié le 10/10/2015 à 20h56 )
03/10/2015 - Aux Sources - Le culte des droits de l'homme
@ marc gébelin, vous dites : "Loin de moi l’idée qu’il faudrait accepter les « dits obscurantistes islamistes », encore faudrait-il en citer quelques uns pour qu’on sache de quoi on parle."
- En tout cas, cela ne vous dérange pas lorsque Valentine Zuber, elle, ne le fait pas, puisque c'est à moi que vous le demandez, et que c'est elle qui en parlent en premier lieu et surtout, que je note que vous savez aussi bien que moi de quoi il est question, puisque vous en citez vous-même quelques exemples un peu plus loin dans votre post...
"Ensuite, il faudrait aussi montrer qu’ils tentent de s’appliquer en France lesdits « dits », sont proposés par des Français Musulmans se reconnaissant publiquement comme tels, et désireux de les voir sinon respectés, du moins reconnus par la population qui n’est pas musulmane."
- Cela correspond exactement à ce qui s'est produit en janvier. Les actes terroristes visaient à ce que la part de la population qui n'est pas obscurantiste se soumette néanmoins d'elle même, ne serait-ce que par autocensure, à ces valeurs plus que rétrogrades.
"Est-ce le cas ? Voit-on, entend-on publiquement, dans la presse les radios et les télés publiques des musulmans proposants à l’approbation des Français des dits obscurantistes islamistes du genre « la femme est inférieure », « la circoncision indispensable », « la charia source de paix » ou « longue vie à la lapidation » ? Si c’est le cas, qu’on m’indique les sources et les dates."
- Mais que vient faire cette close restrictive concernant la presse dans votre propos ? Car, il n'est nullement nécessaire que les obscurantistes soumettent à l'approbation des autres citoyens de telles vues pour qu'elles se propagent néanmoins. C'est bien là tout le danger du terrorisme, il ne passe pas par les urnes pour faire passer son message et imposer sa parole.
"Si ces dits ne sont pas proposés par des autorités publiques ou para-publiques comme le CFCM, par des organes de presse, des institutions légalement reconnues mais par des personnes privées, elles ont, précisément en tant que personnes privées, le droit de dire ces « dits », ça s’appelle la liberté d’expression et elle s’applique pas seulement à Charlie mais aussi aux personnes de confessions musulmanes, y compris si ces dits, en tant qu’ils proviennent du Coran par exemple, sont en contradiction avec d’autres dits provenant de la Bible ou d’autres livres « sacrés » y compris les livres sacrés laïques lorsqu’ils sont devenus « laïcards ». Voir sur You Tube les vidéos de notre ancien ministre de l’éducation nationale (juif, franc maçon, socialiste, etc… mais ce n’est ni une insulte ni une désapprobation je m’empresse de l’ajouter pour ne pas tomber sous le coup de la loi… laïque) sur le thème de la laïcité, est édifiant : il se prend pour le Papa de la Nation et estime que les autres papas sont des inaptes, voire des ineptes. Fait-il cela au nom de la thora juive ou franc-maçonne? au nom de son doctorat de philosophie athée? Je n’en sais rien mais l’écouter (en tant que papa bête et méchant cela va sans dire) me révulse."
- Hélas non, il n'est pas vrai qu'en tant que personne privée vous ayez plus le droit de dire publiquement ce qui vous passe par la tête qu'une quelconque institution. Du moment que vos propos sont publics, vous pouvez devoir en rendre compte s'ils contreviennent au cadre délimitant la liberté d'expression qui, fort heureusement, n'est pas absolue.
"Que les familles soient les fourmilières étouffantes où se nouent les névroses diverses, qui le niera ? Est-ce pour autant acceptable que l’état se croit autorisé à nous imposer les siennes de névroses, sous le sceau par exemple de la « scientificité » qu’elle s’applique à l’histoire, à la religion ou à que sais-je d’autre ?"
-De deux maux, je préfère le moindre. Par exemple, que des familles puissent encore ici imposer la circoncision à leurs petits garçons, au nom de motifs nullement médicaux, je le déplore, quelque soit la religion concernée. Hélas, pour l'heure, l’État capitule encore devant certains lobbies traditionalistes, aussi aberrantes soient leurs revendications et en contradiction avec d'autres lois que la république tente pourtant de promouvoir, notamment sur l'intégrité physique des mineurs. A l'inverse, lorsque l’État se sent suffisamment fort, soutenu par la population, il peut s'engager dans quelques réformes qui ne plaisent guère à certains obscurantistes, comme le mariage pour tous, et je l'en félicite. Il en va de même des valeurs sexistes, homophobes, racistes qui existent d'abord et s'expriment surtout dans le secret des alcôves familiales, mais qui remontent néanmoins par le biais des enfants dans l'espace public et auxquelles l'école de la République à pour devoir de s'opposer. Hélas, il serait injuste d'en reporter la responsabilité sur l’Éducation Nationale en cas d'échec, car elle ne joue pas à arme égale, loin s'en faut, avec les familles qui restent les premières prescriptrices des valeurs de l'enfant et donc du futur citoyen.
"La science a-t-elle prouvé que l’homme s’est créé tout seul en « descendant » sans précaution du singe? Certains le croient, d’autres non et appartiennent à des horizons très divers, ne sont ni des fanatiques de la « science », ni des fanatiques de la « religion ». Ils sont tout simplement des gens instruits (très souvent par l’école publique) qui se posent des questions et ont l’honnêteté de dire que finalement, ils ne savent pas grand-chose. Ce que disait le philosophe il y a déjà 2500 ans."
- Vous avez le droit de croire à n'importe quelles conneries, et j'insiste sur le terme de connerie, car ce droit, celui de croire, ne tient aucunement à la teneur de vos croyances. Par contre, vous n'avez pas le droit pour autant d'exprimer publiquement toutes les conneries dans lesquelles vous pourriez croire et c'est tant mieux. Et même lorsque l'expression publique de vos croyances n'est pas sanctionnée par la loi, l’État n'a pas l'obligation de la prendre en compte pour autant. Ainsi, si vous ne croyez pas par exemple à la théorie de l'évolution, c'est votre droit, comme c'est celui de l’Éducation Nationale (que je soutiens sur ce point) de ne pas prendre en considération votre avis et de continuer, merci à elle, à enseigner, ne serait-ce qu'en passant, celle-ci. Quant à la philosophie, elle a largement dépassé le point de stagnation que vous lui assigniez. Ce double exemple autour de la théorie de l'évolution et sur la philosophie qui n'en reste pas à la proclamation de son impuissance prouve amplement et par l'absurde la nécessaire fonction de l’État aussi bien dans l'instruction que dans l'éducation, afin que toutes les croyances et valeurs qui peuvent circuler dans l'espace privée n'atteignent pas à la respectabilité publique qu'elles souhaitent avoir.
"sa pensée relative au culte des droits de l’homme qui est, comme le titre le dit effectivement, un Culte pour les nouveaux religionnaires, qui, en en ayant perdu une de religion, en recherche désespérément une autre."
- Je regrette pour ma part qu'aucun exemple de ce qui pourrait être discuté sur la charte des droits de l'homme n'ait été abordé dans l'émission, car des critiques, il y en a et il peut y en avoir (hélas, même dans une émission où la principale intervenante le déplore, elles n'ont pas eu lieu), notamment, concernant le conflit entre l'article 19 et le nécessaire encadrement de la liberté d'expression.
"Moi qui ne suis pas forcément anti-culte ni in-culte, ni a-culte, je sais déjà depuis bien longtemps que la bête humaine, si elle ne veut pas le rester (le fameux singe de tout à l’heure), a précisément besoin de culte. A tout prendre je préfère le biblique, plus riche, plus poétique, plus étonnant que le culte LGBT mis en place par notre Peillon national, soutenu par notre belle Kacem si laïque et promis à un bel avenir puisque l’hétérosexualité est sans doute une névrose qui consiste à garder l’enfant dans l’eau plus très propre du bain familial, n’en déplaise à yG…"
- Oh, on dévoile in fine d'où l'on parle... Et bien, pour ma part, je soutiens notamment l'enseignement et la recherche sur l'évolution, le mariage pour tous, le blasphème et le rejet des signes religieux ostentatoires dans l'espace de l'école publique, n'en déplaise en passant à l'ancien maître de Valentine Zuber, Jean Baubérot.
yG
posté le 04/10/2015 à 16h11 ( modifié le 04/10/2015 à 17h00 )
03/10/2015 - Aux Sources - Le culte des droits de l'homme
Trois points me donnent envies de réagir :
- "Avec le nouvel enseignement moral et civique [...] on réaffirme la mission d'éducation de l'état enseignant "
Ce qui dit implicitement que les familles ne sont pas assez compétentes et assez sûr" (vers 42-43'). Un État enseignant [...] qui a pour charge de l'éduquer. [...] Ce que je reproche à toutes ces initiatives, c'est qu'elles ne sont pas assumées. (vers 46-47')
Et bien, pour ma part, je les assume ces initiatives et je déplore comme Valentine Zuber le manque de moyens, n'en déplaise à Maja, car oui, l'éducation est bien trop importante pour être laissée aux seuls dictats des familles, ces petites cellules bien trop souvent tyranniques auxquelles nous sommes enchaînées dès notre naissance.
Et à ceux qui s'inquièteraient des toujours possibles dérives étatiques, je rappellerais que si l'état ne s'en préoccupait pas, les familles et leurs progénitures ne seraient pas libres et à l'abri pour autant. Elles seraient au contraire abandonnées aux divers pouvoirs déjà en place dans la société civile, en premier lieu desquels on trouve les pouvoirs religieux, ceux des traditions...
- "Implicitement, c'est la morale judéo-chrétienne qui est portée par ça [...] malgré tout c'est une morale qui est située idéologiquement, et presque religieusement, mais comme on est à l'école laïque, on ne va pas dire que c'est des maximes religieuses." (vers 48')
On ne va pas rappeler que ce sont des maximes religieuses, parce que justement, une fois débarrassée de toute transcendance, autre que celle liée au droit que les hommes se donnent comme universel, cette morale n'est déjà plus une morale religieuse, elle s'ouvre à la critique, à l'analyse, à l'expérimentation, à la réflexion, bref, elle n'est plus bêtement moralisatrice, mais devient à proprement parler un questionnement éthique.
N'en déplaise donc à cette historienne, peu importe au final l'origine historique, le creusé dans lequel a été forgé cet enseignement moral laïque, dès lors qu'il n'est plus appuyé explicitement, logiquement, sur un être divin, il devient autre.
C'est, hélas, un biais classique chez nombre d'historiens et de sociologues que de croire que l'origine, la généalogie non seulement explique, mais condamne et contamine irrémédiablement le devenir. Heureusement que ce n'est pas totalement et systématiquement le cas, sinon, nous serions condamnés à rester prisonnier des idéologies religieuses, dans tout domaine, parce qu'historiquement, elles ont le plus souvent la préséance.
- "on a crée un problème islamique [...] On s'est trouvé un nouvel ennemi à circonscrire, c'est-à-dire l'obscurantisme islamique" (vers 1h08).
Cette formulation de Valentine Zuber n'est nullement innocente. Elle fait reposer la charge de ce problème, la responsabilité sur "nous", avant tout, dédouanant automatiquement au passage, qu'elle le veuille ou non, les dits obscurantistes islamiques. Comme si les obscurantistes islamiques avaient pour projet de davantage respecter notre conception des droits de l'homme que notre approche de la laïcité... C'est donc là, une formulation que je ne goutte guère et qui est tout aussi maladroite qu'est dangereuse la pensée qu'elle laisse transparaître.
Enfin, dernier point, un combat n'en occulte un autre que si nous les mettons en concurrence. Or, on peut à la fois lutter pour la laïcité et les droits de l'homme. Les deux ne sont pas contradictoires. Sauver un enfant de la noyade est un devoir qui nous incombe à tous, mais qui n'ouvre pour autant aucun droit quant aux valeurs des victimes ou pour le dire plus prosaïquement, s'il ne faut jamais jeter le bébé avec l'eau du bain, sauver le bébé n'implique pas qu'il faille préserver l'eau du bain.
yG
posté le 04/10/2015 à 10h42 ( modifié le 04/10/2015 à 12h30 )
19/09/2015 - En accès libre - Le salaire à vie
@ gynko, vous dites : "La violence n'est-elle pas en partie générée par la propriété? Le monde étant scindé entre des gens qui ont et des gens qui n'ont pas, les uns jalousant les possessions des autres, le fait qu'on garantisse le minimum de possessions nécessaires à la survie ne rend elle pas cette jalousie dévoratrice plus acceptable? "
J'en doute pour ma part, car, la jalousie liée à la propriété commence avec notre être au monde. Nous sommes jaloux de ceux qui ont la beauté, la puissance, la jeunesse, la santé, le savoir, la maîtrise, l'estime, le talent, etc. Nous n'en finirons donc jamais avec ces inégalités-là et les violences qu'elles engendrent. De plus, nous pouvons constater depuis belle lurette que le minimum de possessions nécessaires à la survie n'atténue en rien la jalousie. Au contraire, ce minimum l'accroît, car ce n'est qu'à partir de ce stade élémentaire que peut se développer le désir d'avoir plus. En deçà, on n'est préoccupé que par la survie. La seule chose qui freine en fait la violence individuelle, c'est le calcul plus ou moins conscient que l'on opère entre les pertes et les gains qu'entraîneraient nos désirs si nous y cédions constamment. Il faut déjà avoir quelque chose à perdre pour ne pas s'engager dans des pratiques à risque, dont la violence est l'expression paroxystique. Le fait d'avoir des biens en commun, si cela diminue la violence que générerait notre désir de les avoir en propre, ne fait finalement que déplacer le problème vers d'autres objets, tout en dépouillant les objets mis ainsi à disposition de toute valeur (travailler pour acheter de la musique, des films, des livres de nos jours et vous passez rapidement, hélas, auprès de certains pour un excentrique). Un peu comme l'air que nous respirons dont la valeur ne nous revient que lorsque, accidentellement, nous en manquons, ce qui explique par ailleurs que nous le polluions autant d'ordinaire.
yG
posté le 03/10/2015 à 08h55 ( modifié le 03/10/2015 à 08h57 )
19/09/2015 - En accès libre - Le salaire à vie
Si j'ai bien compris, et pas tout oublié, Bernard Friot n'est pas pour les grands soirs, un bon point pour lui, tant cette idéologie pour le moins radicale s'apparente à la folie de la tabula rasa propre tant aux fanatiques qu'aux intellectuels pétris de leur construction mentale.
Néanmoins, Friot n'est pas davantage continuiste. Il envisage des ruptures et une durée de plusieurs siècles en se basant sur ce qu'il a fallu, historiquement, pour passer d'une classe féodale à une classe bourgeoise, je crois.
Ce dernier point aurait mérité questionnement, car, l'histoire n'est pas prescriptive. Ce qui s'est produit à une vitesse à un moment donné ne permet aucunement d'en déduire que cela prendra autant de temps (même en ordre de grandeur) à l'avenir. Sans compter qu'il n'est pas inenvisageable qu'il ne reste aucune des activités salariales que nous connaissons aujourd’hui dans un demi-millénaire, voire qu'il n'en y ait plus aucune, la robotique s'accaparant de plus en plus de domaines.
L'autre point que j'aurai aimé voir développé dans l'émission concerne la question de la violence. Certes, elle a été évoqué, mais elle aurait mérité à mon sens qu'on s'y attarde davantage, tant c'est la mesure de celle-ci qui seule détermine la pertinence des modèles économiques proposés. Qu'elle soit horizontale ou verticale, pour ceux qui la subissent, cela ne change rien au final. C'est juste sa fréquence, son intensité qui sont à prendre en compte. Aussi, je me demande en quoi un système où les salaires pourraient varier déjà d'un facteur un à quatre changerait profondément de celui que nous connaissons actuellement, puisque c'est déjà grosso modo l'écart qu'il existe entre la plupart des salariés. Les écarts par exemple d'un facteur 148 entre patrons et employés dans certaines grandes entreprises (cf. par exemple Le Monde du 18 août), s'ils constituent une violence symbolique insoutenable, n'en reste pas moins hors d'atteinte et donc inenvisageable pour le commun des mortels que nous sommes, et c'est tant mieux.
yG
posté le 30/09/2015 à 11h29 ( modifié le 30/09/2015 à 11h31 )
27/06/2015 - En accès libre - L'Humanitude au pouvoir
Ce qui me plait particulièrement dans cette expérience, c'est qu'elle réinvente justement l'eau chaude. Les quelques personnes qui n'ont pas d'avis a priori sur un sujet de controverse, mais qui en développent un après avoir été informé par des experts, après avoir discuté, débattu et qui tranchent ne font que reproduire in vitro (tiens, ce n'est peut-être pas un hasard si c'est Jacques Testart qui en parle...), en miniature et en accéléré, ce qui se passe déjà in vivo dans la démarche scientifique, depuis les bancs de l'école jusqu'à l'université et après.
Il y aurait déjà matière à discuter sur ce point.
Pourquoi fabriquer ex nihilo des sous-experts ou des experts amateurs, tiré au sort, puis drastiquement trié, sélectionné, au lieu de faire appel à ceux qui existent déjà, et à un tout autre degré, dans la société civile ?
Parce que cela représenterait davantage le peuple dans son "essence" ?
Comme si les experts se développaient hors-sol...
Parce que cela éviterait les biais ?
Comme si les biais liés à une question toute technique soit-elle se limitaient à celle-ci, qu'ils n'impliquaient pas les visions plus globales des relations humaines, de l'existence, des sujets sélectionnés...
Quoi qu'il en soit, j'apprécie un tant soit peu cette expérience parce que l'implicite de son approche de la démocratie se heurte frontalement, même si dans l'émission cela n'apparaît pas, à l'approche idéaliste classique de la démocratie que je ne goûte guère et qui repose sur le principe selon lequel une voix en vaut une autre, sans que ne soit convoqué le moindre prérequis, réduisant la démocratie à la dictature du plus grand nombre.
Ici, au contraire, le fait de former, d'instruire quelques sujets, "purs", "vierges", souligne bien qu'en matière de décision, le nombre ne fait pas l'affaire, qu'il y a un préalable au processus décisionnel et qu'il passe par le même degré de formation des sujets. Soit, une autre manière d'en venir à la démocratie des experts, bien plus pragmatique que celle consistant à croire que l'information peut uniformément se transmettre et être assimilée par tous les sujets d'une "démocratie".
yG
posté le 28/06/2015 à 18h35 ( modifié le 28/06/2015 à 18h44 )
06/06/2015 - Aux Sources - Une question de taille
Dommage que n'ait pas été posé la question de l'influence de la religiosité sur la pensée d'Ivan Illich. Car, nombre des remarques lui étant attribuées dans l'émission s'accordent parfaitement avec ce genre de biais, notamment son attachement à la notion de genre. Je remarque à ce propos que c'est encore une fois un philosophe versé dans les Mathématiques qui s'en accommode...
yG
ps: Pour le reste, j'ai été surpris que la notion d'émergence n'est pas été évoquée explicitement, sauf erreur de ma part, alors qu'elle est l'expression même du passage du quantitatif au qualitatif.
posté le 11/06/2015 à 18h18 ( modifié le 11/06/2015 à 19h21 )
25/04/2015 - Aux Ressources - La classe de l'écrivain
@ Abracadabra
La moindre collectivité de plusieurs milliers d'individus, fusse-t-elle, la plus démocratique, la plus égalitaire possible, aurait pu engendrer le même genre d'impératif mémoriel pour un tas d'autres raisons. Ce fameux seuil quantitatif justifiant la création de l'écriture/lecture n'implique donc pas mécaniquement une situation d'exploitation, juste une massification des échanges liés à la croissance des groupes humains. C'est en cela que je trouve l'accent mis sur cette situation d'esclavage symptomatique du fait de mettre la charrue avant les bœufs, le cadre marxiste dictant la nature du contexte historique lui correspondant le mieux.
yG
posté le 29/04/2015 à 20h59
25/04/2015 - Aux Ressources - La classe de l'écrivain
Dernier point de désaccord avec Bergounioux, mais pas des moindres, ce que j'ai perçu comme sa tendance à essentialiser la relation entre l'écrivain et son œuvre.
Si comme lui, je ne peux que me réjouir du plus grand nombre de femmes romancières de nos jours, un acte qu'il aurait fallu rattacher, comme je l'ai déjà écrit, à notre échelle nationale au fait que les écrivains occupent pour beaucoup d'entre eux des fonctions professionnelles liées à l'enseignement (l'indépendance financière, la disponibilité et la proximité avec l'objet littéraire qu'octroient ces métiers expliquent en partie cela), je ne pense pas qu'il aurait cautionner la célèbre sentence attribuée à Flaubert : « Madame Bovary, c'est moi ».
Bien au contraire, il n'a eu de cesse durant l'émission de discréditer les auteurs de toutes les époques qui écrivaient depuis un autre lieu que celui dont ils traitaient dans leurs écrits.
Comme si l'être (le fait d'être ce romancier-là, dans cette position sociale-là, ce sexe-là, cette couleur-là, cette sexualité-là) et la chose (ce sur quoi ils écrivent) devaient coïncider directement, que toute distance sociétale impliquait une trahison, une méconnaissance ou pour le dire comme Bergounioux, une naïveté.
Comme si l'auteur et le sujet ne devaient faire qu'un, si ce n'est dans la phase rédactionnelle, au moins dans celle du vécu.
Comme si l'absence de distance était garante de la vérité transmisse.
Si la confiscation de la parole d'un groupe par un autre est toujours à dénoncer, elle n'implique pas que ce qui est dit par un autre que celui qui me ressemble le plus ne puisse révéler une grande part de vérité sur moi. A laisser entendre le contraire, on oublie un peu trop vite que la proximité n'est pas, loin s'en faut, un gage de probité. Sans compter que cela signifierait que l'on n'apprend rien d'essentiel sur soi à lire d'autres que soi. Une implication que dément constamment ma propre expérience de lecteur.
yG
posté le 29/04/2015 à 16h32
25/04/2015 - Aux Ressources - La classe de l'écrivain
Papriko écrit : « Par exemple, lorsque Pierre Bergounioux évoque sa difficulté à lire des romans (car, selon lui et si je l'ai bien compris, ce genre de littérature a été rendu un peu vain par les progrès que les sciences humaines et sociales ont permis de réaliser dans la connaissance de la nature humaine), on aurait aimé qu'il développe cette idée, notamment en donnant des exemples de situations qu'il a rencontrées dans des romans et qui témoignent des limites de ce genre. »
Tout à fait d'accord, c'est regrettable. Je ne suis pas le dernier à le déplorer. D'autant plus, qu'à écouter et lire nombre de sociologues, notamment depuis le 7 janvier 2015, j'aurai plutôt tendance à estimer l'inverse, que les romans et la fiction en générale (il est d'ailleurs regrettable que la question du cinéma ne fusse pas abordée pendant l'émission) sont de plus en plus nécessaires. Car, certains sociologues, fort qu'ils sont pourtant des observations que leur discipline recueille depuis plus d'un siècle, ne savent toujours pas faire la distinction entre le fait et le droit et se posent bêtement en défenseur du fait accompli. La pratique du roman, qui induit de fait un changement d'échelle, leurs aurait permis d'appréhender des risques que leurs outils ne peuvent déceler.
Autre surprise à l'écoute de cette émission, le dédain de la part de Bergounioux pour la question du style en littérature. Je trouve cela, non seulement surprenant de la part d'un sculpteur, mais bien plus encore, de nouveau révélateur des a priori marxisant de ce dernier.
En effet, Bergounioux fait du style en littérature un élément de discrimination élitiste, négligeant un fait pourtant crucial, le style touche tout le monde, à chacun le sien, les plus démunis n'en sont donc pas dépourvus, ils en ont simplement un autre, ni plus ni moins légitime. De plus, récuser le style, le jeu pour le jeu, c'est de fait condamner la littérature, et de fait l'art, si ce n'est à un naturalisme, tout au moins à un fonctionnalisme qui en réduit d'autant plus la portée. Pas étonnant alors de finir par affirmer sa préférence pour les sciences humaines...
yG
posté le 29/04/2015 à 13h58
25/04/2015 - Aux Ressources - La classe de l'écrivain
Vous dites Abracadabra: "Si j'ai bien compris, ce n'est qu'à partir du moment où des hommes font travailler d'autres hommes et s'approprient leur production, et donc que les capacités de production augmentent, que la nécessité d'un outil tel que l'écriture se fait ressentir. Il s'agit avant tout d'un seuil quantitatif. Auparavant, la médiocrité du rendement rend dispensable ce besoin. En tout cas, un consensus semble se faire autour de la propriété et du commerce (que ce soit des animaux, des esclaves ou d'autres biens)".
Je suis d'accord avec votre résumé de la thèse de Bergounioux, mais pas avec votre conclusion.
Oui, évidemment, le besoin du couple écriture/lecture, en tant que mémoire externe, se fait d'autant plus ressentir comme nécessité que nous devons mémoriser de nombreuses opérations, transactions, informations. Pour autant, la nature du quantitatif mis en exergue pour rendre compte de cette naissance de l'écriture/lecture n'est pas un élément neutre.
Ce n'est certainement pas un hasard si l'orientation marxiste de Bergounioux lui fait préférer un quantitatif issu d'une société inégalitaire (esclavagiste) en lieu et place d'une société marchande (une seule famille peut posséder un troupeau dont l'exploitation sur des années excède ses capacités mémorielles).
Il y a là chez Bergounioux, me semble-t-il, une forme d'assignation de l'écriture/lecture à une structure fondatrice inégalitaire, pour ne pas dire à un crime originel, que je ne goûte guère.
Sans compter que les inégalités engendrées par la maîtrise de la langue écrite ne sont en elles-mêmes pas différentes de celles que génère toute forme de savoir.
Le savoir est ipso facto discriminant, puisqu'il sépare ceux qui en ont la connaissance de ceux qui ne l'ont pas. C'est valable pour la maîtrise de la taille des silex, en passant par celle du feu, jusqu'à celle des outils informatiques. Donc, pas de quoi stigmatiser l'écriture/lecture, comme il le fait, à mon sens, en s'attardant sur cette particularité qui n'en est finalement pas une.
Pour ce qui est du roman et de sa remarque selon laquelle pour pouvoir en écrire, il faut être détaché des contraintes matérielles et donc d'un certain peuple, outre que l'époque actuelle vient contre-dire cette vérité historique, puisque la plupart des écrivains d'aujourd'hui, dans notre petit pays, sont des fonctionnaires plus ou moins liés à l'éducation nationale et que seule une minorité arrive à en vivre (pouvant abandonner a posteriori sa « fonction » pour ne se consacrer qu'à sa « passion »), il aurait été bon de souligner que cette condition était également nécessaire à cette époque pour pratiquer les sciences.
Bref, qu'une fois de plus, la littérature ne se distinguait pas des autres disciplines non directement rentables.
Les omissions en disent parfois plus long que ce qui transparaît.
yG
posté le 29/04/2015 à 13h23
25/04/2015 - Aux Ressources - La classe de l'écrivain
"J'ai, personnellement, pour l’œuvre de Karl Marx l'admiration la plus vive. [...] Est-ce assez cependant pour que ses leçons servent éternellement de gabarit à toute doctrine ? D'excellents savants qui, dans leur laboratoire, ne croyaient qu'à l'expérience ont écrit des traités de physiologie ou des chapitres de physique "selon le marxisme". Quel droit avaient-il, après cela, de moquer la mathématique "hitlérienne"?" écrivait en pleine seconde guerre mondiale, depuis notre sol occupé, l'historien Marc Bloch ("L'étrange défaite", p.185, folio-histoire).
Cette phrase ne cesse de me revenir en tête à l'écoute de cette fort agréable émission, avec ce fort respectable invité, avec lequel pourtant je suis en désaccord sur de nombreux points.
À commencer, par sa lecture marxiste de l'invention de l'écriture, qu'il associe à la pratique de l'esclavage, faisant donc incidemment, et au fondement, du couple écriture/lecture un outil de domination.
Bien, pourquoi pas, mais d'autres « lectures » de cette même origine sont possibles, et ne font pas peser sur l'écriture/lecture le même coupable fardeau, ainsi :
« ces nouveaux citadins créèrent, vers la fin du quatrième millénaire, un art qui allait modifier à jamais la nature de la communication entre les humains : l'art d'écrire. Selon tout probabilité, on a inventé l'écriture pour des raisons commerciales, afin de se rappeler que tel troupeau appartenait à telle famille ou était transporté à tel endroit. Un signe écrit servait d'aide-mémoire : l'image d'un bœuf signifiait un bœuf, pour rappeler au lecteur que la transaction concernait des bœufs, combien de bœufs, et peut-être les noms d'un acheteur et d'un vendeur. »
(Une histoire de la lecture d'Alberto Manguel, 1996. p.259 dans l'édition Babel.)
Voilà un premier point de discussion, j'en développerai d'autres dans les posts suivants.
yG
posté le 27/04/2015 à 11h12 ( modifié le 27/04/2015 à 11h21 )
18/04/2015 - Dans le Texte - Verdict social, verdict sexuel
@ cyrilkenyatta
Vous vous demandez comment j'en déduis :"que je refuse l'idée que tout représentant du "peuple" (de ce que l'on appelle communément comme tel) puisse être raciste, sexiste ou homophobe ?" et me répondez :"A quoi vous sert d'écrire des phrases aussi sophistiquées si vous comprenez si mal le français ?"
Je me permets donc de vous expliquer ma lecture de votre prose.
Vous écriviez :"Tant que les "intellectuels" (que nous sommes tous ici ?) continueront à considérer ainsi ce qu'on appelle communément le "peuple", il ne faut peut-être pas s'indigner [...]", laissant clairement entendre que, selon vous, ce sont d'abord les intellectuels, tel Eribon qui a produit ce constat, qui sont responsables de cette image déplorable d'une certaine partie du peuple, et non celui-ci.
Le message, l'image donnée, ne vous plait pas, vous vous retournez contre les messagers, ceux qui la transmettent, épargnant de fait ceux qui la produisent. C'est là l'une des caractéristiques de l'idéalisation.
Vous ajoutez aujourd'hui: "Je n'idéalise rien du tout ni personne. Mais je ne "démonise" pas non plus."
Mais justement, aussi triste, affligeante soit l'image donnée de cette classe ouvrière-là, personne, ni Eribon, ni moi, ne démonise.
Pour percevoir ne serait-ce qu'une intention de cette sorte dans l'approche d'Eribon, il faut de fait vouloir idéaliser, autrement dit, ne pas vouloir voir ou vouloir taire, dissimuler, cacher, ce qu'il y a de plus déplorable dans une certaine partie du peuple.
Libre à vous naturellement de ne pas partager ma lecture de vos posts, mais à la lumière de ce que vous avez produit, je ne vois aucune raison d'en changer pour l'heure.
yG
posté le 26/04/2015 à 14h13 ( modifié le 26/04/2015 à 15h13 )
18/04/2015 - Dans le Texte - Verdict social, verdict sexuel
@ Lysendre.
Lorsque vous dites :"je trouve ce débat de savoir si le peuple est plus ou moins raciste, homophobe...etc. plutôt inutile. En ce qui me concerne je pratique tous les jours le grand 8 social grâce à ma profession et il me semble que le racisme ou l'homophobie ne sont en rien réservés aux classes sociales défavorisées."
Il y a un double écueil à éviter dans votre propos.
D'une part, personne n'a dit que ces caractéristiques étaient exclusives à ce groupe, ni moi, ni à ma connaissance Eribon. Elles en sont tout au plus, ce qui en fait déjà des éléments importants à noter, des marqueurs.
D'autre part, si on se met à ne percevoir ces comportements que comme des expressions purement individuelles, on sort de fait ces derniers du champ de la sociologie, pour tomber dans celui des idiosyncrasies qui ne nous apportent pas grand chose.
Ce n'est donc pas, à mon sens, inutile de pointer ces caractéristiques, car, à les ignorer, on se condamne à ne pouvoir y remédier d'une quelconque façon.
Vous ajoutez aussitôt :"Elles sont juste plus revendiquées et visibles du fait du "mode d'expression" plus exubérant et abrupt que l'on peut employer dans une position "dominée". "
Je vous répondrai, si tant est que votre analyse sur ce point soit la bonne, que le fait de les rendre visible n'est en lui-même aucunement anodin. Puisque ces comportements sont pour une bonne part nuisible dans l'espace public (et familiale en atteste l'expérience d'Eribon) du simple fait qu'ils s'expriment. On en revient aux violences verbales qu'il serait criminel de minorer, étant donnée qu'elles sont régulièrement un prélude à d'autres plus graves encore. Sans compter que c'est d'abord en rendant visible certains comportements qu'on les perpétue.
On en arrive donc à votre premier point, sur la dimension performative des médias. Plus d'un siècle de propagande et de publicité de toutes sortes nous ont rendu particulièrement attentif à cette problématique. Il est indéniable qu'elle existe et qu'elle opère dans certains domaines, sur certains plans, dans certaines configurations.
Toute la question est de savoir si nous pouvons pour autant nous défausser sur ceux qui donnent une image déplorable de nous pour justifier que nous ayons précisément ce genre de comportements.
Je n'ai pas connaissance que les juifs pendant la guerre se soient particulièrement et sciemment conformés à l'image criminelle que donnaient d'eux le régime nazi ou celui de vichy, pour ne prendre que le contre-exemple le plus éloquent, n'en (dé)plaisent aux partisans du point Godwin.
Dans le cas contraire, et pour le dire de façon caricaturale, si ceux qu'on qualifie par exemple d'abrutis se comportaient comme tel de ce simple fait, cela prouverait non pas la puissance performative des médias ou une quelconque prophétie autoréalisatrice, mais bien, hélas, qu'ils l'étaient au départ.
Enfin, comme le souligne pertinemment Didier Eribon, le fait que ces classes ouvrières votent en grand nombre pour un parti dont l'image raciste est pourtant médiatiquement proclamée depuis des lustres ne souligne qu'une chose, non pas la puissance performative des médias qui rendraient ces électeurs racistes, homophobes, sexistes ou autres, mais tout simplement que la question raciale n'est pas pour eux discriminante, pertinente politiquement, pas plus que ne l'était pour sa mère la question du positionnement du FN par rapport à l'avortement.
Rien qu'en cela, il y a de quoi être plus qu'alarmé. Car, quant bien même, il existerait une offre à gauche capable de capter de nouveau cet électorat, comme le souhaite Eribon dans l'émission, il n'y a aucune raison de croire que ces électeurs seraient davantage soucieux de ces questions pourtant cruciales. Autrement dit, tôt ou tard, il faudrait, si ce n'est légiférer, puisque c'est déjà fait, du moins, de nouveau souligner et condamner ce genre de dérive, quitte à déplaire à cet électorat tout juste revenu au bercail.
yG
posté le 22/04/2015 à 12h02 ( modifié le 22/04/2015 à 12h39 )
18/04/2015 - Dans le Texte - Verdict social, verdict sexuel
@ cyrilkenyatta
En ce qui me concerne, je ne suis, cela ne sera pas une surprise pour certain(e)s, aucunement du côté de Rancière (dont me reste encore en travers de la gorge le pathétique entretient publié dernièrement dans le Nouvel Obs) et bien davantage de celui d'Eribon, et pas seulement parce que je suis comme lui, avec une petite quinzaine d'années en moins, rémois de naissance et issu d'une famille 100% ouvrière.
Mais parce que je ne comprends pas, justement, comment on peut défendre le point de vue que soutient Judith et que vous semblez rejoindre, puisque vous dites :" Son homosexualité lui aurait seule permis de ne pas devenir ce qu'il DEVAIT devenir en temps que provincial issu d'un milieu populaire : ouvrier, raciste, homophobe, sexiste (pourquoi s'arrêter en si mauvais chemin : fasciste et nazi aussi, non ?)...". (Judith, elle, perçoit dans la discours d'Eribon de la démophobie et craint qu'il ne rhabille ainsi "les classes populaires en "beaufland"".)
Pour vous répondre Cyrilkenyatta, et vous prendre aux mots, oui, on pourrait continuer la liste comme vous le faites. Pour certains, elle se poursuit effectivement dans cette direction-là. Que voulez-vous que j'y fasse ? Que je me mette des œillères, me bouche les oreilles, pour ne voir ou n'entendre, hier comme aujourd'hui, que le milieu populaire qui vous sied ? Pourquoi vous ne vous posez pas la question de votre besoin d'occulter cette réalité-là ? Parce qu'elle ne serait pas la bonne, parce qu'elle serait biaisée, que cela serait marginal ?
Même pas visiblement. Vous vous contentez de soutenir, plus ou moins explicitement, que le peuple cela ne peut pas être ça.
Mais tout d'abord qui vous parle du peuple ici ?
Tout au plus est-il fait mention d'une certaine catégorie de celui-ci, une catégorie dans laquelle nous n'avons pas à nous retrouver pour admettre qu'elle puisse être victime de certains partis pris politique/économique.
Pas plus qu'un médecin qui milite pour l'accès au soin d'un patient n'a à soutenir les valeurs de ce dernier, nous n'avons à adhérer ou non, taire ou non, cacher ou non, les valeurs de ceux qui sont opprimés.
Je ne comprends pas d'où provient votre volonté d'absolutisme, de pureté.
Le peuple, c'est aussi ça, ne vous en déplaise, comme cela me déplait également et ceci d'autant plus que je le côtoie directement celui-ci.
Pour ma part, je ne suis pas, dans ce domaine comme dans d'autres, un adepte de la tabula rasa, de réécrire l'histoire pour qu'elle me satisfasse*. En cela, peu m'importe, contrairement à Judith, que le propos d'Eribon sonne démophobe ou puisse laisser transparaître une image de beaufland, car, bien que je ne sois aucunement démocrate dans l'acception ordinaire, je ne perçois aucunement où peut bien être l'intérêt de soutenir un principe démocratique, si on commence par faire le tri et qu'on redessine le peuple en en gommant une partie pour être raccord avec l'image des principes qu'on affectionne.
Si la démocratie (quantitative) ne passe pas l'épreuve du peuple "réel", tel qu'il est (avec toutes ses composantes), c'est peut-être qu'il est temps de se questionner sérieusement sur ce principe qui met encore et toujours la charrue avant les bœufs.
yG
ps: * Et je ne suis pas davantage friand de l'analyse en terme performatif, genre, le peuple ainsi durement qualifié se conforme à l'image que certains (intellectuels et/ou médias) ont de lui. Ne serait-ce que parce que cette approche transforme paradoxalement le peuple qu'elle entend défendre d'une critique soi-disant avilissante, en un enfant capricieux et caractériel qui fait précisément ce que ses parents pensent de lui. Soit une vision finalement infantilisante de ce dernier, autrement dit, le comble du paternalisme.
Cherchez l'erreur.
posté le 21/04/2015 à 18h49 ( modifié le 21/04/2015 à 18h59 )
18/04/2015 - Dans le Texte - Verdict social, verdict sexuel
Très bonne émission. Cela change agréablement un sociologue bourdieusien qui ne soit pas (comme on en rencontre beaucoup trop ces derniers temps et qu'il m'est encore plus insupportable de lire et d'entendre depuis le 7 janvier) bêtement paternaliste.
Lutter pour que les opprimés aient la parole, ce n'est pas donner nécessairement raison à leurs valeurs.
Pour revenir sur un point abordé dans l'entretient, Didier Eribon rend "grâce" à son homosexualité pour lui avoir permis d'échapper à l'assignation à laquelle le condamnait son milieu, à savoir devenir un ouvrier, raciste, homophobe, sexiste...
La question qui me vient aussitôt à l'esprit est pourquoi l'école n'a pas rempli ce statut ?
Pourquoi n'a-t-elle pas permis son émancipation ?
La réponse par trop classique d'un bourdieusien, c'est que l'école accentue les inégalités. Sans contester ce constat, Eribon a au moins le mérite de ne pas savoir comment remédier à cette tendance.
Mais, il existe au moins une autre explication que celle mettant en cause, directement pour ne pas dire uniquement, l'éducation nationale, une explication que la terminologie si prisée sous forme de dominants/dominées, par trop manichéenne, ne permet pas d'entrevoir. Une explication qui rend compte du fossé qui se creuse à l'école, du fait même qu'elle est l'école, et qu'elle tente précisément de remplir sa fonction de transmission des savoirs, ni plus, ni moins. Une explication en terme de stratégies adaptatives.
Les insultes qui fusent dans les cours d'école primaire, comme au collège, laissent entrevoir cette stratégie. On n'y traite pas uniquement ses camarades de "sale PD", de "noir", de "voyageur",..., mais aussi, pour ne pas dire surtout, "d'intello".
Oh, l'enfant ainsi visé n'est pas fils ou fille d'enseignant, de médecin ou de cadre, ce n'est pas même un génie, il n'a pas obligatoirement des lunettes, il n'est même pas toujours parmi les premiers de la classe, non, non, le plus souvent, c'est juste celui ou celle qui fait ses devoirs, prend le cours en note, vient régulièrement avec son cahier et une trousse et a le malheur de temps en temps de répondre oralement à une question de l'enseignant.
Ceux qui l'insultent ainsi ne sont pas, de prime abord, plus idiots que lui. Ils marquent avant tout leur territoire, leurs valeurs, des valeurs qui s'opposent frontalement à celle que l'école transmet de fait. Pour eux, le savoir scolaire ne sert strictement à rien, il n'est d'aucune utilité pour s'en sortir dans la vie. C'est pourquoi ils n'y font, au mieux, rien et attendent, tant bien que mal, parce que l'école est obligatoire, que la peine soit levée à 16 ans tapante.
Ces élèves, aussi jeunes soient-ils, semblent dire :"Avant même que vous ne puissiez me rejeter parce qu'ignare, je rejette vos valeurs liées au savoir, parce qu'inutiles à mon existence, comme l'attestent d'ailleurs celles de mes parents et de mes amis."
Ce rejet viscéral peut donc se percevoir comme la résultante d'une stratégie collective (familiales + environnement proche) que l'école, notamment en période de chômage structurel, serait bien en peine d'infirmer. Apprendre pour eux, c'est d'abord trahir les siens. Le choix est vite fait.
La guerre (un vocable dont on oublie trop souvent qu'il implique avant tout au moins deux belligérants et pas nécessairement des occupants et des occupés...) ici est donc une guerre symbolique, l'expression de l'affirmation de valeurs antagonistes, de stratégies adaptatives opposées.
Fort de ce constat, je pense que si Dider Eribon n'avait pas été homosexuel, étant donné le milieu qui était le sien alors, il aurait pu basculer du côté du rejet du savoir au lieu de finir par en vivre. Car, bien que l'école offre encore et toujours à ceux qui veulent jouer le jeu du savoir, les outils nécessaire pour s'émanciper (certes, il sera toujours plus difficile de les manier en fonction du patrimoine familiale, mais c'est là une lapalissade dont on ne peut raisonnablement accuser l'école), il faut encore que la stratégie alternative, celle du rejet du savoir, ne soit pas perçu, à tort ou à raison, comme "payante".
yG
posté le 19/04/2015 à 17h02 ( modifié le 19/04/2015 à 18h49 )
20/12/2014 - Aux Ressources - Travail sexuel et féminisme
"Vous invitez des gens nocifs pour le genre humain." dites-vous jacqueline debant.
J'aurai tendance à penser que ce sont les gens qui raisonnent comme vous (genre : "C'est un crime.Point.") qui le sont.
Comme quoi...
yG
posté le 22/12/2014 à 18h02
20/12/2014 - Aux Ressources - Travail sexuel et féminisme
Grand bien vous fasse. Pour ma part, je ne goûte pas plus votre ironie que vos arguments.
yG
posté le 21/12/2014 à 18h21
20/12/2014 - Aux Ressources - Travail sexuel et féminisme
Comment pouvez-vous être à ce point incohérent morvandiaux ?
Vous parlez de crime à propos de la prostitution et vous vous étonnez que le crime organisé en fasse bénéfice ?
Il faudrait savoir.
Si tout ce qu'exploite le crime organisé devait être condamné du simple fait que celui-ci en tire profit, c'est toutes les formes de travail et plus largement toutes les formes d'activités lucratives qui devraient l'être, ni plus, ni moins.
Que je sache, le fait qu'il existe par exemple des travailleurs manuels exploités par des réseaux criminels un peu partout dans le monde n'a jamais suffit à rendre criminel, le dit travail manuel, en tant que tel.
Vous confondez, comme la plupart des abolitionnistes, l'exploitation humaine et sexe tarifé.
Ce qui est condamnable dans l'exploitation de la prostitution par le crime organisé, ce n'est aucunement le fait de monnayer des services sexuels, c'est tout bêtement l'exploitation humaine. Puisque ces personnes exploitées le seraient à fabriquer des baskets, à mendier, à faire la cuisine, à faire la mule, etc., cela ne changerait strictement rien. Cela constituerait toujours un crime qu'il faut dénoncer.
C'est pourquoi, n'en déplaisent aux abolitionnistes, on peut et doit tout à la fois lutter contre le crime organisé et son exploitation des êtres humains, sans pour autant condamner et criminaliser le fait de mettre à disposition son corps sexué contre une contre-partie financière.
yG
posté le 21/12/2014 à 18h01
20/12/2014 - Aux Ressources - Travail sexuel et féminisme
Un discours plus que nécessaire, tant il est flagrant, comme il est rappelé un peu avant la 53ième minute, qu'il y a beaucoup de choses que les abolitionnistes ne comprennent pas ou, j'ajouterai, feignent de ne pas comprendre.
Merci.
yG
posté le 20/12/2014 à 18h28
13/12/2014 - En accès libre - Les années 10
La littérature des années 10 serait hors-sujet politiquement parlant, et donc non pertinente pour qui voudrait prendre à bras le corps la révolution. Ce qui expliquerait qu'à gauche, d'aucuns lisent moins de romans, au bénéfice d'essais politiques, économiques, philosophiques.
Voilà en gros l'hypothèse qu'on peut voir surgir en filigrane lors de cet entretien... si j'ai bien compris.
Je ne sais évidemment pas si celle-ci est la bonne pour rendre compte de ce désamour d'un certain lectorat.
Par contre, ce que j'observe, c'est qu'à mes yeux, rien de ce qui se passe actuellement n'est véritablement nouveau. C'est pourquoi je parie au contraire qu'on peut retrouver des situations analogues dans nombres d’œuvres littéraires, cinématographiques ou autres, pour peu qu'on le veuille vraiment.
Ainsi, le film de Kelly Reichardt, Night Moves (2013) est une relecture du roman "Crime et Châtiment" (1866) de Dostoïevski en milieu écolo, parfaitement raccord avec notre temps.
Aussi, mon hypothèse pour expliquer ce désaveux littéraire de la part de certains sympathisants de gauche est beaucoup moins flatteuse et ne tiendrait pas à une absence d'adéquation entre la fiction d'hier ou d'aujourd'hui et l’œuvre politique à laquelle ils travaillent, mais bien au contraire, au fait que la fiction, par sa capacité première à personnaliser et donc à complexifier des situations fragiliserait les grands récits, les grands idéaux mobilisateur sur lesquelles repose une grande part de leur action politique.
yG
posté le 14/12/2014 à 13h12 ( modifié le 14/12/2014 à 13h13 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ Kyle Butler
Il y aurait beaucoup à redire sur le texte de Roberspierre que j'ai lu à votre invitation, mais visiblement, vous ne le souhaitez pas. Pour ma part, je ne saurais m'en contenter.
yG
posté le 27/11/2014 à 17h17 ( modifié le 27/11/2014 à 17h19 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ Kyle Butler
J'ai conscience que cette conception absolutiste n'est pas que, voire historiquement pas du tout, chomskyenne. On en retrouve aussi l'écho dans la célèbre formule apocryphe attribuée à Voltaire: "Je ne suis pas d'accord avec vous..."
Quoi qu'il en soit, comme vous le soulignez, l'extension des libertés individuelles est à rechercher autant que faire se peut, mais certainement pas à tout prix. Sous peine de se priver de l'éthique la plus élémentaire, pour ne pas dire minimale.
yG
posté le 26/11/2014 à 22h17
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
Décidément, les chomskiens, ceux qui défendent comme lui une liberté d'expression inconditionnelle, m'apparaissent de plus en plus inconséquents.
De ce côté-ci de l'Atlantique, nombre d'entre eux trouveraient irresponsable de défendre une liberté d'entreprendre inconditionnelle ou pour le dire autrement, une économie de l'offre et de la demande sans entrave. De même, la plupart estimeraient criminel de laisser en libre circulation les armes à feu. J'en passe et des meilleurs.
Et pourtant, dès qu'il s'agit de la circulation publique de certaines idées, ils déclament régulièrement qu'interdire l'expression de quelques-unes reviendraient à cautionner un régime dictatorial, incompatible avec la démocratie. Outre que c'est de leur part négliger qu'y compris dans la plus parfaite des démocraties, il y aura toujours des contraintes, des interdits et donc de la coercition, ils opèrent un deux poids deux mesures des plus irrationnels et dangereux.
Les mots, les idées ne sont pas sans impact, sans effet.
C'est pourquoi les chomskiens sont également à mes yeux responsables, que cela leur plaisent ou non, de l'expression dans l'espace public des pires thèses. Il n'est pas nécessaire pour eux d'y adhérer explicitement, ils en sont complices rien qu'en ne s'opposant pas à l'expression publique de ces dernières.
Ohhhhh, je les entends déjà me répondre, qu'ils s'opposent à ces idées nauséeuses, bien qu'ils les laissent s'exprimer, par le biais d'arguments, en se lançant au coeur du débat, au corps à corps...
Mais, diantre, ils se croient où ?
Dans une arène fermée où les idées les plus rances ne peuvent s'échapper de l'enceinte, où il y a des arbitres pour compter les points, déclarer la fin du match et proclamer la victoire de la raison ?
Encore une fois, dans l'espace public, nul n'est jamais obligé de se soumettre à la raison, nul n'est donc jamais forcé d'accepter le verdict qu'elle peut produire.
Par conséquent, qu'importe la vigilance et la ténacité de certains, le seul vainqueur à tous les coups, à coup sûr, ce sont les idées les plus abjectes, car elles n'ont pas à se soucier d'être rationnelles, justes. Tout ce dont elles ont besoin pour exister publiquement, c'est que nous montions sur le ring pour en découdre avec elles, afin qu'elles se donnent en spectacle avec notre assentiment de façon légale.
La censure a au moins le mérite de refuser un énième combat, non pas que d'aucuns n'auraient pas de bons arguments à opposer à la bêtise, mais tout simplement parce qu'il serait vain de les dilapider en servant de caution à l'expression de celle-ci.
Sans compter que si les idées abjectes font des dégâts en cachette, au grand jour, elles n'en font pas moins, loin s'en faut et tandis que les débatteurs s'enorgueillissent à guerroyer, d'autres, dans leur coin, seuls, inaptes à manier aussi bien les armes de la raison, subissent au quotidien l'expression légale de ces idées gerbantes. La loi, la censure n'est pas là pour protéger les plus aptes, mais bien les plus faibles.
J'ajouterai enfin que le propre de la raison, c'est qu'elle n'a pas à s'exposer continuellement à la bêtise, à répondre à ces provocations, à se mettre à son niveau pour la combattre. Elle peut parfaitement traiter de celle-ci, sans lui donner la parole, sans la convoquer. Elle peut toujours la disséquer, comme un animal mort, sans lui redonner vie.
yG
posté le 26/11/2014 à 17h53 ( modifié le 26/11/2014 à 17h57 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ jck
""Défendre la liberté d'expression inconditionnelle, c'est de facto participer au relativisme."
Répéter un sophisme 100 fois n'en fait pas une vérité. " écrivez-vous.
Pour l'heure, vous n'avez rien publié qui n'en fasse surtout pas un de votre propre prose. Surtout lorsque je note que vous vous tirez vous-même une balle dans le pied. En effet, si répéter un sophisme cent fois n'en fait évidemment pas une vérité, le laisser se répéter infiniment n'en fera pas davantage une et pourtant, dans le cadre de la liberté d'expression inconditionnelle, il restera toujours autant audible, visible, et s'opposera toujours à la vérité, car nul dans la sphère public n'est jamais obligé de se soumettre à la raison.
C'est d'ailleurs pour cela que votre appel à la vérité objective, scientifique est pour moi des plus amusants, car s'il y a un domaine dans lequel n'a précisément pas lieu la liberté d'expression inconditionnelle, c'est bien la science. Puisque, s'il lui est justement possible de trancher sur certaines questions et d'avancer, de progresser, c'est bien parce qu'elle n'autorise plus en son sein certaines théories à avoir le droit de citer une fois qu'elles ont été invalidé. Autrement dit, dans ce domaine, la liberté inconditionnelle n'a lieu qu'a priori. Toutes les théories sont recevables tant qu'elles n'ont pas été invalidé. Après, elle passe à autre chose, elle n'y revient pas sempiternellement tant qu'il n'y a rien de fondamentalement nouveau pour remettre en question ce qui a été préalablement établi. Or, la nouveauté, ce n'est pas la répétition du même, comme le permet la liberté d'expression inconditionnelle... inconditionnelle, y compris à la vérité.
yG
posté le 24/11/2014 à 06h58
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ alexandraaaa
Je ne vais pas me cacher derrière mon petit doigt, il est évident que mon vocable est policier, et pour cause, puisque j'en appelle à la loi pour réprimer ce type de débordement. J'assume. Je préfère infiniment plus le recourt à cette dernière que la loi du plus fort et la guerre permanente inhérente à la liberté sans entrave. C'est valable dans le domaine économique, comme dans celui des idées.
Pour le reste, je ne considère aucun groupe comme sacré, puisque justement à l'instar de Amselle et de l'exemple que vous citez d'ailleurs, je n'assigne aucune personne à de tels groupes. Homosexuel, noir, femme, juif ne sont que des qualificatifs que les personnes peuvent éventuellement s'attribuer, pas des groupes auxquels je les rattache et cela change tout. Ces caractéristiques ne disent rien d'autres, elles sont tout au plus tautologiques. Ce n'est qu'à les réifier ou les essentialiser que commence le racisme, l'homophobie, le sexisme ou l'antisémitisme. S'opposer à ceux qui sous couvert d'une caractéristique commune traitent les personnes comme les items d'un groupe ne revient aucunement à admettre l'existence ou la pertinence de tels groupes.
yG
posté le 23/11/2014 à 20h05 ( modifié le 23/11/2014 à 20h28 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ gynko
Je connais les arguments que vous exposez et ils n'ont jamais réussi à modifier mon approche du problème.
Je vous explique pourquoi.
A celui consistant à souligner que l'interdiction fait de la publicité, ou favorise la transgression, je vous répondrai laconiquement, peu importe. Les "connards", comme je n'hésite pas à les qualifier, savent de toute façon faire feu de tout bois, ce n'est donc pas là une raison suffisante pour les laisser faire. Peu importe comment ils réagiront à nos interdits, le tout, c'est que nous ne les laissions pas agir à leur guise dans l'espace public.
Pour l'exemple des meurtres que vous produisez, il sert en fait totalement mon propos, puisque si l'interdiction, hier comme aujourd'hui, ne les empêche pas, il serait irrationnel, inconséquent pour autant de les autoriser. Il en va de même du viol, des excès de vitesse, de la conduite en état d'ivresse, etc. Peu importe donc que les idées circulent discrètement, le tout, c'est qu'elles ne puissent pas avoir accès librement, avec notre accord donc, à la lumière, là où elles acquéraient un pouvoir de nuisance bien plus considérable.
J'ajouterai que si éventuellement l'interdiction fait de la publicité, les vaines tentatives de discussion avec eux n'en font probablement pas moins. La censure a, elle, au moins le mérite de ne pas nous rendre autant complice. C'est déjà ça. Marquer le désaccord, la ligne rouge, les principes, les valeurs. A partir de là, qu'ils franchissent celle-ci et en subissent les conséquences n'implique que leur responsabilité.
Quant à l'analyse, les arguments rationnels, je vous rétorquerai qu'ils existent déjà. Toute la pédagogie, toute la science, tout le savoir est déjà là, présent et accessible. Et pourtant, Dieu a survécu à Nietzsche et à Darwin et l'astrologie perdure malgré toutes les découvertes astronomiques, pour ne prendre que deux exemples standards éclairant le rapport entre le savoir et son intégration.
J'ajouterai qu'interdire le meurtre, pour reprendre votre exemple, ne consiste aucunement à interdire les raisons de sa condamnation, elles sont disponibles, accessibles à tous, pour peu que vous souhaitiez en tenir compte. Idem pour la condamnation du négationnisme, de l'homophobie, du racisme, etc.
Et c'est là justement que la bât blesse.
Contrairement à une idée reçue, il n'y a aucunement un déficit d'information, un manque de pédagogie, de dialogue, non, il y a au contraire un conflit de valeurs. Le rejet des "bonnes" raisons ne se fait pas la plupart du temps par ignorance (ce n'est qu'à la marge que cela a lieu), mais par calcul (plus ou moins conscient) d'intérêts.
Ce qui ne le rend pas moins condamnable.
Si le savoir était intégré, il impliquerait de leur part qu'ils renoncent à leurs excuses faciles, leurs comportements commodes, leurs préjugés bien pratiques, ce qui conduirait bien souvent à l'exclusion de leur milieu familiale...
Le rejet n'est donc pas dû à une ignorance, bien au contraire, c'est une stratégie de préservation, un calcul économique.
A nous alors de faire pencher par la répression, la balance des coûts/bénéfices à leurs désavantages.
Quant à changer le monde, peu importe que nous y parvenions, le tout, encore une fois, c'est de ne pas se rendre complice de ces exactions, notamment en ne reproduisant pas sans cesse des débats qui ne devraient plus avoir lieu depuis des décennies, si ce n'est des siècles, des millénaires.
yG
posté le 23/11/2014 à 17h41 ( modifié le 23/11/2014 à 17h47 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ gynko
Je ne propose aucune hiérarchie, car en l’occurrence, elle existe déjà. Lorsqu'on interdit les propos négationnistes, racistes, homophobes, sexistes, il faut par la suite ne pas s'arrêter bêtement à la lettre, car elle permet aux roublards de toute espèce de se faufiler entre les mailles du filet et de maintenir ainsi en vie des idées dans l'espace public que la collectivité a pourtant déjà condamné à mort, et ce à juste titre. Si l'esprit prévalait, on ne perdrait pas son temps à lutter, débattre, répondre en vain, continuellement, aux partisans de ces thèses abjectes.
Pour l'inclusion d'autres valeurs, d'autres points d'arrêt, nous en déciderons de la même façon que nous le ferons de tout dans le "meilleur" des mondes.
Si nous pouvons édicter des interdits concernant des comportements, nous devons pouvoir le faire vis-à-vis des propos, qui ne sont pas tant différent, sauf à considérer que les mots n'ont pas de valeurs, n'ont pas de poids, ce que je ne pense aucunement.
Si les mots participent bel et bien au façonnement des comportements, il est irresponsable de les laisser circuler librement, car cela revient à abandonner les plus démunis aux caprices des plus malfaisants. Puisque nul n'est tenu de reconnaître ses torts et de s'incliner devant la raison, l'arme pédagogique ne suffira jamais. C'est pourquoi il faut nécessairement en arriver sur certaines questions à l'interdit, au non dialogue, à la censure, à la sanction, sous peine d'entretenir publiquement la lutte permanente et mortifère de tous contre tous.
yG
posté le 23/11/2014 à 15h38 ( modifié le 23/11/2014 à 15h48 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
@ alexandraaaa
Vous faites trop de cas de la raison. Non, elle ne suffit pas à faire le tri. Non pas qu'elle serait défaillante, un mauvais outil, mais tout simplement parce qu'elle n'est pas sollicité par tous, tout le temps, loin s'en faut. D'où justement le danger d'exposer tout et n'importe quoi, sempiternellement, sur la place publique.
Quant à votre remarque sur le fait qu'il manquerait de rigueur parce qu'il utilise "etc", je vous répondrai que cela prouve surtout que vous confondez difficulté à formuler sa pensée à l'oral, dans le cadre d'un entretien filmé, et pensée mal fagotée.
Pour le reste, le fait d'être encensé par Joffrin ne souligne pas l'incohérence de son propos, mais tout au plus celle de ce dernier. Quant au fait qu'il soit dans l'air du temps (un critère en soi irrationnel, dois-je vous le rappeler ?), cela ne démontre pas qu'il soit davantage hors-sujet.
Reste le terme "excommunier", comme beaucoup d'autres (par exemple "anathème" que j'aurai pu employer), il peut s'utiliser en dehors de la sphère sacrée, pour marquer le rejet vis-à-vis des valeurs que l'on défend, comme vous ne pouvez l'ignorer.
yG
posté le 23/11/2014 à 15h03
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
Certes, Jean-Loup Amselle ne fait pas dans la dentelle, il excommunie à tour de bras... et ce n'est pas plus mal.
Lui peut se le permettre, il ne professe pas la sacro-sainte liberté d'expression, l'équivalence des valeurs, c'est tout à son honneur.
Pas étonnant que Maja s'étouffe à le lire. Ben oui, Chomsky ou Taddeï, rien qu'en adhérant à ce principe, sont de fait responsables, à leurs niveaux, de l'existence médiatique de nombreuses dérives. Qu'ils le veuillent ou non, que cela nous plaisent ou non.
Alors, certes, ils ne sont pas les seuls, Maja, et alors ?
Cela n'a jamais été, depuis les bancs de l'école, une excuse recevable.
Qu'il y en ait d'autres ne les excusera en rien. Inutile donc de venir avec une liste des innommés. L'exemplarité n'a pas pour vocation à être exhaustivité nominative, c'est d'ailleurs tout son intérêt.
Défendre la liberté d'expression inconditionnelle, mettre en regard publiquement toutes les idées, c'est de facto participer au relativisme, n'en déplaisent à certains, puisque c'est mettre au même niveau, à égalité, ce qui n'a pas à l'être.
Tout ne se vaut pas.
Les démocrates à la petite semaine crient généralement au fascisme, à ce stade. Ils en oublient que la plus grande des barbaries ne s’épanouit jamais aussi bien que dans la liberté sans contrainte, sans interdit et également, qu'en démocratie, y compris dans la plus pure de ses formes, il y aura nécessairement décision et donc au final, coercition.
Quand cela ne suffit pas, ils mettent en avant les quelques convertis, les indécis que le débat empêche in extremis de basculer du "mauvais" côté, négligeant que l'arme est à double tranchant, qu'elle fonctionne aussi bien dans l'autre sens et qu'au final, la seule victoire est assurément du côté du bruit qui perdure et de la légitimation, comme audible, des paroles les plus nauséeuses.
Sans moi.
yG
posté le 23/11/2014 à 13h10 ( modifié le 23/11/2014 à 13h19 )
22/11/2014 - Aux Sources - Les Nouveaux rouges-bruns
Très bonne émission, notamment pour les coups donnés aux primitivistes, aux relativistes, aux culturalistes et autres tenants de la liberté d'expression qui refusent d'assumer la responsabilité qu'ils ont, de fait, dans la survie au quotidien des idées les plus gerbantes.
Je comprends que cela en défrise plus d'un par ici.
Tant mieux.
yG
posté le 22/11/2014 à 17h38
08/11/2014 - En accès libre - Le principe démocratie
Un élément m'étonne dans le discours d'Albert Ogien.
A un moment, il laisse entendre qu'il suffirait que les experts rendent leurs travaux compréhensibles pour le plus grand nombre pour que celui-ci en tienne compte, et à un autre, il fait remarquer à Judith qu'il ne suffit pas de s'opposer à certaines manifestations du capitalisme pour pouvoir être de facto qualifié d'anti-capitaliste, soulignant en creux l'incomplétude, pour ne pas dire l'incohérence intellectuelle d'un certain nombre d'acteurs de ces mouvements contestataires.
J'avoue avoir du mal à concilier ces deux informations, la première (celle sur la capacité du plus grand nombre à reprendre à son compte les avis des experts pour peu qu'ils aient été traduit dans un langage accessible) me semble passablement optimiste, pour ne pas dire infondée, en particulier à la lumière empirique de la seconde (le fait que les actes et les discours ne se recoupent pas nécessairement).
yG
posté le 11/11/2014 à 16h42
09/04/2016 - En accès libre - Vers l'amour révolutionnaire
Oui, Judith, il est évident que cette question du voile vous agace désormais.
Je le déplore, comme hier, j’ai déploré votre peu d’entrain à défendre le mariage pour tous.
Outre que vous reprenez à votre compte l’argument que je trouve systématiquement spécieux « de la diversion par rapport aux débats majeurs du moment » (puisqu’un peu près tout peut être ainsi minoré par rapport à de grandes causes...) marquant ainsi qu’il s’agit d’un débat mineur à vos yeux (c’est, hélas, ainsi que la question du féminisme et du sexisme ont d’ailleurs toujours été raillé par leurs adversaires), vous vous arrêtez ici à un argument classique dans le discours médiatique et pourtant absolument irrecevable, à savoir, celui du témoignage de femmes portants le voile et invoquant différentes raisons pour le faire.
Cette approche idiosyncrasique régulièrement défendue par certains sociologues adeptes du micro-trottoir est pourtant totalement hors-sujet.
Aussi contre intuitif cela puisse paraître, il importe peu de connaître les raisons que celles qui le portent peuvent invoquer pour le faire, et par conséquent, qu’il y ait mille raisons et plus. Car, ce n’est absolument pas au niveau du discours, de la justification, de l’intentionnalité, du libre choix que se pose le problème dans ce type de port du voile.
C’est bêtement au niveau de la pratique.
Or, celle-ci est explicitement et incontestablement sexiste.
Que celles qui l’arborent en aient conscience ou pas n’a strictement aucune importance en la matière. Pas plus que n’ont d’importance les justifications, les motivations ou les ressentis des traders pour que nous puissions condamner (ou à l’inverse défendre) leur pratique et leur participation à un certain système économique. Pas plus également que n’ont d’importance les raisons invoquées par les racistes et/ou les homophobes pour se livrer aux discriminations qu’ils opèrent. J’en passe et des meilleurs. Toutes ces réponses sont juste bonnes pour les archivistes.
Il ne s’agit pas tant, pour ne pas dire aucunement, de libérer ces personnes, malgré elles, d’une oppression qu’elles ne percevraient pas, ça, c’est du paternalisme, que de ne pas les laisser au nom des libertés individuelles exprimer par leur pratique des valeurs qui n’ont pas à être tolérée dans l’espace public.
Dès lors que nous sommes sur le terrain symbolique, ce n’est pas la liberté ou la conscience de la personne qui est à prendre en compte, c’est ce que sa pratique atteste, manifeste, révèle publiquement. Or, le sexisme n’a pas à être admis. Que cela soit sous couvert de religiosité ou autre.
Qu’il y ait mille autres manifestations de sexisme dans la société ne change rien à l’affaire, car, rien n’empêche de s’en occuper, non pas séquentiellement, mais parallèlement. Les manquements des uns ne permettent pas d’excuser ceux des autres.
Je ferai d’ailleurs remarquer à cette occasion qu’il existe des musulmanes non voilées (pour ne pas dire une majorité) et par conséquent qu’associer critique du voile et critique de l’islam est un amalgame que rien ne permet de cautionner. De la même manière, il existe des femmes "blanches" portant le voile sexiste, c’est pourquoi faire l’amalgame entre critique du voile et racisme n’est qu’un moyen grossier de condamner toute critique de cette pratique.
Certes, concernant l’islamophobie, vous avez bien essayé, Judith, de défendre face à Houria Bouteldja qui déclare à la 32ième minute : «Lorsque nous, on parle d’islamophobie, on parle bien de racisme » que certains défendent le droit à une critique idéologique de l’islam, mais sans vous appesantir et souligner qu’une religion n’est jamais qu’une idéologie parmi d’autres, ni plus ou moins respectable ou critiquable qu’une autre (et pas seulement par ses adeptes) et qu’elle n’est jamais une affaire personnelle, contrairement à ce qu’en disent certains croyants, mais toujours politique et donc collective.
Vouloir faire du port du voile une question de liberté, de choix individuel, c’est vouloir nier la dimension politique/idéologique inhérente à cette pratique. Ne tombons pas dans ce piège.
C’est pourquoi, à mon sens, il est plus que dangereux que certain(e)s féministes déclament avec emphase : « Foutez-nous donc la paix avec nos vêtements, nous sommes libre de nous habiller comme nous le souhaitons », en prostituée ou en sainte, ramenant des questions sociétales à un bête choix personnel, pour ne pas dire de consommation.* Ici aussi, nier la dimension politique, c’est avant tout le signe d’une idéologie politique qui ne veut pas dire son nom et que nous ne connaissons que trop bien.
Maintenant, que la lutte médiatique contre le voile soit mal menée, qu’elle soit récupérée par des mouvements eux clairement racistes, je le déplore et le condamne vertement, mais cela n’implique aucunement qu’elle doive l’être. Il ne tient qu’à nous de développer et de faire entendre des arguments qui eux ne le sont pas.
Enfin, vous terminez par cet appel « qu'on foute la paix aux musulmans. », je vous demanderai de quel droit ? Pas plus à eux qu’à quiconque. D’une manière générale, être victime peut vous accorder éventuellement des droits, mais cela n’en octroie aucun à vos valeurs.
yG
* On peut défendre la prostitution sans faire appel le moins du monde à la notion de choix, tout aussi inopérante dans ce domaine qu'à propos du voile. Tout simplement en soulignant qu’il n’y a aucune bonne raison de stigmatiser ceux qui opèrent une relation entre sexe et argent. Sauf à avoir une approche moralisatrice… que rien ne nous oblige à endosser.
posté le 26/04/2016 à 20h48 ( modifié le 26/04/2016 à 20h52 )