(Émission conçue et animée par Tarik BOUAFIA)

Des Etats-Unis à la Russie en passant par l’Inde ou le Brésil, des citoyens n’hésitent plus à transgresser la loi pour imposer ou restaurer un ordre moral, social, racial ou sexuel contre des individus jugés néfastes pour la survie et l’intégrité du corps social. L’archétype du justicier est souvent le même : un homme blanc, raciste et réactionnaire. Leurs cibles : les étrangers, les marginaux, les toxicomanes, les prostitués, tous ceux considérés comme des éléments allogènes. Bénéficiant d’un soutien plus ou moins tacite des autorités, ils affichent ouvertement leurs actions spectaculaires sur les réseaux sociaux, générant un business lucratif.

Dans plusieurs pays d’Amérique latine (Colombie, Salvador, Guatemala), des forces paramilitaires s’adonnent à des crimes de masse dans le but affiché de « nettoyer la société ». Le vocabulaire employé s’inscrit dans une matrice génocidaire propre au XXème siècle : on parle de « mauvaises herbes », de « rat », de « vermine », de « vers de terre », de « fruits pourris », de personnes « jetables ». En Colombie, les paramilitaires apparaissent comme une véritable milice du capital, massacrant les paysans sans terres. Aux Philippines, le président Rodrigo Duterte encourage ouvertement la police et l’armée à faire le sale boulot, marquant l’avènement de l’Etat justicier. On en revient alors à la maxime de Michel Foucault décrivant les pratiques de l’Etat au Moyen-Age : « Faire mourir, laisser vivre ».

Loin d’être immunisée contre cette fièvre punitive, la France suit une trajectoire inquiétante. Entre des dirigeants politiques qui appellent ouvertement à l’insurrection contre l’Etat de droit, des policiers qui affichent des velléités justicières et une extrême droite déchaînée, la menace s’avère d’autant plus réelle dans un contexte de fascisation croissante. Gilles-Favarel Garrigues et Laurent Gayer signent un ouvrage passionnant, au croisement de plusieurs disciplines (sociologie, histoire, anthropologie, droit) ; ils donnent à voir une réalité méconnue sur un phénomène devenu mondial.

Tarik BOUAFIA