L'oeuvre-vie d'Antonio Gramsci
Aux Sources
Jean-Claude Zancarini
Gramsci est à la mode, et c’est peu dire. Il séduit jusqu’à nos ennemis politiques : Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen, et bien sûr, avant eux, l’inénarrable Alain De Benoist. A gauche aussi, le nom du sarde est sur toutes les lèvres. Mais le succès a pour rançon une réduction de sa pensée à des formules convenues : « la bataille des idées » qui devrait précéder la victoire dans les urnes ; « les monstres » qui apparaissent quand le vieux meurt mais que le nouveau tarde à naître ; « le pessimisme de la raison » conjugué à « l’optimisme de la volonté ».
Il faut lire Gramsci dans le texte. C’est une expérience dont on ne ressort pas indemne. D’autant que sa pensée, élaborée il y a environ un siècle (Gramsci est né en 1891, mort en 1937, et ses Cahiers de prison ont été rédigés entre 1928 et 1935), demeure d’une incroyable actualité. Elle nous offre des ressources pour penser les crises du capitalisme, l’émergence sans cesse renouvelée d’« hommes providentiels », les soulèvements populaires, la multiplication des fronts de lutte et leur nécessaire articulation, le rôle de la culture et de l’éducation dans tout processus révolutionnaire.
Plongée dans une époque agitée (la révolution russe, le bienno rosso, la fondation du Parti communiste d’Italie, l’arrivée de Mussolini au pouvoir), la pensée de Gramsci s’est forgée au contact des évènements politiques. De sorte que chez lui, les réflexions philosophiques sont arrimées aux considérations stratégiques, sans qu’on puisse réellement démêler ces deux plans. Il en résulte une pensée foisonnante, en évolution permanente. Une pensée pas toujours aisée à appréhender, surtout lorsqu’on s’est accoutumé à la réduire aux slogans susmentionnés.
Pour s’y retrouver, je reçois aujourd’hui l’un des plus éminents spécialistes de Gramsci, Jean-Claude Zancarini, co-auteur avec Romain Descendre de L’œuvre-vie d’Antonio Gramsci, récemment paru aux éditions de la Découverte. Dans cette somptueuse biographie intellectuelle, les deux auteurs resuscitent l’homme et sa pensée, le militant et le théoricien. Il en résulte cette émission, que vous apprécierez j’espère !
Manuel Cervera-Marzal