commentaire(s) publié(s) par Igor MAQUET
2 commentaires postés
07/11/2015 - Aux Sources - Déconstruction et Politique
Émission excellente ! Le propos tenu est rigoureux. Il assume son point de vue, anarchisme tendance socialiste, avec l'exigence de laisser la discussion ouverte. Le terme critique prend tout son sens : pousser au maximum les questions dans leurs conséquences pour en faire émerger leurs enjeux.
L'auteur nous offre un travail d'exploration et de synthèse très fin. Pour ma part, j'y ai pris beaucoup de plaisir. Il a réussi à me montrer les points de vues des différents acteurs. Il épure la scène du débat de la "gauche radicale" sous l'angle philosophique. Je trouve qu'il a participé, le temps de son exposé, à me défaire de mon ethos militant, par définition dogmatique, pour apprécier un paysage d'ensemble, et m'aider alors à rebattre les cartes, reformuler mes problèmes, approfondir ma réflexion, enrichir mon point de vue, m'offrir de nouvelles occasions de penser.
Cette fenêtre construite par Renaud Garcia me semble être un point de repère difficilement contournable à ceux qui ont un regard engagé sur notre monde.
Merci !
posté le 08/11/2015 à 15h55
07/11/2015 - Aux Sources - Déconstruction et Politique
Lucas Verbèke, je ne comprends pas votre propos. Je n'ai pas retrouvé dans l'exposé de Renaud Garcia de l'animosité à l'endroit de la sphère "déconstructionniste". A plusieurs reprises même, il prend le temps d'exposer cette pensée, il montre en quoi elle est source d'interrogations fécondes.
Je ne crois pas me tromper en avançant que le thème de Renaud Garcia est de tenter de poser un diagnostique quant à la désunion de la gauche. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est orpheline d'un mouvement qui la rassemblerait pour l'émancipation d'une brutalité du temps présent. Pour ce faire, il choisit un angle, et porte un regard sur la pensée actuelle de la gauche radicale. Comment nier la multiplicité des luttes : sans-papiers, racisme, LGBT, syndicales, surveillance, écologie... Comment nier qu'il n'y ait pas d'unité parmi ces courants, alors qu'une tradition profonde les traverses et les unis implicitement de manière souterraine.
Le point de vue de Renaud Garcia m'intéresse car il m'aide à penser un monde dans lequel je me sens responsable. J'ignore si tu es père de famille Lucas Verbèke, mais la question de l'héritage s'est invitée dans ma tête : quel monde vais-je transmettre à ma fille ? quelle valeur saura-t-elle identifier dans mon attitude sur laquelle elle prendra nécessairement modèle ?
Il faudrait, me semble-t-il, faire attention à ne pas tomber dans ce piège, comme le disait Freud, du narcissisme des petites différences. Je crois que Renaud Garcia évite cet écueil justement. Il conserve le coeur critique de la pensée déconstructionniste, tout en nous interpellant sur l'engagement politique. Ce pays compte, et j'en fais parti, plus de 50% d'ouvriers et d'employés. Il existe un corps massif d'individus malmenés par un pouvoir oligarchique. Nous rencontrons, retrouvons une forme de tyrannie à l'ancienne avec des méthodes de contrôles sociales, psychologiques, techniques de la population. En plus d'exercer une violence objective direct, à savoir, la précarisation de l'emploi, les délocalisations, l'atteinte à notre état social (santé, éducation, justice), le dispositif présent de notre organisation social participe à une aliénation de notre ethos. Pour que ce système continue à fonctionner tel qu'il est aujourd'hui, il convient que ses acteurs s'aliènent, troque leur humanité, leur sensibilité, pour un confort précaire et débile. Après une journée de travail de chien, sous la coupe d'un petit chef autoritaire à la vie minable qui défausse son malêtre existentielle sur les autres avec la bénédiction de l'ordre social qui le protège par sa place dans l'ordre hiérarchique (capitaliste et organisationnel), faute d'avoir les ressources symboliques nécessaires pour se défendre, comment ne pas succomber au confort douillet de la consommation : les prochaines vacances à Wall Disney, le prochain Star Wars au cinema, Cyrill Hannounah sur D8, la biture du week-end à en oublier son nom, du shopping pour changer d'apparence comme si on changeait de personne d'existence...
Je tente avec mes moyens de faire contre-feu à cet état du monde présent. Seul je ne peux pas grand chose. Et quel désarroi éprouve-je au travail devant l'accablement des collègues au travail. La peur règne. Il n'y pas plus d'embauche, que des CDD et de l’intérim. Le CDI y sert de carotte. Combien d'entre eux se trouvent plongé dans une forme de cynisme ? Comment ne pas sentir la solitude régner dans ce groupe ? Le monde leur apparait comme une impasse, et chacun se referme dans sa petite cellule intime : une famille et quelques amis... Les syndicats sont morts, les partis politiques sont morts : rien n'est venu remplacer ce qu'hier servait d'étendard pour rallier un peuple aujourd'hui orphelin de toute représentation symbolique commune.
Lucas Verbèke, avec le tableau que j'ai tenté maladroitement de brosser, effectivement, la question du langage, même si elle reste une topique d'importance dans le militantisme, ne doit pas venir voiler cette souffrance majeure ici décrite en focalisant l'attention de manière unilatérale sur de byzantines différAnces (que je considère avec beaucoup de préoccupation et d'engagement personnel).
posté le 09/11/2015 à 16h22