La cigale, le corbeau et les poulets
Aux Sources
Olivier Azam
Je ne sais pas vous, mais ces derniers temps, je me suis souvent demandé où je pourrais bien fuir en cas d'apocalypse. Un endroit où je pourrais me mettre à l'abri avec ma famille, où l'on pourrait compter sur des gens pour nous planquer, des gens en qui on aurait totalement confiance, qui nous fileraient quelques patates et un peu de viande séchée. Les sites survivalistes que j'avais visités ne m'ayant pas totalement convaincue, je commençais sérieusement à desespérer. Et puis j'ai vu le film d'Olivier Azam, la Cigale, le corbeau et les poulets.
Les personnages, qu'il a suivis durant 6 ans, vivent dans une petite commune de l'Hérault, Saint-Pons-de-Thomières, où la fête de la chataigne, suivie de la fête du cochon, rythment la vie des quelques 2000 personnes qui y résident. C'est pourtant là qu'en 2009, après des mois d'enquête, le parquet anti-terroriste de Paris a décidé d'envoyer des dizaines de policiers pour procéder à l'interpellation de 11 personnes, parmi lesquelles le buraliste, le dentiste, l'ancien proviseur ou encore le plombier du village. Tous étaient soupconnés de faire partie de la mystérieuse "Cellule 34" qui depuis plusieurs mois adressait des lettres de menaces accompagnées de balles de 9mm à de nombreuses personnalités politiques dont le président Nicolas Sarkozy ou la ministre de l'intérieur Michèle Alliot-Marie. On était juste après Tarnac en plein délire autour des "mouvances de l'ultra-gauche".
C'est le point de départ du film d'Olivier Azam, co-fondateur de la coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée, à qui l'on doit, entre autres, les films Chomsky et cie et plus récemment Howard Zinn, une histoire populaire américaine. Le récit de leur arrestation et de leur garde à vue (72 heures pour le cerveau présumé, le buraliste Pierre Blondeau) est à se tordre de rire alors qu'il devrait plutôt faire froid dans le dos. Mais le plus important c'est qu'il donne l'occasion au réalisateur de nous montrer ce qu'on ne voit que très rarement. Des gens qui luttent quotidiennement avec une détermination sans faille pour leurs idées, pour le bien commun, qui consacrent toute leur énergie militante à résoudre des problèmes extrèmement concrets, à un niveau certes très local, mais qui nous concernent tous. Des gens qui n'attendent pas le Grand Soir pour agir (même s'ils l'espèrent) et qui ont face à eux un système politique totalement gangréné par le cumul des mandats et le clientélisme... Des emmerdeurs qui harcèlent le sous-préfet et le commandant de gendarmerie quasi quotidiennement mais dont la profondeur de l'engagement n'a d'égal qu'un sens de l'humour irrésistible.
Bref, quand les choses tourneront mal vous saurez où me trouver. Sur la terrasse de Pierre Blondeau, juste au dessus du tabac-librairie "la Cigale", avec probablement un verre de rouge à la main.