C'est d'abord un désir tout simple, qui hantait depuis le début « Dans le film » : celui d'inviter un producteur et de lui poser les questions les plus naïves, si possible sans trop rougir. Est-ce qu'on produit différemment un petit film d'auteur et un gros film commercial ? Pourquoi les producteurs ne sont-ils plus des mécènes ? Pourquoi UGC ne produit pas les films de Brian de Palma ? C'est quoi un marché du film ? Est-ce qu'un producteur aime tous les films qu'il produit ? Est-ce que les systèmes de co-productions internationales ne produisent pas du cinéma globalisé ? Pourquoi un réalisateur change-t-il de producteur si ça se passe bien ?

Du gros film de divertissement au cinéma français le plus intimiste, le producteur Saïd Ben Saïd a traversé un large spectre du cinéma français et international, il était donc, pour cette séance de torture, notre interlocuteur idéal. Ayant une formation d'ingénieur, Saïd Ben Saïd a travaillé pendant quinze ans pour UGC où il produit, entre autres, les films d'André Téchiné, de Pascal Bonitzer ou encore Lucky Luke ou les Dalton. En 2010 il fonde sa propre société de production : SBS Productions avec laquelle il produit les derniers films de David Cronenberg (Maps to the stars), Brian de Palma (Passion), Philippe Garrel (La Jalousie, L'ombre des femmes) et dernièrement Walter Hill et Paul Verhoeven.

Il n'y avait qu'un producteur pour nous rappeler qu'un film, bien loin de tomber du ciel des idées, est le produit de circonstances, de rencontres et de contraintes; et c'est au producteur d'assumer ce gros morceau de réalité. Lorsque Saïd Ben Saïd revient plus largement sur son parcours, il a la sérénité de celui qui voit dans toute compromission, une étape nécessaire au but qu'il s'est fixé : l'indépendance. Maintenant il produit des films pour lesquels il n'a plus ce « petit écart affectif » qui était si nécessaire à ses débuts, et tend par là à toujours plus se rapprocher de sa définition, belle et paradoxale, d'un producteur : « quelqu'un qui produit aussi des films que les gens ne veulent pas voir ».